Il y a quelque chose de Bresson chez David Williams, cette façon de refuser sans cesse de trop en dire, de chercher la bonne distance qui permet à l’être de s’exprimer sans induire le spectateur vers l’identification, la compassion ou même la sympathie. Pourtant, cette grand-mère noire qui accueille dans sa maison enfants et vieillards rassemble en elle tout ce qui pourrait appeler ces sentiments : son dévouement de chaque instant mais aussi et surtout sa détermination lucide (qui lui permet de réagir au quart de tour sur toutes les ambiguïtés racistes, comme lorsque deux assistantes sociales tentent de lui expliquer qu’elles confient plutôt les enfants blancs aux Blancs) mobilisent tout ce qui peut nous motiver à garder confiance en l’humanité.
Cette juste distance fait d’elle un vrai personnage de cinéma : Williams la met en scène, franchissant dans son regard documentaire le pas de la fiction. Sa mise en scène puise dans la réalité du quotidien mais aussi dans un cadrage, des lumières et des couleurs faisant de chaque image un tableau vivant. Il peint plutôt qu’il ne dépeint ; il photographie l’instant plutôt qu’il ne le met en mouvement. Le regard ethnologue de ce Blanc qui ne filme que des Noirs a le respect de ceux qui cherchent à comprendre, à saisir en quoi cette femme est emblématique d’une simple vision du monde où l’homme est premier. Lilian s’inscrit en nous, témoignage d’un quotidien qui n’est pas à copier mais exemplaire par ce qu’il signifie pour notre devenir à tous.
Film américain de David Williams (1993). Avec Lillian Foley, Wilhemenia Dickens. (1 h 22.) ///Article N° : 2512