L’Orchestre des aveugles, de Mohamed Mouftakir

L'univers de la dissimulation

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Si L’Orchestre des aveugles est le quatrième film de Mohamed Mouftakir mais le premier à bénéficier d’une sortie française (le 26 octobre 2016) – alors que Pégase avait eu le grand prix du Fespaco -, c’est sans doute qu’il est auréolé du Tanit d’Or aux Journées cinématographiques de Carthage 2015 et de divers prix d’interprétation masculine ou de musique en festivals. Mais c’est aussi qu’il est attachant malgré son classicisme. Si l’on creuse un peu, le film n’est cependant pas dénué d’ambiguïtés.

« ll était une fois un homme qui se souvenait de ce qu’il avait été », marque Mimou sur un cahier d’écolier… Ce film autobiographique se situe au début du règne d’Hassan II, donc dans les années 60. Son père Houcine, grand admirateur du roi, interprété par l’excellent Younes Negri, veut que Mimou réalise ce qu’il n’a pu faire : réussir à l’école. La maison familiale tremble des crises de jalousies des adultes tandis que l’innocent petit Mimou tente par mimétisme de conquérir le cœur de Chama, la jeune domestique de la voisine. Quant à l’orchestre populaire d’Houcine, il fait semblant d’être composé d’aveugles pour pouvoir jouer dans les fêtes réservées aux femmes des familles conservatrices.
C’est dans cette ambiance sensuelle que s’agite une galerie de personnages hauts en couleurs qui pourrait être une allégorie de la galaxie politique de l’époque : Houcine, sévère et sans concessions comme le fut Hassan II, se confronte à son frère, un militant d’extrême gauche qui croque la vie à pleines dents. Rebelle, celui-ci aidera Mimou à trafiquer ses bulletins de notes à la barbe d’Houcine… Au-delà de l’orchestre, c’est le peuple qui est un faux aveugle. Mais par-delà la ruse, il multiplie infidélités, engrenages et dissimulations. Houcine est infidèle mais on lui pardonne, comme si l’on pouvait tirer un trait sur le règne d’Hassan II… Quant à Mimou, il n’a en tête que la robe de Chama et lui fait mille cadeaux, mais au fond n’évolue pas. Le scénario le délaisse régulièrement, et change de point de vue, perdant en consistance.
De cette mosaïque de souvenirs évoquant le passé colonial, l’adultère et la disparition de militants durant les années 1970, reste un univers de mensonges et de dénonciations, triste vision d’une époque qui comporta pourtant des résistances autrement plus marquantes.

///Article N° : 13812

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