C’est à l’avènement de la seconde moitié du dix-huitième siècle que les académies se multiplient de manière assez remarquable, en province notamment, tandis que dans le même temps l’Académie française sert, comme l’écrit Marc Fumaroli, de « sacré collège à la Raison en marche. » (1) Ainsi que le remarque Jean le Rond d’Alembert dans son « Discours préliminaire » sur lequel s’ouvre l’Encyclopédie, s’il n’y a pas eu avant la magistrale somme dont il est avec Diderot le grand maître d’uvre, de dictionnaire encyclopédique, c’est parce que les académies, « dont les travaux ont porté si loin dans les sciences et les arts, n’étaient pas instituées. » (2) Foyers de riches échanges et de partage des découvertes, les académies ont contribué à augmenter de manière considérable le volume des savoirs. La volonté de leurs membres de diffuser ces savoirs dans les meilleurs délais sous une forme raisonnée les a contraints à privilégier la forme du mémoire, celle de la dissertation ou celle de l’article de dictionnaire. Si les termes « Cafre » et « Hottentot » sont, à l’instar des principaux ethnonymes désignant des nations sauvages, absents, à l’exception de la sixième édition du dictionnaire de Moréri, des grands dictionnaires publiés à la fin du dix-septième siècle (3), ils font l’objet d’articles plus ou moins circonstanciés, au cours de la première moitié du dix-huitième siècle, dans le Dictionnaire de Trévoux, puis, au cours de la seconde moitié du dix-huitième siècle, dans le Manuel lexique ou Dictionnaire portatif des mots français dont la signification n’est pas familière à tout le monde de Prévost, dans la troisième édition du Dictionnaire étymologique de la langue française de Ménage ou encore dans l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert. Mais que l’on ne s’y trompe pas : ces dictionnaires sont moins riches d’enseignements sur ce que sont les Cafres et les Hottentots que sur la manière dont les découvertes, les descriptions, les narrations extraordinaires et les discours scientifiques empruntés aux voyageurs sont utilisés par les lexicographes, les savants, les historiens et les philosophes (4). Via l’analyse des articles consacrés aux Cafres et aux Hottentots ainsi que des occurrences relevées dans les dictionnaires imprimés au cours du second tiers du dix-huitième siècle, c’est aux représentations de ces nations et plus généralement des nations sauvages dans l’imaginaire des savants, des lettrés et des curieux que l’on va ici s’intéresser.
Qu’il s’agisse d’entreprises individuelles comme celles de Furetière ou Ménage ou d’entreprises collectives comme celles des membres de l’Académie française ou des jésuites de Trévoux, les dictionnaires publiés au cours du dernier tiers du dix-septième siècle, qui font l’objet d’une ou plusieurs rééditions augmentées au cours de la première moitié du dix-huitième siècle procèdent tous de la même logique qui consiste à appréhender le monde de manière raisonnée en ayant recours à un ordre qui n’est pas rationnel mais efficace : l’ordre alphabétique. Le schéma de base des articles est le même d’un dictionnaire à l’autre : étymologie, définition, historique, exemples se succèdent ainsi généralement lorsque le mot le permet (5). À la fin du dix-septième siècle, les ethnonymes ne figurent pas encore parmi les entrées des grands dictionnaires même si les relations de voyage et les sommes géographiques figurent avec les ouvrages des autorités antiques parmi les sources de prédilection des lexicographes. Les entrées dont se composent les dictionnaires de langue sont presque exclusivement des noms communs. Les dictionnaires historiques comportent des noms propres mais ce ne sont que des noms de divinités, de personnages bibliques, de figures historiques ou d’espaces géographiques. C’est dans la sixième édition du Grand Dictionnaire Historique de Moréri, revue par Jean Le Clerc, que figure le premier article donnant à lire une brève description des Cafres, à l’entrée « Cafrerie ou Coste des Cafres. » « Ce mot de Cafre, lit-on, veut dire sans loi, et vient du mot cafir, au pluriel cafiruna, que les Arabes appliquent à tous ceux qui nient l’unité d’un Dieu et qu’on a donné aux