Comme ses précédents romans (Les Enfants sont une bénédiction, Citoyen de seconde zone, La Cité de la Dèche, La Dot), Gwendolen de Buchi Emecheta est un récit de vie écrit comme un conte. Le livre est caractéristique de l’uvre d’Emecheta également par son personnage principal, femme de condition modeste, battante et décidée, et pourtant écrasée par le poids d’une société patriarcale et par ses obligations de mère ou de fille.
Ce contexte n’est pas propre aux femmes nigérianes que Buchi Emecheta avait décrites jusqu’alors – dans cette dernière traduction, le personnage principal est une jeune fille jamaïcaine, Gwendolen. Elevée par sa grand-mère, arrivée au seuil de l’adolescence, elle rejoint ses parents émigrés depuis de longues années à Londres. Elle peine à trouver sa place dans sa famille désormais nombreuse et dans la société anglaise qui l’exclue à cause de son origine et de son analphabétisme.
Après avoir abordé, dans ses autres romans, diverses formes de domination et d’oppression tels que les mariages forcés, les violences conjugales ou les discriminations raciales, Emecheta s’attaque dans ce livre à l’abus sexuel. La transformation de Gwendolen en jeune femme s’avère particulièrement douloureuse, d’autant plus que le coupable est une personne proche.
Si le roman n’innove guère au niveau de la forme, très classique et linéaire, les portraits y sont habilement brossés. Le mal de vivre de la jeune héroïne est palpable, tout comme la force de caractère qui la porte. Pour Emecheta, l’émancipation de la femme passe par des actes simples, sans grands discours : pouvoir décider pour soi et disposer de sa personne. Si cela donne un ton parfois moralisateur au roman, il n’en reste pas moins que le regard d’Emecheta est la plupart du temps percutant par sa justesse.
Autre classique de la littérature africaine anglophone, la Sud-Africaine Bessie Head traite également de la domination dans Contes de la tendresse et du pouvoir. Le recueil, initialement paru trois ans après le décès de l’auteure en 1986, rassemble divers types de textes : légendes, chroniques historiques, fictions, observations et anecdotes. Au risque de paraître éparpillés, ils offrent un aperçu assez large de l’uvre de Head.
Si les textes restent très variés, on retrouve dans la plupart d’eux deux thèmes récurrents : la tendresse et le pouvoir. La tendresse se situe surtout dans le regard que l’auteure porte sur les petites gens, particulièrement dans « Gens du village », série de courtes anecdotes sur le monde villageois. Les questions de pouvoir et de domination sont quant à elles traitées sous des angles divers : dans les relations homme-femme, entre populations noire et blanche, dans les conflits entre souverains. Le contexte sud-africain et l’indépendance du Botswana donnent lieu à plusieurs nouvelles sur les rapports coloniaux.
Les textes les plus attachants du recueil sont cependant ceux où Bessie Head se met elle-même en scène. Née de la relation illicite d’une mère blanche et d’un père noir resté inconnu, elle garde un lien douloureux avec l’Afrique du Sud qu’elle quittera pour le Botswana. Quand elle évoque son pays natal, c’est avec tristesse mais tout en espérant qu’un jour, cette terre puisse devenir celle « du conteur et du rêveur ».
Gwendolen, de Buchi Emecheta. Traduit de l’anglais par Maurice Pagnoux. Editions Gaïa, 2000, 346 p., 139 FF.
Contes de la tendresse et du pouvoir, de Bessie Head. Traduit de l’anglais par Christian Surber. Editions Zoé, 2000, 190 p.///Article N° : 1612