L’UEMOA met en place un fond régional d’aide à la culture

Entretien d'Ayoko Mensah avec Komlan Agbo

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L’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA) s’apprête à lancer, en avril 2007, un « fonds régional pour la promotion de la coopération et les échanges culturels en Afrique de l’Ouest », une initiative souhaitée et très attendue par les professionnels. M. Komlan Agbo, chargé des Affaires culturelles à la Commission de l’UEMOA, revient sur les différents programmes de cette institution dans le domaine culturel.

Vous êtes chargé des Affaires culturelles à la Commission de l’UEMOA depuis 2004. Quelles ont été vos principales actions à ce poste ?
Je voudrais tout d’abord rappeler que la direction des arts, de la culture et des technologies nouvelles a été créée au sein du département du développement social de l’UEMOA en février 2003. J’ai hérité d’une étude sur le cinéma qui a abouti à l’adoption par le Conseil des Ministres du « Programme d’actions communes pour la production, la circulation et la conservation de l’image au sein des États membres de l’UEMOA » en septembre 2004. Ce programme vise à donner aux États membres une capacité pérenne de produire et de diffuser des images qui nous ressemblent et qui contribuent à la croissance économique. En termes clairs, il s’agit de poser les bases dynamiques d’un cadre juridique et économique du secteur de l’image et de mettre en place des mécanismes de financement appropriés au développement de l’industrie audiovisuelle et cinématographique communautaire.
Toujours dans le secteur de l’audiovisuel, la Commission a commandé en 2005 une « étude d’identification d’un pôle et d’élaboration d’un programme de formation aux métiers de l’image et du son au sein de l’UEMOA. » Cette étude éclaire les conditions de mise en place d’un tel pôle permanent de formation professionnelle tant dans les métiers techniques (image, montage, son) qu’artistiques (scénario, réalisation) et économiques (production, gestion) de la télévision, de la vidéo et du cinéma.
Étant entendu que la culture est un nouveau domaine de compétence de l’UEMOA, la Commission a entrepris, en 2006, une autre « étude d’identification d’une politique communautaire des arts et de la culture dans l’espace UEMOA« . Celle-ci vise à définir et à adopter une politique culturelle communautaire devant appuyer les politiques nationales des États membres, promouvoir et soutenir des initiatives et actions culturelles, sur la base du principe de subsidiarité, afin de contribuer à l’accélération du processus d’intégration. Le processus d’adoption de ces deux dernières études est en cours.
Mais en attendant, la Commission organise déjà en partenariat avec l’Université Senghor d’Alexandrie en Égypte, des sessions de formation continue de deux mois. La première, organisée de février à avril 2006, a porté sur le « mangement de l’audiovisuel. » La seconde se tiendra durant la même période en 2007, toujours à Alexandrie, et portera sur la « gestion organisationnelle et financière des entreprises culturelles« . Vingt entrepreneurs culturels sélectionnés dans les différents États membres suivront cette session. Voilà quelques actions principales menées. L’année 2007 en connaîtra bien d’autres encore.
On reproche aux institutions régionales africaines d’avoir totalement délaissé la culture. Pourquoi ce désintérêt selon vous ?
Je ne pense pas qu’on puisse parler de délaissement ou de désintérêt de la culture de la part des institutions régionales africaines. Je ne peux parler que de celle que je connais mieux : l’UEMOA. Les politiques sectorielles de l’UEMOA, pas seulement dans le domaine de la culture, sont un peu la synthèse des politiques nationales. Il est souvent question d’harmonisation des textes nationaux dans ces politiques sectorielles. En clair, la politique culturelle de l’UEMOA ne sera rien d’autre que le reflet des attentes exprimées par les différents opérateurs culturels dans les différents États membres. En tout cas, il me paraît trop tôt pour tenir un tel discours vis-à-vis de l’UEMOA.
Un fonds d’aide à la culture va être désormais géré par l’UEMOA. Sa mise en place semble avoir été très longue. Pouvez-vous revenir sur la création de ce fonds ? Comment est-il approvisionné ? Comment va-t-il être géré ? Quels vont être les critères et les procédures d’attribution de subventions ?
Il s’agit très précisément du « Fonds régional pour la promotion de la coopération et les échanges culturels en Afrique de l’Ouest« . Vous savez sans doute que, dès sa création, l’UEMOA s’est engagée dans un processus d’intégration, et la culture y joue un rôle très important.
