Nous sommes en 1996. TF1 décide, après casting, que la burundaise Khadja Nin sera l’attraction de l’été. La chaîne française passe un accord avec la maison de disque et fait remettre un vieux titre de la chanteuse au goût du jour. Il s’agit de « Sambolera », chanson passée inaperçue lors de sa sortie quelques années plutôt. On la programme matin et soir sur le petit écran, matraquant le téléspectateur (consommateur potentiel de musique exotique) printemps comme été, avec pour conséquence une explosion des ventes phénoménale pour le disque qui accompagne la campagne (200 000 exemplaires vendus, un double disque d’or). Khadja Nin avoue : « Je ne vois comment j’aurais pu refuser une occasion comme celle-là. Pour l’artiste africain que je suis, ce ne pouvait être qu’une bonne chose ». Même s’il lui faut en échange s’afficher avec le logo d’une marque de café à chacune de ses apparitions en image. L’enjeu en vaut la peine : « cela aurait pu être pire », concèdera-t-elle longtemps après.
A vrai dire, le deal est plus complexe. TF1, en contrepartie de sa passion africaine du moment, ramasse l’argent de la pub café Malongo et négocie un pourcentage non négligeable sur les droits d’édition de l’uvre plébiscitée : une affaire qui roule
Mais qui prouve à ceux qui en doutent qu’il suffit parfois de mettre les moyens à disposition pour imposer un artiste, même quand personne ne le connaît. Ces moyens, l’Afrique ne les a pas. Il faut donc attendre que les structures du show-biz occidental daignent s’intéresser au Continent comme à une lessive pour que les choses prennent soudainement une tournure différente. Qui a dit que les musiques africaines ne pouvaient interpeller un large public ? Le nerf de la guerre résulte du manque pour les imposer. C’est ce qui explique en partie pourquoi il y a peu d’artistes africains qui arrivent aujourd’hui à imposer, à l’instar des Marley et autres Fela, des genres aussi forts que le reggae ou l’afro-beat. En partie seulement, car le manque de génie et d’audace de la part des artistes est aussi à remettre à cause. Combien sont-ils à inventer une norme musicale porteuse d’un discours assez fort pour révolutionner la scène internationale ? Ils ont tellement peur du marché qu’ils préfèrent s’attaquer à plus petit. Ils composent alors un gentil répertoire personnalisé, soumis à l’éclectisme des goûts du public acheteur. L’étiquette world achève ensuite de les noyer dans un magma de confusion terrible, d’où seules des campagnes du genre TFI peuvent les ressortir. Un vrai casse-tête contre lequel le show-biz occidental arrive à en découdre, grâce aux moyens dont il dispose. Y arrivera-t-on un jour ? La réflexion est ouverte.
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