Nous aussi avons marché sur la lune

De Balufu Bakupa-Kanyinda

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Le film ayant été financé dans le cadre d’un appel à propositions du Festival Panafricain d’Alger 2009, dont la première édition eut lieu il y a quarante ans, Balufu Bakupa-Kanyinda se reporte en 1969. C’est cette année-là que paraît chez Seghers le recueil Réveil dans un nid de flammes du poète congolais Tshiakatumba Matala Mukadi (interdit au Zaïre de Mobutu), qui s’inscrivait dans la continuité du mouvement de la Négritude, largement débattu à l’époque. Nous aussi avons marché sur la lune s’articule entre des textes d’Aimé Césaire et de Tshiakatumba Mukadi, récités par de sages classes sous la direction de leur professeur. La trame est issue d’une anecdote largement reprise en Afrique à l’époque du premier pas sur la lune, qui date aussi de 1969 : un homme scrutait la lune en écoutant la radio sans arriver à y discerner Apollo 11.
Inscrire la citation dans la poésie pour lui donner toute sa force : tout le cinéma de Balufu est là. Deux poètes engagés discutent dans le film à travers leurs écrits, tandis qu’une histoire d’amour est rendue possible par l’intégration de leur message. Un lent travelling sur les portraits punaisés au-dessus du tableau de la classe de nombre de grandes figures africaines, auxquelles Obama est venu s’ajouter, confirme la source de son inspiration. Cette galerie n’est pas seulement une série de penseurs, mais aussi des modèles de vie autant que de combat. « Qui peut se parer du nom de sauvage, toi ou ceux qui brisent ta vie ? », écrivait Tshiakatumba Matala Mukadi. Pour une Afrique qui souffre de ce complexe d’infériorité hérité de l’intégration mentale de sa prétendue arriération, le message est simple : soyez à l’image de ceux d’entre vous qui ont cru en eux-mêmes.
Mais croire en soi n’est pas seulement être conscient de sa grandeur et de sa beauté, c’est aussi croire en l’utopie. C’est là qu’intervient le peintre interprété par ce magnifique acteur, militant de toujours du théâtre congolais à l' »Ecurie Maloba » de Kinshasa en compagnie du regretté Nono Bakwa, qu’est Jean Shaka Tshipamba. Il veut croire dans le progrès quand le prêtre lui parle encore, comme les colons, de civilisation. « Nous pouvons par notre volonté seule cueillir les étoiles du ciel », lui suggère le professeur. Cette croyance ne lui permettra pas seulement de marcher sur la lune, mais aussi de réaliser un impossible rêve amoureux.
Elégamment réalisé dans des tons ocres sur des musiques mélancoliques, à la fois méditatif et souverain, résolument situé dans le présent de la mémoire, Nous aussi avons marché sur la lune invite chacun à perpétrer ses propres rêves, à la barbe de l’Histoire, « au rendez-vous de la conquête » dont parlait Césaire, car « aucune race ne possède le monopole de la beauté, de l’intelligence, de la force ».

///Article N° : 9072

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