habitants de ce pays, parce qu’on a cru qu’ils n’avaient ni princes ni religions. » Cette description de Cafres sans foi, ni loi, ni roi dont la brièveté même est éloquente, que Jean Le Clerc a vraisemblablement puisée dans la Description générale de l’Afrique de Pierre Davity, renvoie moins aux représentations des populations des côtes méridionales africaines qui sont véhiculées à la fin du dix-septième siècle qu’à celles qui ont été véhiculées par les voyageurs et les savants au cours de la seconde moitié du seizième siècle. C’est par conséquent une description éculée. Mais parce qu’elle réunit les lieux communs qui sont habituellement convoqués pour caractériser les populations africaines quelles qu’elles soient, cette description paraît d’actualité et elle suffit au curieux. En dépit de sa brièveté, l’entrée « Cafrerie ou Coste des Cafres » de la sixième édition du Grand Dictionnaire Historique de Moréri s’avère riche d’enseignements quant à la manière dont les sources peuvent être choisies et utilisées par les lexicographes désireux de livrer à leurs lecteurs un savoir toujours plus exhaustif sur le monde au fil des rééditions. Elle tend également à confirmer qu’en dépit des nombreux récits de voyage rendant compte des relâches faites le long de ses côtes, le continent africain demeure un espace méconnu (6). Comme l’a montré Isabelle Turcan, si Furetière, Corneille et Ménage puisent dans un riche corpus de récits de voyageurs une part très importante des savoirs dont ils disposent sur un certain nombre de termes renvoyant à des réalités exotiques, et s’ils évoquent ou décrivent parfois brièvement une pratique ou une coutume perpétuée par telle ou telle nation sur la foi du témoignage d’un voyageur qu’ils nomment, qu’ils citent ou auquel ils se réfèrent de manière assez générale lorsqu’ils n’omettent pas tout bonnement de préciser leur source, les singularités africaines qu’ils décrivent ou auxquelles ils se réfèrent sont moins nombreuses que les singularités indiennes et ils ne consacrent aucune entrée à l’une ou à l’autre des nations que les voyageurs chez qui ils puisent leur information ont décrite, fût-elle aussi présente dans leurs écrits que celles des Lapons, des Cafres, des Hottentots, des Tartares, des Comouks des Patagons ou des Samoyèdes (7).
C’est dans la seconde édition du Dictionnaire universel françois et latin « vulgairement appelé » Dictionnaire de Trévoux qu’apparaissent pour la première fois dans un dictionnaire les entrées « Cafre » et « Hottentot. » « Les Cafres, lit-on, sont les peuples de la terre que l’on connoisse les plus grossiers, & les moins hommes. Ils habitent dans des cavernes, ou sous des cabanes faites de branches d’arbres, & couvertes de nattes de jonc. Ils vont nuds, sont noirs ; mal faits, sales, brutaux ; sauvages presque comme des bêtes ; & même quelques-uns ; à ce que l’on dit, anthropophages. » Extrêmement négatif, ce portrait réunit tous les lieux communs véhiculés sur les populations des côtes méridionales africaines depuis des décennies par les voyageurs et les savants : la laideur, l’inhumanité, la nudité, la saleté, la brutalité, la sauvagerie, la bestialité et l’anthropophagie. De ces lieux communs, le paganisme est curieusement absent : « Pour la religion, lit-on, ils ont l’idée d’un être souverain, qu’ils appellent Humma ; mais ils se mettent peu en peine de lui rendre aucun culte. » Concernant ce point, l’auteur de l’article a sans doute puisé ces informations chez Phérotée de La Croix dont la Relation universelle de l’Afrique ancienne et moderne fait, au cours du premier tiers du dix-huitième siècle, toujours autorité en matière de savoirs sur le Cap de Bonne-Espérance et ses habitants, alors que la division des Cafres en de multiples nations est un élément qu’ont rapporté plusieurs voyageurs et savants : « Les Cafres sont divisés en un très-grand nombre de peuples qui ont chacun leur Capitaine. Ils ont aussi quelques Royaumes. » L’article ne se clôt pas point sur une note négative, l’auteur pointant de nouveau leur bestialité en notant que « leur langage n’est presque point articulé, & plus semblable aux voix des bêtes, qu’à celles des hommes. » (8) Les