La création d’un tel fonds procède d’une analyse ayant mis en évidence la volonté croissante des acteurs culturels de travailler à l’échelle régionale et de supprimer les obstacles auxquels ils se heurtent, dont le premier concerne le financement. En effet, non seulement les sources de financement sont très rares, mais aucune n’est spécifiquement axée sur le développement des échanges et l’organisation du secteur culturel dans notre sous région.
C’est donc pour pallier ce manque qu’a été mis en place ce fonds, doté pour ce premier quadriennal d’un montant de quatre millions d’euros, et alimenté pour l’essentiel par des moyens prévus pour la culture dans l’enveloppe régionale du 9e Fonds européen de développement (FED).
Certes, l’autorité responsable de la gestion de ce fonds est le Président de la Commission de l’UEMOA, mais il concerne tous les pays d’Afrique de l’Ouest, y compris la Mauritanie. Les bénéficiaires potentiels sont les institutions culturelles publiques, les organisations culturelles de la société civile, les structures culturelles privées, les réseaux professionnels régionaux, les festivals, etc.
Sa structure de gestion comprend outre le maître d’ouvrage et le maître d’œuvre que sont respectivement la commission de l’UEMOA et le département du développement social, un comité de pilotage et un comité d’évaluation. La gestion pratique est assurée par une unité de gestion du programme (UGP), composée d’un(e) coordonnateur/trice, d’un(e) Assistant(e), d’un(e) gestionnaire comptable, d’un(e) aide comptable et d’un(e) secrétaire.
Je comprends l’impatience des bénéficiaires potentiels, mais je dois rappeler que la mise en place de tout programme dans le cadre du FED passe par différentes phases qui respectent des délais. En tout cas, le démarrage est prévu pour avril 2007. Le moment venu, l’UGP lancera des appels à projets et en précisera les critères ainsi que les procédures d’attribution des subventions. La diffusion de ces informations se fera essentiellement par Internet, notamment via le site de l’UEMOA (www.uemoa.int), mais aussi, autant que faire se peut, elle sera relayée dans les États par la presse écrite.
Vous avez été coordonnateur du PSIC (Programme de soutien aux initiatives culturelles, financé par l’Union européenne) au Togo, entre 2001 et 2003. Quel bilan tirez-vous de ce programme ?
Ah, oui ! C’était vraiment une expérience, un véritable parcours de combattant entre les opérateurs culturels et les partenaires institutionnels du Programme. Il y a eu beaucoup d’aspects négatifs et quelques aspects positifs. Les aspects négatifs sont les conséquences de différentes incompréhensions aussi bien de la part des bénéficiaires que des partenaires institutionnels sans oublier parfois les interférences négatives des assistants extérieurs. Certains bénéficiaires trouvaient trop contraignantes les procédures du FED (Fonds européen de développement) et ne comprenaient pas pourquoi ils devaient justifier les dépenses effectuées dans le cadre des subventions qui leurs ont été accordées. D’autres soutenaient que les financements des projets se faisaient sur la base des copinages.
Du côté des partenaires institutionnels, les représentants de l’État au comité de pilotage récusaient le refus systématique des projets soumis par des structures étatiques, aussi pertinents soient-ils. Aussi, la délégation de la commission européenne a-t-elle trop influencé les décisions du comité de pilotage. Sur une longue période, elle trouvait « non structurants » tous les projets soumis par les opérateurs culturels. Même coordonnateur, je ne pouvais prendre aucune initiative sans son accord préalable – ce qui a été toujours refusé d’ailleurs – pour des raisons plutôt subjectives. Je dois quand même reconnaître et signaler que les six derniers mois ont été beaucoup plus relaxes pour moi, grâce au changement intervenu à la tête de la délégation. Outre la mise en œuvre des projets agréés, je prenais des initiatives et en rendais seulement compte au comité de pilotage. C’est durant cette courte période, par exemple, que j’ai organisé deux expositions qui ont lancé certains jeunes artistes plasticiens au plan international.
La fermeture du programme est intervenue à la suite d’un malentendu entre le ministère de tutelle et la délégation à propos de la construction de centres culturels de proximité dans les villes de l’intérieur du pays. Ceci dit, il n’y a pas eu que des ratés. Les opérateurs culturels de bonne foi reconnaissent aussi quelques bonnes réalisations.

///Article N° : 5831

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