Toutes les couleurs du monde, de Babatunde Apalowo

Le monde n'est pas en noir et blanc

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Présenté à la section Panorama de la Berlinale en février 2023, où il reçut le Teddy Award de la meilleure fiction queer, le film de Babatunde Apalowo est un ovni autofinancé : traiter de l’homosexualité au Nigeria est une gageure et le faire de cette façon intimiste dans le pays de Nollywood encore davantage. Le film est en sortie France le 8 mai 2024.

Première image : « lève la tête ». C’est pour une photo d’identité. Bambino enfourche sa moto pour aller voir son patron et lui demander bien déterminé de ne plus travailler comme chauffeur-livreur dans la rue comme promis au bout d’un an. On ne voit de Bambino que le profil et le patron est caché par une cloison. Un peu plus tard, c’est une voisine qui nous reste cachée derrière la porte entrouverte. Par la suite, des scènes se déroulent derrière le rideau de perles de la chambre de Bambino : ce que figure le film sera filtré, centré, restreint au regard de Bambino.

Lorsque Bawa se rapproche de Bambino, une connivence s’installe mais elle peine à s’exprimer, sans cesse contrecarrée, jamais assumée. Car si, à la faveur d’une tension, elle apparaît au grand jour, une meute fond tout de suite sur Bambino. Si cette réalité rattrape à la moindre occasion cette relation en devenir, c’est que cette société n’a que violence pour elle. Au Nigeria, l’homosexualité est illégale et punie de 14 ans d’emprisonnement.

Le film ne franchit pas le tabou. Il se cantonne au trouble que suscite chez Bambino la proximité d’un autre homme, davantage que la belle Ifeyinwa, la fille de la voisine. Sur les traces d’Eyimofe (cf. critique n°14963), Tunde Apalowo aime les plans fixes et larges, et parfois l’harmonie d’une musique violoneuse. Il ne remplit pas son film de scènes d’action ni de pesants dialogues, même si parfois les choses s’accélèrent. La chambre de Bambino reste le principal décor et les variations d’éclairage le moteur du temps.

Lagos joue cependant aussi un grand rôle : le photographe Bawa demande à Bambino de lui faire découvrir ses recoins, occasions de multiples échanges mais aussi de perspectives visuelles. La ville rythme leur vie et leur champ de vision mais il leur faut chercher la quiétude nécessaire, alors même que, comme l’indique le titre All The Colours of The World Are Between Black And White, le monde n’est pas en noir et blanc mais rassemble, au-delà de l’homophobie, toutes les couleurs des spectres identitaires, sexuels et communautaires.

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