Hottentots étant présentés « les Cafres qui habitent auprès du Cap de Bonne-Espérance en Afrique », la définition que livre d’eux Maty est très proche de celle qui est livrée des Cafres. « Les Hottentots, lit-on, sont de petite taille, laids, mal faits, plus semblables à des bêtes qu’à des hommes dans leur manière de vivre. Ils sont fort puants ; ce qui vient de ce qu’ils se frottent d’huile de baleine, & qu’ils mangent de la chair crue. Ils ne couvrent de tout leur corps que les parties que la pudeur ne souffre point que l’on tienne découvertes. Quelques-uns disent qu’ils n’ont point de connoissance de Dieu. Voyez Mandeslo [sic]Voyage des Indes, L.III. » Maty, l’auteur de l’article, renvoie son lecteur aux Voyages de Johann Albrecht de Mandelslo, mais les différents éléments qu’il a réunis se retrouvent chez pratiquement tous les auteurs qui leur ont consacré un portrait et dont le récit a paru au cours du second ou du dernier tiers du dix-septième siècle. « D’autres assurent, poursuit l’auteur, qu’ils rendent quelque culte à la Lune. Voyez cafre, de la Croix, Relation de l’Afrique, Tome iv. Cet auteur, lit-on, assure que les Hottentots reconnoissent qu’il y a un être souverain qu’ils nomment homma ; mais ils ne croient pas qu’on soit obligé de lui rendre aucun culte, parce, disent-ils, que tantôt il inonde les terres de pluie, & tantôt il les brûle par la chaleur & la sécheresse. Est-ce donc là n’avoir aucune idée de la Divinité ? » La principale source de l’auteur semble encore être ici l’ouvrage de Phérotée de La Croix plus que le second livre du Voyage de Siam du Père Tachard (9). Qu’une importante partie de l’article soit consacrée aux pratiques religieuses des Hottentots n’a, dans ce dictionnaire de jésuites qu’est le Dictionnaire de Trévoux, rien de surprenant. Mais en dépit de l’interroga-tion sur laquelle se clôt l’article, qui tend à suggérer que les Hottentots ne nient pas qu’une divinité puisse exister, le portrait qui est brossé d’eux demeure assez négatif. Vus de Trévoux, les Hottentots ne sont ne sont pas moins affreux, moins sales ou moins méchants qu’ailleurs
Comme le fera plus tard Ménage dans son Dictionnaire étymologique de la langue françoise, dans son Grand Dictionnaire géographique, historique et critique, Bruzen de La Martinière établit un rapprochement entre les Cafres et les Cafards en renvoyant laconique-ment le lecteur à la Cafrerie à l’entrée « Caffard. » L’article « Caffrerie » ne s’ouvre pas sur une description des cafards mais sur une longue description de la situation géographique et des limites de la Cafrerie (10) que suit un passage détaillé sur l’étymologie du mot « Cafre » :
« C’est un nom injurieux, note-t-il, que les Arabes donnent à ceux qui ne sont pas Mahométans comme eux, du mot Cafir, dont le pluriel est Cafiruna, c’est-à-dire, Infidéles ou Incrédules. Les Portugais l’ont pris des Arabes pour désigner les habitans naturels de l’Ethiopie méridionale, & ils l’ont pris sans doute dans le sens de Barbares, car il est assez indifférent aux Chrétiens que ces peuples suivent la religion de Mahomet, ou qu’ils n’en ayent point du tout. L’un ne vaut pas mieux que l’autre pour le salut, & les Ethiopiens Mahométans ne sont pas moins Caffres, c’est-à-dire, moins infidéles & moins incrédules au jugement des Chrétiens que ceux qui sont encore dans leur ancien Paganisme. Les Portugais ont donc pris ce mot dans une autre signification. Ils voyoient que les Arabes s’en servoient lorsqu’ils parloient d’un assez grand nombre de peuples qui n’ont aucune connoissance du vrai Dieu, qui n’ont ni roi, ni demeure fixe, allant çà & là dans des campagnes de sable & dans des déserts, ayant presque autant de langages différens qu’il y a de Nations ; vivant d’une manière sauvage, sans habits, avec un nez écrasé & de grosses lévres, mangeant jusqu’aux serpens, les autres reptiles & les insectes ; peu différens enfin de ceux que Pline, l.6.c.30 & Solin, c.30 édit. Salmas. ne désignent que par les noms des animaux dont ils se nourrissoient. Les Portugais ont réuni toutes ces idées sous le nom de Caffres, & appellé Caffrerie toute cette partie de l’Ethiopie dont les habitants vivent à peu près de cette maniere. La pauvreté de ses peuples n’est pas capable d’attirer les négocians dans l’intérieur de leur pays. Leur férocité en détourne les Missionnaires, de sorte qu’il n’y a guères que les côtes que l’on connoisse. »
