sur Royaume bot, pays sot

Entretien d'Olivier Barlet avec Pierre Claver Mabiala

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Pour traiter des affronts aux règles démocratiques, les Bivelas se situent dans le Loanga où toutes les astuces sont bonnes pour revenir à l’ancien régime. Mais la révolte gagne. Une scène de ménage en sera le théâtre, ouvrant une communication plus aisée avec les spectateurs qui résonnent aux évocations sexuelles d’une femme qui veut quitter son mari parce qu’il la « bouscule » trop. « Même un pays ne peut pas accepter de se faire bousculer ainsi ! » Le sida est évoqué, qui transforme ce pays en morts-vivants et c’est finalement une bien macabre tragédie que nous proposent les Bivelas.
Le texte est intéressant par sa transcription en français de différentes langues des deux rives du Congo. Animant à Pointe Noire un espace culturel très dynamique, la Cie Bivelas en veut. Un groupe encore en devenir.
OB

Comme naît un tel spectacle à Pointe Noire ?
Pointe Noire et ses environs constitue un réservoir de talents théâtraux, comme en témoigne le succès de Punta Negra sur les scènes internationales. La Compagnie Bivelas a joué des textes d’auteurs d’ailleurs en Afrique et s’est posé la question d’auteurs locaux. Frédéric Pambou a été deux fois en résidence d’écriture à Limoges. Il nous a remis ce texte. Nous le trouvions hermétique au départ : rien que dans le titre, il s’inspire de Tchikaya U Tam’si qui disait qu’il avait un pied bot. Nous avons travaillé avec l’auteur. Ce royaume, c’est l’Afrique où il y a une richesse mais où le politique se l’approprie.
Tu penses que le rôle des artistes est encore aujourd’hui de dénoncer ?
Je le pense. Nous n’aurions pas pu jouer un tel texte il y a quelques années. Ce n’est pas pour amener le peuple à la révolte mais à comprendre, et pousser les politiques à modifier leurs attitudes.
C’est grignoter peu à peu le territoire de la liberté d’expression ?
Evidemment !
Il y a un travail de transcription en français des parlers congolais. Pourquoi ne pas avoir laissé le texte dans ces langues ?
Ces parlers congolais se disent aussi en français. Frédéric Pambou part des scènes de ménage pour poser les vrais problèmes. Le message passe très bien.
La fin de la pièce est tragique.
Ce sont effectivement des hommes qui ont la sidonie et des femmes qui refusent. D’autres hommes peuvent-ils arriver qui soutiendront la cause de ces femmes ? Je crois que c’est possible.
Le sida est effectivement très présent dans la pièce.
Pointe noire est un port. Le taux de sida y est supérieur à celui de Brazzaville. Mais un grand effort est fait et le préservatif devient une habitude. Les jeunes font le test, voient qu’ils ne sont pas atteint, font la fête et après ils se protègent !
Comment votre groupe est-il né ?
Nous sommes partis d’une troupe scolaire qui existait depuis 1988. Pour aller plus loin, nous avons pris contact avec le CCF en 1992 où nous avons rencontré l’atelier Punta Negra qui étaient vraiment professionnels. Des encadreurs formés par l’atelier nous ont été délégués par le CCF jusqu’en 1995. Nous avons demandé un espace à la Mairie qui nous l’a octroyé en 1999. Cela nous permet de recevoir d’autres artistes : six compagnies de danse, musique vocale etc répètent dans notre espace. Nous voulons que Pointe noire soit reconnue ville culturelle en 2005 !
Arrivez-vous à vivre du théâtre ?
Il y a deux ans, c’était difficile. C’est encore difficile mais nous y arrivons peu à peu. Je pense que dans deux ans, nous arriverons à payer le loyer avec ce que gagne la troupe. Aujourd’hui, cinq artistes sur les huit vivent essentiellement du théâtre : nous avons de petits contrats avec l’association culturelle d’Elf-Congo et nous jouons aussi dans leurs colonies de vacances. Elle nous soutien aussi sur le festival. Nous développons aussi des activités d’autofinancement. Dans le réseau Afrique Synergie, nous avons reçu du matériel informatique qui nous permet de proposer un service de saisie de textes à bas prix pour les artistes. Elf-Congo va nous acheter des chaises et nous pourrons les louer. De même, nous recherchons maintenant du matériel de musique pour l’espace et pour la location.

Auteur : Frédéric Pambou
Compagnie Bivelas (Pointe Noire, Congo-Brazzaville)
Mise en scène : Pierre Claver Mabiala///Article N° : 2601

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