Grand voyageur, originaire de la RDC, Cyprien Sambu Kondi revient sur son parcours de caricaturiste nomade qui a aiguisé ses crayons dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest avant de se fixer au Burkina Faso.
Né le 20 juin 1962 à Kinshasa, Sambu Kondi fait partie de la même génération de dessinateurs que Pat Masioni et Barly Baruti. Après deux années à l’Académie des Beaux-arts, il publie ses premières BD aux éditions Saint Paul Afrique : Bandoki, d’après le célèbre roman de l’écrivain congolais, Zamenga, Disasi, Tanita, la fille de la reine de Saba qui eurent un succès énorme dans le Zaïre de l’époque.
De 1989 à 2007, Sambu Kondi navigue entre Kinshasa, Brazzaville, Abidjan, Cotonou, Lomé, Dakar et Ouagadougou où il travailla pour plusieurs hebdomadaires. Parallèlement, il publie aux éditions Nouvelles impressions du Congo : Les dieux du stade et Super démocrate au Congo, au début des années 90, puis en 2006 un album de sensibilisation contre La Pollution de l’air à Dakar. Après des années d’errance, Sambu se fixe au Burkina Faso où il s’attelle à un album personnel dont la sortie est prévue courant 2010. Celui-ci aura pour titre : Le Redoutable Boukary Koutou et traitera de l’histoire authentique du roi de l’empire Mossi, Mogho Naaba Wobgho alors connu sous le nom de Boukary, qui défia le colonisateur européen à la fin du XIXe siècle. Sa participation depuis 2006 au trimestriel breton Le Cri du menhir lui permet d’entretenir un lien avec l’Europe. Motivé par le goût de l’aventure mais aussi par la fuite de la misère, le parcours de Cyprien Sambu Kondi est probablement le plus emblématique de tous ceux recensés dans ce dossier. S’il n’a pas encore rencontré un franc succès, s’il a connu bien des obstacles, son itinéraire reste tout à fait honorable et démontre de grosses capacités d’adaptation.
« J’ai d’abord vécu au Congo-Brazzaville comme collaborateur indépendant au journal Mweti de 1987 à 88 puis comme caricaturiste au journal Le Choc et explosion de Brazzaville de 1992 à 93. En Côte d’Ivoire, j’ai travaillé comme dessinateur au journal Abidjan sport de 1993 à début 95 puis comme caricaturiste dans le journal sportif de l’Asec mimosas. Au Burkina Faso, en 1996, j’ai dessiné dans Le Journal du soir, un quotidien de Ouagadougou, puis de 97 à 98, j’ai animé une série BD dans le journal L’Opinion. Au Togo en 1999, j’ai caricaturé brièvement dans un journal de l’opposition dont j’ai oublié le nom
Puis entre l’année 2000 et 2002, j’ai vendu mes services dans des journaux béninois : Le Matin, Le Canard du golfe et L’Oeil du peuple. De 2002 à 2004, j’ai séjourné au Mali comme dessinateur de presse pour le quotidien, L’Indépendant et brièvement pour Mali demain. De 2005 à 2007, j’ai été au Sénégal sans m’impliquer réellement dans la vie d’un journal local particulier. Actuellement, je travaille pour la promotion de la BD au Burkina Faso au sein d’un centre culturel, dans le cadre d’un projet avec l’association Chemin faisant.
Au départ, j’ai quitté mon pays car j’en avais assez du Zaïre de Mobutu et de l’exploitation dont j’étais victime aux éditions Saint Paul Afrique. J’avais par ailleurs le projet de devenir footballeur professionnel en Europe. Par la suite, plus j’ai découvert le monde, plus j’ai eu envie d’en connaître davantage
J’avais pris le goût de l’aventure. Je ne pouvais pas rester plus de six mois dans une ville sans bouger, c’était devenu pour moi comme une drogue.