Dans son Dictionnaire étymologique de la langue françoise, Ménage reprendra mot pour mot cette explication. Bruzen clôt son article en citant Phérotée de la Croix, Dapper et Ludolf et en renvoyant le lecteur aux entrées « Hottentôts », « Cochoquas » et « Monoemugi ». L’article qu’il consacre aux Hottentots s’étend sur trois colonnes. Si le portrait qu’il brosse d’eux est particulièrement exhaustif, si la description qu’il livre de leur habitat, de leurs pratiques religieuses ou de leurs relations avec les Hollandais sont précises, c’est parce que Bruzen tire ses informations de deux sources : les Voyages de Dampier et le Voyage de Siam du Père Tachard. Aux matériaux relatifs à la physionomie et à la vie quotidienne des Hottentots réunis par Dampier, qu’il a en partie repris, il a en effet ajouté les matériaux relatifs aux nations hottentotes communiqués par Claudius à Tachard et insérés par ce dernier dans son Voyage de Siam. « J’ai extrémement abregé, écrit-il, ce que dit Dampier, qui fait à ce sujet bien des digressions qui seroient inutiles ici. J’ajouterai ce qu’en raporte le P. Tachard, Voyage de Siam, qui a traité ce sujet avec soin. » Suit in extenso la traduction d’une partie de la relation latine de Claudius (11). L’article « Cochoquas », qui ne s’étend que sur quelques lignes, réunit des informations tirées de la relation de Claude de l’Isle, tout comme l’article « Monoemugi », dans lequel les Cafres font l’objet d’une laconique des-cription : « Les habitans sont noirs. Ils passent pour être sauvages & cruels. Ils sont idolâtres & ils reconnoissent un roi, dont plusieurs petits rois sont tributaires. » La somme de Bruzen est le dictionnaire qui consacre aux Cafres et aux Hottentots et plus généralement aux nations sauvages les descriptions les plus circonstanciées. Puisant ses sources dans de nombreuses relations et dans divers ouvrages savants, Bruzen de la Martinière s’applique à livrer des Cafres et des Hottentots le portrait le plus savant qui soit. Mais le portrait qui résulte de cet agrégat de sources renvoie à des Sauvages d’un autre temps.
Dans son Dictionnaire étymologique de la langue françoise, Ménage livre une descrip-tion circonstanciée des Cafres, qu’il évoque du fait de l’étymologie de l’ethnonyme dans la définition qu’il livre du « Cafar » (12). Parce que le mot « Cafre » « vient du mot Arabe cafir qui signifie incrédule, infidèle [
], qui est un participe du verbe cafara, être incrédule, être infidèle », Ménage établit un rapprochement pour le moins original entre l’Arabe et le Cafre : « l’un ne vaut pas mieux que l’autre pour le salut, écrit-il, & les Ethiopiens Mahométans ne sont pas moins cafres, c’est-à-dire, moins incrédules & moins infidèles, au jugement des chrétiens , que ceux qui n’ont point de religion », avant de détailler les raisons pour lesquelles les Portugais ont donné le nom de « Cafres » aux « Peuples qui habitent la côte Orientale et Occidentale de la pointe Méridionale de l’Afrique. » Comme « ils voyoient, note-t-il, que les Arabes s’en servoient lorsqu’ils parloient d’un assez grand nombre de peuples qui n’ont aucune connoissance du vrai Dieu, qui n’ont ni Roi, ni demeure fixe, allant çà & là dans des campagnes de sable et dans les déserts, ayant presque autant de langages différents qu’il y a de nations, vivant d’une manière sauvage, sans habit, avec un nez écrasé & de grosses lèvres, mangeant les serpents, les autres reptiles & les insectes ; peu différents enfin de ceux que Pline, liv.vi ch.30 & Solin, ch.30 ne désignent que par les noms des animaux dont ils se nourrissoient », et de terminer son article en reprenant presque mot pour mot ce que Bruzen de la Martinière a écrit sur leur pauvreté et leur férocité (13). Une nouvelle fois donc, le portrait qui est brossé des Cafres est négatif, en dépit du regard plus positif qui est porté sur eux en Europe suite à la publication par Peter Conrad Monath à Nuremberg en 1719 de la magistrale somme de Peter Kolb.
