Publié en mars dernier, On m’appelle Nina est le récit d’une femme, Vilhelminma, qui quitte son île, la Jamaïque, pour s’installer, par amour, au Niger. Une autofiction, signée Antoinette Tijani Alou, publiée aux éditions Présence africaine.
Ce texte puissant, à la structure circulaire – la dernière phrase est la dédicace du roman, le point de départ, comme dans de nombreux récits du patrimoine africain – m’a laissé abasourdi, sonné, mais tout aussi léger, avec le désir de recommencer le voyage pour me délecter cette fois-ci du plaisir de cette langue que l’auteure rend musicale, même quand elle décrit les choses les plus difficiles à supporter. J’ai envie de le relire encore et encore pour ne pas laisser la sidération du propos m’éloigner de la beauté du texte et de la profondeur de certaines de ses réflexions.
Avec Antoinette et Nina, nous traversons des océans, refaisons le voyage de leur vie, en témoin parfois passionné, avec la distance critique qui inscrit leur récit dans une quête philosophique dans laquelle chacun tirera matière à un enrichissement personnel et spirituel.
Après une dormance qui nous entraîne dans cette histoire dont on se demande parfois quelle est la part de vrai et de fiction, et qui petit à petit nous installe dans un questionnement plus grand dans lequel l’intime, le personnel et les questions d’identité se rejoignent pour nous offrir une réflexion sur l’humanité, l’africanité, la féminité, et sur la difficulté à survivre aux êtres chers et en particulier aux enfants.
Construit comme une pièce ou un scénario en trois actes, « Dormance » et « Une saison de si » encadrent « l’enfant bleu », le cœur du propos, cette tranche de vie qu’ils mettent en perspective. Dans « Une saison des si », l’auteure anticipe sur une des questions qui revient régulièrement depuis des décennies après le visionnage des films faits par les Africains concernant l’imagination d’un futur proche. Elle propose un futur possible bienveillant dans lequel la situation paradoxale du Niger devient emblématique de celle d’une Afrique dans laquelle la question énergétique, enfin résolue, offre au continent des possibilités nouvelles du mieux vivre.
Si les contraintes extérieures sont résolues, comment aborder les douleurs du cœur, les conséquences de la dureté de la vie ? Comment déconstruire les mécanismes malsains de survie ou de prédation qui détruisent les relations, même les plus belles et les plus utopiques ? Comment vivre l’émoussement naturel du désir dans le couple ? Comment continuer d’aimer ? Comment faire face à l’impuissance et au drame de la disparition d’un être cher ?
S’inventer un amour, s’accrocher aux souvenirs des moments merveilleux et reprendre la lecture de ce texte poétique, percutant, sensible et parfois déroutant de franchise.