Des migrations à l’intégration

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Le peuplement du Bénin remonte dans ses origines à la préhistoire. Il s’est échelonné par la suite sur plusieurs millénaires jusqu’à nos jours, puisque des mouvements de population d’une localité à l’autre se poursuivent encore sous nos yeux, influant sur les pratiques artistiques et les moeurs qui constituent les différentes identités nationales.

Plus de quarante groupes socioculturels
Divers et variés, d’amplitude variable, ces mouvements migratoires ont conduit les ancêtres des divers groupes ethniques qui peuplent actuellement le pays aux emplacements où on les rencontre aujourd’hui. Certains sont venus de l’Est comme les Yoruba ou Nago, les Boko et Bariba, quelques groupements Fulbe ou Peul, les Hanga de la vallée du Niger, etc. ; d’autres, comme les D(ndi et Zarma, groupes apparentés génétiquement et linguistiquement, des Hausa et d’autres fulbe sont venus de régions plus septentrionales comme le Niger. Par le biais d’autres mouvements migratoires de l’Ouest et du Nord-Ouest, des groupes ethniques comme les G(n ou Mina, les Waaba, les B(tamarib(, les Nat(nba, les Bulba, les Foodob(y, etc. arrivèrent. Quant aux groupements de l’aire culturelle Ajatado, leurs ancêtres lointains, partis de l’est, seraient allés à l’Ouest fonder Tado, avant de se disperser à nouveau vers l’Est. De là sont issus Aja, Xula, Xueda, Waci, Saxw(, Gun, Maxi, Fon, Tolinu, Wem(nu, etc. Au total, plus d’une quarantaine de groupes ethniques inégalement répartis sur l’étendue du territoire, avec des effectifs variables.
Des coutumes différentes, parfois contraires
Diversité de provenances, diversité de cultures ! Bien que faisant partie de la catégorie des petits pays d’Afrique quant à sa superficie, le Bénin est d’une très grande richesse en matière d’us et coutumes, de genres de vie. Autant d’héritages historiques diversifiés à l’extrême.
Si un peu partout dans le Nord, l’excision, vieille de plusieurs siècles, est fréquente, elle demeure une exception dans le Sud du pays qui se signale par endroits, comme à Savalou et chez les lacustres du Nohoué et de la So, par la pratique de l’élongation du clitoris, pour une plus grande jouissance sexuelle de l’homme.
Pratique courante dans le pays, la circoncision chez les hommes est tardive ou simplement inexistante dans quelques milieux de l’Atacora nord. Les Ij(, communément appelés Holli, se liment les dents alors que cette forme de mutilation est inconnue dans la plupart des régions du pays. Abondantes dans l’Ouèmé, l’Atlantique et en partie dans le Mono et le Borgou, les scarifications faciales ou corporelles, courantes chez les B(tamarib(, les Waaba, les Yowa, les Taneka, sont inconnues chez les Aja, Kotafon…
La pratique de l’infanticide a toujours étonné les populations du Sud et du Centre du pays. Elle demeure courante bien qu’officiellement décriée et combattue par les pouvoirs publics, chez les Bariba, les Boko et les Kufaloyinma ; et ce, pour des raisons diverses.
Nous sommes dans un espace culturel fertile en tabous et en totems : les Xuéda ne consomment pas le python royal, une de leurs divinités, dont Nago de Kétu et Bariba font une prédilection culinaire. Plus gros, plus long, le python de Seba, à tort appelé boa, est l’animal totémique par excellence des Nasuno de Banikoara. Les Yoruba eux, dévorent à pleines dents sa chair exquise et ferme. Ici on ne consomme pas le singe, et on consomme l’escargot ; là, c’est le contraire. En marge du totétisme, ce qui est répugnance alimentaire ici comme les termites ailés chez les Aïzo est très apprécié des Nago d’Ifanyi et de Sakété, entre autres. Le maïs est consommé un peu partout sur le territoire national. Mais, alors qu’il constitue la base alimentaire dans beaucoup de régions du Sud, il est marginal dans l’ordinaire des Tanéka et des Waaba de l’Atacora, entre autres.
Au plan politique
Des royautés sont nombreuses dans la majeure partie du territoire national actuel. Cependant, maints groupements du Nord de l’Atacora comme les Berba, les Bulba, les B(tamarib(, les Nat(mba, les Tanéka, n’ont pas traditionnellement de système monarchique. Autrement dit, toutes les sociétés ne sont pas régies par les mêmes organisations politiques traditionnelles.
La République du Bénin a été le seul pays du continent à avoir connu la pratique de l’amazonisme, armée féminine d’élite au sein des troupes aboméennes, notamment aux XVIIIè – XIXè siècles. Femmes guerrières redoutables, elles ont accompli des exploits militaires qui ont laissé des traces dans la documentation écrite et la mémoire collective. Elles ont montré toute la mesure de leur combativité lors de la guerre franco-dahoméenne des dernières années du XIXè siècle.
Les arts et les cultes
La société béninoise est une société de masques : ceux-ci sont plus nombreux dans la moitié méridionale du pays que dans le Nord : l’on distingue notamment les masques égungun, oro, gèlèdè, chez des groupements Nago ou Yoruba, le Zangbéto chez les groupes d’origine Ajatado, le Buriyan, patrimoine culturel Afro-Brésilien, le Gunuko (aujourd’hui en voie de disparition) chez les populations Nupe, communément appelées Takpa ; ce sont là des représentations matérielles et mentales identitaires dont l’étude socioculturelle approfondie prend la valeur d’un paradigme.
Egalement variées sont les danses, profanes ou religieuses aussi riches les unes que les autres, ainsi que les chansons et rythmes qui les accompagnent (Ajogan, Agbaja, Iwe, Gumbé, Tch(ngum(, T(k(, etc.).
La République du Bénin située au coeur de l’espace dénommé jusqu’au XIXè siècle  » la côte des esclaves  » dans le Golfe du Bénin, se signale également par le dynamisme, l’intensité et la diversité des pratiques religieuses traditionnelles, avec la richesse de ses panthéons d’une région à l’autre, ses nombreuses sectes. La moitié méridionale du pays se caractérise par la pratique du Vodun de l’aire culturelle Ajatado, appelé Orisha par des Nago ou Yoruba.
L’on ne saurait parler de tous ces aspects des cultures béninoises sans faire allusion aux multiples conséquences de la Traite négrière, responsable de la transplantation dans les Amériques, de ces différentes us et coutumes. Les cas d’Haïti, de Cuba, de la Guadeloupe, du Brésil, etc. sont particulièrement illustratifs de ce point de vue. 

A. Félix Iroko est professeur titulaire d’Histoire (U.N.B – Cotonou)///Article N° : 1520

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