Parce que les lexicographes ne font dans un premier temps figurer parmi leurs entrées que les noms communs à l’exception des quelques dictionnaires historiques qui accordent aux figures historiques, aux figures bibliques ou aux figures mythologiques une place prépondérante, les ethnonymes ne comptent pas parmi les entrées des grands dictionnaires de langue imprimés pour la première fois à la fin du dix-septième siècle. S’il est fait allusion à un certain nombre de nations sauvages, ce n’est pas pour ce que ces nations représentent mais par rapport à ce qui les lie à l’entrée dans laquelle elles sont convoquées. Dans la seconde édition du Dictionnaire de Trévoux, dans le Dictionnaire de Bruzen ainsi que dans le Dictionnaire de Ménage les ethnonymes ne ressortissent plus de la partie anecdotique ou historique d’un article, ils font désormais l’objet, pour les nations qui ont donné lieu à des descriptions nombreuses, variées et circonstanciées, d’une entrée, comme c’est le cas pour les Cafres, les Hottentots, les Samoyèdes, les Patagons ou les Lapons. Mais parce que les descriptions sur lesquelles se fondent les lexicographes sont pour la plupart issues de récits de voyages publiés tout au long du dix-septième siècle ou de recueils réunissant des voya-ges parfois assez anciens, les portraits qui sont brossés des Cafres et des Hottentots véhicu-lent des images qui correspondent moins à une quelconque réalité qu’elles ne renvoient à l’image extrêmement négative qui a fasciné l’imaginaire collectif des savants et des curieux durant près d’un siècle comme le confirme la définition que Prévost livre des Cafres dans l’article qu’il leur consacre dans son Lexique ou Dictionnaire portatif des mots dont le sens n’a pas été précisé : « Cafres, s. m. Habitans d’une grande partie de l’Afrique, au Couchant & au Midi, qui se nomme Cafrerie. Ils sont célebres par leur difformité & leur barbarie. » (14) En définitive, s’ils sont mieux informés que les grands dictionnaires de la fin du dix-septième siècle, les dictionnaires publiés au cours de la première moitié du dix-huitième siècle sont encore très lacunaires et continuent de véhiculer des représentations éthérées.
1. Marc Fumaroli, Trois institutions littéraires, Paris, Gallimard, 1994, « Folio Histoire », p.75. « [
] l’âge des Lumières a été l’ère des dictionnaires, note Béatrice Didier. Leur croissance à partir de 1750 est spectaculaire. Ce type de livres est utilisé aussi bien d’ailleurs par les adversaires des Lumières et la conception qui préside à ces ouvrages, autant dans le projet idéologique que dans la présentation et la tactique éditoriale, peut varier considérablement. » Béatrice Didier, « Le paradoxe de l’alphabet » [in]Alphabet et raison. Le paradoxe des dictionnaires au XVIIIe siècle, Paris, Presses Universitaires de France, 1996, « Ecriture », p.3. Sur le développement des académies en province : Daniel Roche, Le Siècle des Lumières en province : académies et académiciens provinciaux, 1680-1789, Paris / La Haye, Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales / Mouton, 1978, « Civilisations et sociétés ». Rééd. : Paris Ecole des Hautes Etudes en Sciences sociales, 1989, « Civilisations et sociétés ». Sur les travaux des académies nationales : Blandine Kriegel, L’Histoire à l’âge classique. Les académies de l’histoire, Paris, Presses Universitaires de France, 1988, « Les Chemins de l’histoire ». Rééd. : Paris, Presses Universitaires de France, 1996, « Quadrige », p.7-17 et 347-350.
