Puisant dans les ficelles des films d’action américains, Nabil Ayouch fait un cinéma efficace. Son troisième long métrage en use et en abuse, avec systématisme : musique à coups de poing pour soutenir un montage serré de flashs, décomposition des mouvements en arrêts sur image, steadycam mouvant pour filmer les déplacements, incrustations d’images pour illustrer les idées qui s’imposent, effets de flou sur les paysages dans les scènes d’intérieur-voiture, cadrages coca-cola, traits de lumière dans la pénombre
Kamel est un vrai flic, on le reconnaît : on l’a vu déjà mille fois, ce flic sombre et renfermé, qui ne montre pas ses sentiments, qui habite une chambre austère et n’a pour toute relation qu’un travesti au grand cur
Au hasard d’une enquête débarquera dans sa vie une jolie femme et un enfant malade et son cur s’ouvrira.
Pourtant, c’est bien là que ce film aux effets si agaçants trouve un nouveau rythme. Au point que même lorsque sa voiture se met à flotter dans le ciel comme dans Mary Popins, la poétique fonctionne. Sans doute parce que le gamin est interprété par Hicham Moussoune, un des enfants du précédent film d’Ayouch, Ali Zaoua, qui conserve tout son naturel. Sans doute aussi parce que les scènes qui renoncent aux appâts faciles trouvent une juste épaisseur, picturales sans esthétisme, où gestes, regards et positions suffisent à suggérer sans lourdeur. Sans doute surtout parce que la connivence qui s’installe entre tous ces paumés renforce l’ubiquité du film, cette ambiguïté sans cesse attisée entre le sentiment et l’intérêt, la générosité et la manipulation. Le double jeu du flic fait écho aux ambivalences de cette femme qu’il peine à reconnaître coupable de meurtre, à la nature des relations sexuelles évoquées ou montrées, à la présence du travesti, aux suspicions de tous styles. Personne n’est vraiment clair et on ne sait à quel saint se vouer. Comment ne pas y voir un écho du Maroc de Mohammed VI où chacun se demande ce qu’on peut croire et pour combien de temps ?
///Article N° : 2667