Première cérémonie des « Jenny » à la Chapelle du Verbe Incarné :

Une grande dame du théâtre à l'honneur

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L’Association pour le Développement et la Diffusion des Oeuvres et Cultures créoles (ADOC) a lancé à la Chapelle du Verbe Incarné la première édition de la cérémonie des  » Jenny « , une distinction destinée à récompenser les parcours artistiques originaux inscrits sous le signe de l’ouverture à l’autre, de la rencontre et de l’échange.

De nombreux artistes oeuvrent à tisser des liens entre les peuples et les civilisations, favorisant la diversité culturelle et participant activement à cette idée du Tout-monde. C’est pour saluer leur démarche que les  » Jenny  » ont été créés. Le trophée porte le nom de cette grande dame du théâtre qu’est Jenny Alpha en hommage à sa carrière exemplaire. C’est une sculpture qui a été réalisée par Henri Guédon. Originaire de la Martinique ce sculpteur est lui-même un artiste de l’échange et du partage culturel, il intervient dans des expositions aux quatre coins du monde, en Californie, à Tel Aviv, à Miami, à Barcelone ou à Madrid, et à Paris. Très influencées par les arts africains et amérindiens, ses créations sont pourtant résolument contemporaines et engagées dans une approche syncrétique des cultures qui l’inspirent.
A 93 ans Jenny Alpha était présente à La Chapelle du Verbe Incarné où elle jouait Déyé Kaz Bernarda Alba montée par Odile Pédro Léal d’après Federico Garcia Lorca. Le 16 juillet 2003, le premier Jenny lui a été remis par Greg Germain en présence de nombreuses personnalités du monde du spectacle. Olivier Codol qui travaille à la réalisation d’un documentaire sur la vie extraordinaire de Jenny Alpha a accepté d’en présenter un état encore inachevé qui permet une rétrospective sur la carrière d’une artiste noire qui monte sur scène dans les années 30 et compte aujourd’hui plus de soixante dix ans de carrière.
Jeune vedette du music-hall dans les années 50, elle donna des concerts dans les plus grands casinos d’Europe et fit des rencontres hors du commun. Elle croisa Duke Ellington et Joséphine Baker dans les cabarets de Paris, connut Habib Benglia et Georges Aminel. Elle fut l’égérie de grands peintres et Picabia fit d’elle un portrait. Amie de Desnos, elle fréquenta les surréalistes, notamment le fantasque Dali qui lui avait confié un drôle d’imperméable. Entre music-hall, théâtre et cinéma, tour à tour chanteuse, comédienne et danseuse, sa vie fut loin pourtant d’être rose. S’obstiner à jouer la comédie en France dans ces années-là était une gageure. Mais Jenny participa à des créations qui firent date : Les nègres de Genet par Roger Blin avec la Compagnie des Griots, La Tragédie du Roi Christophe de Césaire mis en scène par Jean-Marie Serreau ; il y aura aussi Rodogune de Corneille monté par le jeune Henri Ronce à la Bastille et qui fera une grande tournée internationale, et La Folie ordinaire d’une fille de Cham de Julius Amédé Laou que Daniel Mesguich met en scène et Jean Rouche, en film. Récemment, elle a joué dans Ecchymose de Jean-René Lemoine et la voilà encore sur une scène en Avignon.
En dépit des hauts et des bas de la vie, Jenny Alpha est toujours enjouée, disponible, pleine de générosité. Elle est un modèle de gentillesse et d’obstination pour tous ceux qui se battent pour exercer leur art quelles que soient leurs origines. Au cours d’une cérémonie émouvante et pleine de tendresse, la profession a rendu un hommage mérité à cette grande dame que nous voudrions tous avoir pour grand-mère.

///Article N° : 3159

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