2. Jean Le Rond d’Alembert, Discours préliminaire à l’Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des arts, des sciences et des métiers, par une société de gens de lettres, Paris, Libraires associés, 1751.
3. À l’inverse des mots « Cafre »et « Hottentot », qui apparaissent tardivement dans les diction-naires, le mot « nègre » fait son entrée dès 1671 dans les dictionnaires de langue pour désigner tantôt l’ensemble des peuples du continent africain et tantôt l’esclave noir. Il apparaît cepen-dant avec ces deux acceptions dans le Dictionnaire universel de commerce [
] que publie Jacques Savary à Paris chez Estienne en 1723. Sur ce point : Michèle Duchet, « Au temps des Philosophes » [in]Images du Noir dans la littérature occidentale. Du Moyen-Age à la conquête coloniale. Notre Librairie, n°90, octobre-décembre 1987, p.25-33. Voir notamment p.25-26.
4. Sur ce point : Isabelle Turcan, « Le vocabulaire exotique des relations dans les dictionnaires de la fin du XVIIe siècle et du début du XVIIIe siècle » communication présentée le 19 octobre 2001 à Grignan dans le cadre du colloque international « Lettres et images d’ailleurs » organisé par Nivoelisoa Gallibert et Marie-Christine Gomez-Géraud, et « Les voyageurs et les relations de voyage dans les dictionnaires français monolingues des XVIIe et XVIIIe siècles : décou-vertes et descriptions, narrations extraordinaires ou discours scientifiques » conférence donnée le 25 février 2003 à l’Université de Paris-Sorbonne, dans le cadre du séminaire Relations savantes : voyages et discours scientifique à l’Âge classique organisé par François Moureau. En ligne sur l’Encyclopédie sonore du site du Centre de Recherches sur la Littérature des Voyages (C.R.L.V.) : www.crlv.org.
5. « Construire un système qui permette d’englober la totalité des connaissances à un moment où elles ont pris une telle extension n’est pas chose facile, note Béatrice Didier, et l’on com-prend alors, poursuit-elle, que la raison des Lumières préfère s’exprimer par le dictionnaire, plutôt que par le traité, plus dogmatique, plus synthétique. Le dictionnaire est une réponse à l’impossibilité ou du moins à la grande difficulté d’opérer une synthèse. Difficulté qui tient tout autant au refus du dogmatisme qu’à la multiplication du savoir. » Béatrice Didier, « Le paradoxe de l’alphabet » [in]Alphabet et raison. Le paradoxe des dictionnaires au XVIIIe siècle, op.cit., p.1-10. Cit. p.4. L’objet d’un dictionnaire, comme l’écrit Dom Calmet dans la « Préface » de son Dictionnaire historique, critique, chronologique, géographique et littéral de la Bible, est en général « de donner des notions claires et distinctes des termes et des choses dont on parle, d’en rapporter les étymologies, les définitions, les descriptions, les divisions, d’évi-ter la confusion, la trop grande étendue et l’excessive brièveté ; d’appuyer ce qu’on avance sur de bonnes preuves, mais succinctes. » Dom Calmet, « Préface » [in]Dictionnaire historique, critique, chronologique, géographique et littéral de la Bible, Toulouse, Etienne Sens, 1783. S’ils ne l’ont pas exprimé à la manière de Dom Calmet, les lexicographes de la fin du dix-septième siècle comme Thomas Corneille, Antoine Furetière, Gilles Ménage ou Pierre Riche-let ont très tôt adopté les mêmes principes.