Partout ou je suis passé, dans tous les journaux où j’ai travaillé – le plus souvent privés -, j’ai toujours eu beaucoup de difficultés à me faire payer régulièrement. À l’époque, les budgets de ces journaux étaient très limités, mais peut-être que les choses ont changé
Le seul journal avec lequel les choses se sont plutôt bien passées sur le plan financier est celui de l’Asec Mimosas, la plus grande équipe de football de Côte d’Ivoire, car c’était l’un des rares journaux qui avait des moyens. Malheureusement cette expérience fut de courte durée à cause d’un conflit de personnalités.
Étant originaire d’Afrique Centrale, j’ai toujours eu du mal à m’intégrer aux sociétés d’Afrique de l’Ouest avec leurs caractéristiques musulmanes. Le dessin n’y est pas facilement accepté, et j’ai croisé beaucoup de personnes qui ne me voulaient pas que du bien. Vous savez, les effets de la jalousie
Bien des dessinateurs croisés dans ma vie professionnelle n’ont pas bougé un seul petit doigt pour me donner un coup de main alors qu’ils en avaient les moyens. Mais il y a aussi ceux auxquels je dois rendre hommage pour leur soutien. Dans certains pays comme la Côte d’Ivoire, le Bénin et le Sénégal, je me suis imposé rapidement, les bons caricaturistes y étant très rares. À chaque fois que j’arrivais quelque part, j’avais toujours un travail qui m’attendait.
Un peu à la manière d’un caméléon, je suis d’une nature qui s’adapte à tout. J’ai appris à être patient et tolérant et grâce à internet, j’arrive à trouver des contacts. Ce fut le cas, par exemple, avec l’association bretonne Chemin faisant avec laquelle je travaille à distance. L’Afrique est, à tous points de vue, assise sur d’énormes problèmes sociaux. Cela en fait ma principale source d’inspiration.
Le Burkina est un cas particulier. C’est un pays très pauvre qui a une volonté réelle d’avancer dans tous les domaines.
Un jour peut être, je serai cité comme l’un des grands pionniers en matière de dessin de presse et de BD. J’ai souvent été confronté à la flagrante malhonnêteté de certaines personnes sans scrupule. Des missionnaires étaient de ceux-là. A l’époque j’étais encore un jeune naïf. Le directeur d’un journal de Brazza n’a jamais payé mes services et a tenté de me faire arrêter par la police. Plus récemment à Dakar, une maison d’édition et de publicité où j’ai travaillé pendant deux ans sans pour autant signer de contrat ne m’a jamais payé.
C’est surtout au Congo-Brazza que je me suis le plus senti en danger. Si je n’avais pas effectué un voyage à l’improviste en Côte d’Ivoire au moment où la première guerre civile a éclaté en 1997, si j’avais été sur place, à Brazzaville, je ne serais sûrement pas en vie aujourd’hui. Mon album Super démocrate au Congo, bien qu’il eût été accepté par beaucoup de monde du fait de l’apparente liberté d’expression, lors de la cruciale période du processus démocratique, avait agacé énormément de personnes au pouvoir qui m’en voulaient. Il a grandement marqué les esprits, même si malheureusement il ne fut pas largement diffusé à cause des différentes guerres civiles. C’est un document historique d’une grande qualité que j’aimerais faire connaître aux nouvelles générations. D’ailleurs, c’est pour cette raison que je suis en train de refaire son graphisme pour la réalisation d’une nouvelle version que je vais soumettre à un éditeur. En dehors de la RDC, mon pays d’origine, c’est au Congo qu’incontestablement, mon travail fut le plus reconnu. Ça se passe actuellement bien au Burkina Faso où je vis. Je compte publier une BD historique l’année prochaine.
Je n’ai jamais été victime d’une censure directe, hormis la fois où la direction du journal de l’Asec mimosas m’avait refusé la parution d’une BD sur l’histoire de cette équipe emblématique du football ivoirien. Ce travail m’avait demandé plusieurs mois de recherche. À cette époque, l’équipe était en pleine campagne pour la Coupe d’Afrique des clubs champions. Le président de l’Asec avait initialement donné le feu vert pour une éventuelle parution. Mais à ma grande surprise, on a fini par le convaincre que ce n’était pas une bonne affaire. Je garde encore ce projet dans mon tiroir. Mais, vous voyez, c’est un peu maigre. »
avril 2009///Article N° : 9081