Tënk : un pari nécessaire

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Voici un an que le portail Tënk a été lancé. Il en est à près de 4800 abonnés. Le chiffre est respectable, mais il en faudrait le double pour que le projet tourne à plein régime. Surtout, il est essentiel que dans les trois mois à venir, de nombreux abonnés viennent s’ajouter pour convaincre les banques d’accorder les crédits nécessaires à l’installation de la structure dans les locaux du « village du documentaire » qui voit le jour à Lussas (Ardêche, France). Visite du chantier et enjeux pour le documentaire.

Tënk (mot wolof qui signifie « énoncer une pensée de façon claire et concise »), c’est le documentaire de création sur abonnement : pour 5 €/mois, on accède en permanence à plus de 70 documentaires d’auteur, avec des nouveautés chaque semaine, chaque film étant disponible durant deux mois. Sélectionnée par une équipe de 21 passionné(es), la programmation Tënk est de qualité. C’est la première plateforme de diffusion sVoD entièrement dédiée au documentaire d’auteur (cf. tenk.fr), accessible en France, Belgique, Luxembourg et Suisse.

L’enjeu ? Il est simple : défendre le documentaire d’auteur et faire en sorte qu’il survive dans un contexte de crise de la production. Ainsi, le projet Tënk ne se limite pas à la diffusion : dès 2018, Tënk voudrait coproduire en tant que diffuseur de nouveaux documentaires. De jeunes producteurs nouvellement formés s’y préparent déjà et s’il y a assez d’abonnés et donc les prêts bancaires, ils pourront aménager dans des locaux dédiés dans la toute nouvelle maison du documentaire dont le chantier sera livré en janvier 2018.

Pour garantir son indépendance, Tënk est une société coopérative (64 actionnaires, pour la plupart des professionnels du secteur) et ne signe pas de contrats publicitaires, le site conservant un graphisme original sans orientation commerciale. Les documentaires de Tënk sont répartis en quinze plages thématiques : coup de coeur, histoire et politique, écoute (en partenariat avec la Sacem), écologie, fragments d’une oeuvre, brouillon d’un rêve (en partenariat avec la Scam), festivals, cité (en partenariat avec la CGET), docmonde, premières bobines, arts (en partenariat avec le CNC), grands entretiens, sciences, musique, cinéma de cinéma.

C’est l’occasion de découvrir ces films dont on entend parler mais qui restent difficiles à voir, réservés aux festivals ou diffusés à des heures tardives à la télévision, ou pas du tout, rarement sortis au cinéma. Il est même possible pour les abonnés d’en faire découvrir à des amis. Avec 6000 abonnés, le modèle économique est atteint et Tënk est assuré de se pérenniser, tout en s’étendant au Canada et à l’Afrique francophone. Avec 8000 abonnés, les développements informatiques permettront de télécharger les films pour ne pas dépendre de la connexion. Avec 9000 abonnés, il sera possible de voir les films avec les box et donc sur la télévision. Et avec 10 000 abonnés, c’est la coproduction qui se met en place : Tënk soutiendra les films par un apport technique. Des studios de post-production (montage, mixage, étalonnage) et un plateau de tournage vont être installés dans le bâtiment de 1500 m2 construit à Lussas par la Communauté de communes Berg et Coiron, qui le louera à l’association Village documentaire. En tout, un chantier de 3 million d’euros cofinancé par l’Etat, la Région et le Département. La ministre de la Culture en personne a posé la première pierre en août 2016.

Pose de la première pierre en août 2016

Alors qu’une Cinémathèque du documentaire est supposée naître à Paris (basée à la Bibliothèque publique d’information du Centre Pompidou qui accueille le festival du Cinéma du réel), c’est en effet dans le petit village de Lussas en Ardêche près d’Aubenas que naît cette maison du documentaire. Logique : le village abrite chaque année depuis 29 ans les Etats généraux du film documentaire, un des principaux rendez-vous pour cette filière en France. Des ateliers d’approfondissement, une riche programmation et une série d’événements rassemblent une semaine durant les passionnés et les professionnels. Simple logique de départ : c’est à Lussas que Jean-Marie Barbe, documentariste fondateur de ce festival singulier, est né et a grandi.

La future salle de projection

Le bâtiment, où tout est calculé au plus juste pour limiter le coût, abritera une salle de projection de 100 places, des bureaux en openspace (5 m2 par personne), un centre de ressources, une plateforme Docfilms dépôt qui permettra de proposer son film à une trentaine de festivals partenaires en même temps, un stockage entièrement numérisé pour ne pas tenir de place, neufs bancs de montage, une salle de mixage avec une dalle sur ressorts pour éviter la répercussion des sons, un studio d’étalonnage, un petit plateau de télévision de 25 m2 pour des tournages et des émissions d’actualité critique du documentaire, etc. L’Ecole du doc disposera de quatre salles de formation et de bureaux connectés à internet via la fibre optique pour ses masters de réalisation et de production, ainsi que ses résidences d’écriture. Pour le festival en été, ces mêmes locaux pourront accueillir le personnel correspondant. Les différentes structures de cinéma de Lussas se regrouperont là, leurs locaux précédents retrouvant leur fonction de logements qui serviront aux étudiants, stagiaires et formateurs.

Le projet architectural a été pensé lors de réunions où chaque structure indiquait ses besoins. L’enjeu était bien sûr de mutualiser les moyens et de faire du bâtiment un grand espace de coworking (travail en collaboration). Le plus difficile était d’intégrer le festival annuel qui a de gros besoins en administration. Et les parkings coûtant cher, il a été décidé de les laisser où ils sont au village et de venir à pied !

Futurs bureaux en openspace

On attend donc janvier 2018 pour voir le bâtiment fonctionner. Mais au niveau de Tënk, le pari est encore à gagner : les 200 à 300 nouveaux abonnements nets par mois ne suffisent pas pour déclencher les prêts bancaires et permettre l’installation. Il faudrait un gros vent d’implication et de mobilisation pour le projet durant ce deuxième semestre 2017, même de la part de ceux qui n’ont pas le temps de voir les films. On ne construit des outils alternatifs qu’avec une forte participation. Il en va de la visibilité du documentaire d’auteur. Dont acte !

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