Chouchou

De Merzak Allouache

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Chouchou enchevêtre plusieurs recettes. La première marche à tous les coups : un étranger arrive en France et s’étonne de tout. Et voilà Gad Elmaleh habillé en indien chilien, bonnet, poncho et collier de perles, baragouinant un mauvais espagnol avec l’accent arabe. Rire assuré. La deuxième consiste à montrer que cette caricature est un être humain sensible et attachant. Tendresse assurée. La troisième fait de ce naïf un gars plus que débrouillard, dont l’énergie le tire de tous les faux pas et l’astuce rend l’impossible possible. Identification assurée. Et enfin, la quatrième fait de ce vrai héros l’archétype de la différence : un travesti. Emotion assurée.
Le danger était bien sûr de faire « La Cage aux folles« , de caricaturer pour faire rire le public sur le dos des travelos. Chouchou étale son origine maghrébine à longueur de réplique et cette référence translate le sujet : le travesti est un immigré sans papiers et sa différence sexuelle humanise sa différence culturelle. Il sort de la foule : Chouchou est un individu, un cas, avec au programme le slogan de l’affiche du film : « Le rencontrer, c’est l’aimer ! »
C’est donc cette rencontre qu’orchestrent les deux compères Merzak Allouache et Gad Elmaleh, qui ont concocté le film ensemble (après leur collaboration sur « Salut Cousin ! ») à partir d’un sketch à succès d’Elmaleh. La spontanéité de Chouchou force à la relation, ses excès n’insécurisent personne, même pas les parents bourgeois de son nouvel amant, mais déclenchent un grand vent de tendresse offerte au spectateur. Le rire est dès lors moins net, nombre de gags tombent à plat, tant le sujet est plus grave que drôle.
Il fallait bien sûr forcer le personnage, friser la caricature pour le rendre opérant dans le domaine de la comédie. Fallait-il pourtant à ce point aligner les clichés ? Cela reste tangent tout le film. On rit jaune mais l’intention (faire d’une comédie légère un plaidoyer pour la tolérance) est tellement palpable qu’on hésite à crier au scandale : Chouchou est traité comme un vrai personnage de cinéma que sa fascination pour les nombreuses scènes de cabaret achèvent de ranger du côté des stars. En maintenant tant cette référence que cette distance, Merzak Allouache arrive à maintenir son film dans un bizarre no man’s land, loin de  » La Cage aux folles « , mais aussi loin de la finesse qu’aurait appelé le sujet.

///Article N° : 2825

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