Tu sors ton deuxième album en France, qui en réalité est le quatrième de ta carrière, pourquoi avoir choisi la musique ?
Le premier est sorti aux Comores en 97, je l’ai fait alors que j’étais étudiant. En 98, j’en ai fait un autre. Je n’ai pas choisis la musique. Je voulais simplement être honnête avec moi-même. J’y suis venu instinctivement. A mon arrivée en France, j’étais à l’école d’architecture de Grenoble, mon grand frère qui avait un home studio m’a entraîné dans la musique. Et dès que j’ai commencé, je n’ai plus arrêté. Je savais ce que je voulais faire, c’était du reggae, parce que j’ai grandis avec cette musique.
Comment t’est venu le titre de ton album, Le chat et la souris ?
J’aime bien le rapport entre le chat et la souris. Le premier veut dominer l’autre. Et puis comme tout le monde sait, quand le chat n’est pas là, la souris danse. De quel droit le chat interdit-il la souris de danser lorsqu’il est là ? au niveau social ça se traduit par les rapport entre les gouvernants et les gouvernés.
Est-ce à dire qu’à ta manière tu décris en fait la situation aux Comores ?
Oui, mais cette situation vaut pour toute l’Afrique. Ceux qui gouvernent nos pays semblent oublier d’où ils viennent. Dès qu’ils sont au pouvoir, ils veulent contrôler le peuple.
En général, le reggae en Afrique est perçu comme militant, très politisé. Ta musique en est un exemple. Qu’est ce qui te fait réagir ?
Je viens de Mayotte, une des quatre îles qui composent l’archipel des Comores avec Anjouan, la Grande Comores, Mohéli. Juste après la décolonisation, Mayotte a voulu rester française, les autres îles ont formé la République islamique de Comores. Tout cela n’a pas marché, au point que Anjouan veut se séparer, il y a eu des mouvements séparatistes et je milite pour dire aux Comoriens que leur avenir leur appartient. Ces archipels leur appartient, il faut qu’ils arrivent à s’entendre, à se poser des questions, trouver des réponses, et qu’on arrête de se haïr. Ce n’est pas parce qu’on est Anjouanais qu’on doit haïr le Grand Comorien ou le Mohéli. Et ce n’est pas parce que la population de Mayotte est restée française qu’elle doit ignorer l’état comorien ; tout le monde peut communiquer pour que les choses aillent mieux.
Tu ne vis plus en France depuis deux ans. Comment as-tu travaillé ton album ?
J’ai commencé à composer musicalement mon album à Mayotte, j’ai écris les textes là bas et une fois que je m’y suis sentis bien, je suis revenu enregistrer à Grenoble.
Y a-t-il une culture reggae assez forte aux Comores ?
A travers le reggae, il y a tout un mouvement qui permet de mettre en lumière ce qui ne va pas quelle que soit la société. Il est vrai que le reggae n’est pas réellement une culture comorienne, mais lorsqu’on écoute le message du reggae jamaïcain, il revendique le côté africain qui caractérise l’identité de l’homme noir. Quel que soit l’endroit où il se trouve, il a un rapport direct avec l’Afrique. Etant donné que les Comores sont avant tout des îles africaines, le reggae est mon identité. Et à travers le rastafarisme, le Jamaïcain se réclame Africain et a un roi qui vit en Afrique. Je revendique pleinement cette identité africaine. Je suis né aux Comores, qui est un pays majoritairement musulman. Dans le rastafarisme, il y a des dogmes, des choses à respecter, chaque peuple y retrouve ses racines. Aux Comores, il y avait des Bantous qui avaient leur propre religions, les Arabes sont venus les coloniser, il y a aussi eu des esclavagistes, et petit à petit, ils nous ont emmené à l’islam. Ensuite sont venus les Européens, qui ont tenté de nous enlever l’islam, mais ils n’ont pas pu. Pour la Jamaïque, les maîtres des esclaves étaient des Blancs, ils ont été christianisés. Si Dieu existe, il est en chacun de nous. L’Africain doit voir Dieu à sa façon, c’est comme ça qu’il peut se libérer. Ce message vient de Jamaïque ou des Comores et je me sens concerné. Il faut voir en l’islam ce qu’il peut apporter de bien à l’Afrique, de même pour le christianisme. C’est l’identité du rastafarisme. Bob Marley a dit que le jour où le reggae atteindra un sens profond, ce sera celui où il atteindra les côtes de l’Afrique. Avec Alpha Blondy, Tiken Jah Fakoly, le reggae atteint toute sa plénitude en Afrique.
Comment concilier le reggae, le rastafarisme et l’islam ?
Pour les Jamaïcains, Haïlé Sélassié est le dieu vivant sur terre. Moi, qui suis issu d’une culture islamique, je dirais plutôt que c’est la lumière de Dieu qui existe, afin que l’Afrique puisse s’identifier pleinement à Dieu sans intermédiaire, car nous sommes les créatures de Dieu.
Tu chante en français, en anglais et en langue locale
C’est la langue parlé à Mayotte, le chimahoré, c’est du swahili propre à Mayotte, mais qui est comprise dans tous les archipels. La chanson Rikiya Ar Ari, parle de ce que les gens se racontent quotidiennement dans les rues. Je mets en garde les gens contre le développement de Mayotte qui entraîne certaines personnes dans la délinquance, le ghetto. Si on veut se développer, ce serait bien de prendre plutôt le côté positif de la métropole.
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