Khadja Nin est l’héritière d’un art vocal raffiné. Son chant grave et sensuel jaillit d’une forme de poésie chantée qui, au Burundi comme au Rwanda ou en Ouganda, est indissociable des activités journalières. Cet héritage et sa volonté de porter des germes d’espoir font d’elle un cas à part dans le monde du show biz. Son grand succès, Sambolera, interprété en swahili, message de paix et d’espérance, fut un des tubes de l’été 1996 en France. Née à Gitega, au centre du Burundi, elle est ensuite partie avec sa famille à Bujumbura.
Save us :
Afrika yetu yoma
Inaliya makozi mama
Ju modele toka mbali ya pisha nijitiye
Inaconganisha bantu
Notre Afrique, mon frère,
verse des larmes amères
parce que le modèle venu de loin
« Mon père a toujours voulu nous faire passer les vacances à Gitega, qui est un haut lieu culturel. J’y ai assisté à toutes sortes de manifestations populaires, surtout les différentes danses. Je me rappelle qu’un vieux monsieur venait chez nous pour jouer l’umuduri, l’arc musical d’où provient le birimbau du Brésil.
A l’âge de huit ans (nous étions dans les années 60), les jeunes de Bujumbura s’adonnaient à la musique et souvent jouaient de la guitare. J’ai fait partie d’un petit groupe vers l’âge de seize ans. J’étais une fanatique de Myriam Makeba., mais on écoutait aussi la musique des Noirs américains, comme James Brown. Je me souviens que la première fois que j’ai chanté devant un micro, j’ai inter-prété une chanson de Marie Laforêt. A cette période-là, on chantait en plusieurs langues, y compris le lingala, car beaucoup de formations zaïroises passaient par le pays.
Chez nous, quand on va à l’église, on écoute des voix magnifiques, justes ; et il s’agit tout simplement de gens qui vont à l’église ! La raison en est que nous sommes issus d’une culture où le chant est omniprésent, que ce soit à l’occasion d’une naissance, d’une veillée ou de jeux d’enfants.
Nos problèmes ne viennent pas de nos gens qui pendant très long-temps ont vécu en paix. Ils viennent d’une publicité de la possession qui autorise la course à la marchandise. Et ils viennent surtout d’une lutte pour le pouvoir entre une vingtaine de personnes au maximum, qui nous entraînent dans une guerre sanglante. Et quand la bêtise est faite par un homme politique, il profitera toujours d’une certaine impunité. Que ce soit en Libye, en Irak ou en France, partout il y a des assassins en liberté.
Ce que j’aime dans la chanson, c’est la possibilité d’exprimer mon opinion devant le public. Souvent des Burundais ou d’autres Africains m’appellent et me disent qu’ils sont satisfaits de mes prises de position. Ma voix est bien sûr tout petite et je n’ai pas la prétention de faire de la politique.
Les jeunes Africains doivent faire le maximum d’efforts pour apprendre à lire et à écrire. Nous gagnerons notre liberté dans l’ouverture et dans la compréhension du monde, et la lecture nous sert à mieux cerner ce qui se passe autour de nous. Ce qui n’empêche pas d’être attaché à ses racines.
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