Matiéristes dans la peinture africaine

Print Friendly, PDF & Email

Le culte des matières marque l’art contemporain international. Picasso avait donné avec Matisse un coup d’envoi et une caution à cette tendance qui est en plein essor en Afrique.
Certains Zaïrois avaient érigé cette pratique en philosophie. Les peintures importées étaient d’un coût élevé ; il fallait des matériaux économiques. Mukalenge et les sabléistes prônaient l’emploi du sable. D’autres invoquaient des motifs plus sentimentaux. La terre d’Afrique et le sable de leurs ruisseaux donnaient l’élan à leur inspiration. Une Ivoirienne, Mathilde Moro (récemment exposée à la Galerie Afrique à cœur à Paris), méditait sur les vacances de son enfance et utilisait la suie qui lui rappelait la cuisine enfumée de sa grand-mère. Chez Kra Nguessan, le mouvement affectif est richement étayé. Il utilise souvent des écorces tapées envoyées de Côte d’Ivoire par son père. Avec cela, il compose des collages. L’avantage de ces matériaux naturels est qu’ils fournissent des matériaux cohérents entre eux ; ils composent des harmonies sans dissonances.
D’autres essaient de remplacer les supports de toile, de carton ou de bois par des vanneries, des nattes qui ont en elles un rythme, une couleur, un intérêt. Les élèves de Yankel aux Beaux Arts s’étaient intéressés à cette technique. A vrai dire, une question se pose à propos de ces supports. On connaît bien, depuis des siècles, les emplois des supports classiques, toile, bois, enduits de chaux. On sait leur résistance. Les innovations en ce domaine ont parfois engendré des catastrophes, comme ce fut le cas pour la Cène de Léonard de Vinci.
Le goût de la recherche allié au patriotisme explique le matiérisme d’Ousseynou Sarr. Il fait de l’africanisme une doctrine.  » Mon continent, dit-il, est assez mystérieux et assez riche pour fournir des matériaux nouveaux à expérimenter « . Il se plaît dans une cuisine alchimique qui évoque les peintres flamands inventeurs de la peinture à l’huile. Intéressé par la technique et l’usage des cordes, il cherche des matières à incorporer à ses tableaux. Des fibres diverses, des collages mystérieux, des pâtes englobant les reliefs sont utilisés sur ces tableaux. Feraient-ils avancer ainsi la peinture sur la voie d’un genre nouveau de peinture sculptée ?
Le recours à divers genres de nature, du végétal au minéral et parfois à l’animal semble, à ceux qui le pratiquent, une sorte d’addition magique multipliant la force de l’œuvre. Il est étrange de penser que les objets magiques sont toujours constitués d’additions complexes ajoutant la force d’une herbe curative, la puissance du fer ou de la rouille, la vitalité des coquillages et la durée de l’arbre.
Les matiéristes sont tout cela – mais ces pensées ne sont-elles pas aussi présentes chez certains artistes occidentaux qui aiment à employer  » des objets qui ont une histoire « ,  » qui ont déjà vécu  » ?

///Article N° : 286


Laisser un commentaire