Les salles de cinéma camerounaises sont de plus en plus désertées par les cinéphiles. Les raisons de cette défection sont multiples et variées.
Cinéma Le Fée, cinéma Le Capitole, cinéma Abbia… A Yaoundé, on trouvait une salle de cinéma à presque chaque coin de rue. Même chose à Douala, l’autre ville phare du pays, et dans les capitales provinciales qui ne se laissaient pas devancer. Mais c’était il y a plus de quinze ans. Aujourd’hui, les salles qui font de la résistance ne sont plus qu’une seule par ville : la plupart ont mis la clef sous le paillasson. Le déclin de l’exploitation cinématographique participe de la crise économique globale et de son corollaire, la hausse du niveau de vie. Mais n’en restons pas aux conclusions hâtives : le peuple camerounais reste attaché à la chose cinématographique ! S’il ne peut participer, au moins reste-t-il accroché au petit écran. Pour preuve, jamais le commerce des films ne s’est aussi bien porté à Yaoundé comme dans le reste du pays.
Le hic, c’est que ces films sont à 80 % le fruit de la piraterie. Une piraterie bien organisée avec des producteurs chargés de dégoter les dernières sorties sur le net et d’en faire des copies. Le circuit est bien organisé, des grossistes aux détaillants : les films sont vendus sur support vcd (video compact disc) et dvd (digital vidéo disc). Les prix pratiqués sont démocratiques : une moyenne de 1000 Fcfa. Outre la vente, les « pirates » pratiquent aussi la location (en échange d’une pièce d’identité) mais aussi l’échange au 1/5e du prix de vente. C’est ainsi que ces flux commerciaux dépassent largement ceux qui sont pratiqués dans les boutiques et points agréés. La situation au Cameroun n’a rien d’unique en son genre : elle se généralise en Afrique, mais à Yaoundé, on trouve en vente devant la poste centrale (le plus grand carrefour de la cité) des films sortis une semaine auparavant dans les salles européennes et américaines.
S’il est vrai que depuis 2003, le gouvernement, pour soutenir les artistes, a ordonné une répression de la piraterie et de ses effets pervers, les salles de cinéma n’en sont pas pour autant remplies. Cette répression sporadique est en effet réservée à la protection des uvres camerounaises, et de toute façon le coût du billet en salle est trop lourd pour la bourse du consommateur local : entre 2000 et 2500 Fcfa.
Les salles de cinéma n’ont pas réussi à faire face à l’avènement de l’antenne parabolique et aujourd’hui la vulgarisation des chaînes satellites a rapproché le téléspectateur camerounais de l’actualité cinématographique mondiale. L’offre des salles ne tenait pas le choc face aux programmes des chaînes occidentales. Quant à la Cameroun Radio and Television (CRTV), lorsqu’elle a perdu le monopole, ses programmes se sont révélés moins attrayants. Le grand avantage de la télévision est de ne pas demander un investissement précis pour chaque film à regarder : les salles ont fermé les unes après les autres tandis que d’autres réduisaient le nombre de projections. Le cinéma Le Capitole de Yaoundé, qui avait fini par ne plus proposer que des « hindou couleurs », a définitivement fermé ses portes pour céder la place à une grande surface d’appareils électroniques.
La désertion des salles de cinéma par les cinéphiles ne saurait cependant se justifier uniquement par la cherté de la vie, un argument plutôt relatif lorsque les séances coûtent moins de 1000 Fcfa. Nous l’avons vu, les causes sont diverses : vulgarisation des chaînes satellitaires, manque de compétitivité des salles, marché croissant des films piratés. On ne voit plus jamais les salles de cinéma faire le plein. La dernière édition du festival Ecrans noirs de juin 2006 en a fait les frais, malgré les efforts déployés pour le 10e anniversaire du festival.
///Article N° : 4702
Un commentaire
Merci! A votre avis est-il possible que les camerounais retrouvent le goût des salles de cinéma en cette année 2020 et les années à venir ?