Né à Kinshasa en 1959, Roger Botembe Mimbayi est l’un des artistes-peintres les plus en vue de Kin. En novembre 2001, il exposait 80 tableaux reprenant dix ans de peinture et s’inscrivant dans sa philosophie esthétique, le trans-symbolisme du masque africain qu’il explique ici. En septembre 2002, le Palais du Peuple de Kinshasa commémorait le premier anniversaire des attentats du 11 septembre avec une exposition des plasticiens congolais les plus en vue, de l’aîné Nginamau au plus jeune Malambu en passant par Lema Kusa et Botembe (illustrations).
Que représente pour vous le masque ?
Le masque est pour moi un opérateur de transition : il rend visible les choses invisibles, il ramène l’irréel dans l’intangible. Le masque est le sens même de la vie profonde.
Qu’apporte le masque à la peinture ?
Le masque est toujours présent dans l’art africain, c’est à l’artiste africain contemporain d’y puiser sa substance esthétique sinon demain il ne sera pas. L’influence extérieure dénature la pureté de l’art africain. L’artiste devra être le gardien de l’identité culturelle africaine. Il doit se refuser à devenir une curiosité touristique et rester un véritable chantre de valeurs artistiques authentiques.
La mondialisation n’abolit-elle pas un certain clivage en créant un monde unique ? Pourquoi vous renfermer dans un carcan d’africanité ?
L’artiste naît dans un environnement social lui imprimant une identité qui fait son essence artistique. Il apporte sa spécificité sans la corrompre dans l’universalité. Dès lors que l’artiste choisit la fabrication d’uvres d’arts pour plaire plutôt que de créer, l’artiste perd pour ainsi dire son âme donc, son métier. Nous avons beaucoup de recettes artistiques qui restent non exploitées – il est inexplicable d’importer l’influence des autres pendant que nous n’avons pas encore suffisamment usé nos propres ressources.
Le trans-symbolisme du masque africain, est-ce une démarche rénovatrice ?
Avant l’art baroque, la Renaissance et autres courants occidentaux, les sociétés africaines avaient déjà violenté le réalisme et l’abstraction, en proposant une approche vivante, intermède entre les dieux et les hommes. Le trans-symbolisme du masque africain, c’est un peu ce retour vers ces valeurs sacrées, pour y puiser la force créatrice d’un monde meilleur car le masque initie au Mystère de la vie palpable et insaisissable pourvu que l’on soit attentif à son langage.
Votre Christ sur la croix porte tantôt le masque tantôt une bande aux yeux : n’est-ce pas un blasphème ?
L’artiste comme sa société est constamment en quête d’une identité spirituelle sans laquelle nul ne subsiste. Le masque sur le visage du Christ est ma façon d’interroger l’au-delà sur son implication ou non dans le devenir de l’homme. Ciel, que dis-tu ? Vois-tu la peine de mon peuple ? Autant de questions que je n’arrête de me poser.
Vous croyez donc en Dieu ?
Bien sûr que oui. En un Dieu créateur de toutes choses, qui a confié à l’homme la mission de dompter la terre et tout ce qu’elle renferme. J’essaie de répondre à cette recommandation divine en forgeant mon métier. Mon souhait est que mes contemporains excellent de même, chacun dans son domaine en usant des potentialités que Dieu a doté chacun d’entre nous pour toujours innover et marquer l’histoire.
Chez nous, la nature a dompté l’homme qui attend tout du ciel, c’est le cas de l’artiste qui est ignoré : même dans son propre milieu, son message n’est pas écouté, sa partition n’est pas connue de son public.
A qui la faute ?
C’est la faute à l’artiste d’abord qui, comme le politicien, a les yeux tournés vers l’extérieur, espérant tout de l’Occident. Ainsi, son art est spolié sans qu’il ne reçoive sa rétribution.
L’artiste doit déborder d’imagination pour implanter sa vision à travers le monde. En commençant d’abord chez lui, changer son milieu par sa créativité. Nous devons faire tomber nos masques et vivre dans le réel.
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