6. Jean Le Clerc, « Cafrerie ou Coste des Cafres » [in]Louis Moréri, Le Grand Dictionnaire Historique, ou le Mélange curieux de l’histoire sacrée et profane […], Lyon et Paris, Thierry, 1691. Jean Le Clerc a probablement puisé ses sources dans la Description générale de l’Afrique de Davity, qui est avec la Relation universelle de l’Afrique ancienne et moderne de Phérotée de La Croix, l’un des rares livres savants consacrés à l’Afrique imprimés en français à la fin du dix-septième siècle. Il a pu aussi puiser son information dans le récit d’un voya-geur comme Simon de La Loubère mais il est certain qu’il a ignoré la traduction française de la somme d’Olfert Dapper, la Description de l’Afrique, parue en 1686. Pierre Davity, Description générale de l’Afrique, seconde partie du monde, avec tous ses empires, royaumes, estats et républiques [
], Troyes et Paris, Denys Bechet et Louis Billaine, 1660. Dans l’article qu’il a consacré au mythe du Cafre-Hottentot, Paolo Carile confirme que le Grand Dictionnaire Historique de Moréri est le premier à « figer » en « savoir codifié » la représentation négative des Cafres et des Hottentots véhiculée depuis plusieurs décennies par les voyageurs, les lettrés, les savants et les curieux. Paolo Carile, « Les avatars du mythe du Cafre-Hottentot dans la culture française de l’époque classique » [in]Huguenots sans frontières. Voyage et écriture à la Renaissance et à l’Âge classique, Paris, Champion, 2001, « Les Géographies du monde », p.169-189. Voir notamment p.184-185.
7. Comme l’a montré Isabelle Turcan à l’aide d’exempliers circonstanciés, Furetière, Corneille et Ménage puisent leurs sources dans un riche corpus de récits et recueils de voyages. S’ils ne précisent pas toujours quels sont les ouvrages et les auteurs dont ils se sont inspirés, en utili-sant des formules assez vagues comme « on dit », « on rapporte », « les sauvages disent », « les voyageurs racontent », « les missionnaires rapportent » ou « tous les voyageurs assurent », grâce à un nombre important d’entrées dans lesquelles sont rapportées des anecdotes initialement consignées dans des récits de voyage, il est possible de retrouver les textes qui ont été utilisés. En procédant à une étude des sources alléguées, cachées ou identifiables de ces trois grands dictionnaires de la fin du dix-septième siècle que sont le Dictionnaire universel, le Dictionnaire des Arts et des Sciences et le Dictionnaire étymologique de la langue française, Isabelle Turcan a ainsi montré que parmi les sources de Furetière, Corneille et Ménage figurent notamment les récits de François-Timoléon de Choisy, de Thomas Herbert, de Jean-Baptiste Tavernier ou encore de Melchisédeck Thévenot, qui ont en commun de tous comporter une description plus ou moins détaillée des habitants des côtes méridionales africaines mais chez qui les lexicographes puisent essentiellement des informations relatives aux animaux sur l' »Elephant », le « Jachal », le « Loup », le « Paon », la « Raye » , aux épices sur le « Poivre », le « Saffre » ou aux pierres précieuses sur le « Balay ». Isabelle Turcan, « Les voyageurs et les relations de voyage dans les dictionnaires français monolingues des XVIIe et XVIIIe siècles : découvertes et descriptions, narrations extraordinaires ou discours scientifiques. » En ligne sur l’Encyclopédie sonore du site du Centre de Recherches sur la Littérature des Voyages (C.R.L.V.) : www.crlv.org.
8. « Cafre » [in]Dictionnaire universel françois et latin vulgairement appelé Dictionnaire de Trévoux contenant la signification et la définition tant des mots de l’une et de l’autre langue avec leurs différens usages, que des termes propres de chaque état et de chaque profession […] avec des remarques d’érudition et de critique, Nancy, Pierre Antoine, 1734. L’entrée « Cafre » est suivie de l’entrée « Cafrerie ». Les autorités alléguées confirment que les lexicographes puisent encore une importante partie de leurs savoirs chez les anciens : « Selon Sanut, lit-on, la Cafrerie commence sous le Tropique du Capricorne, au 23e degré & demi de latitude Méridionale, & descend jusqu’au Cap de Bonne Esperance ; d’où remontant vers le Nord, jusqu’à la côte de Zanguebar, elle a pour bornes l’Océan Indien au Levant ; l’Ethiopie au Couchant, le Méridional au Sud, & au Nord les Montagnes de la Lune, qui la séparent du reste de la terre ferme. Selon Magin, & la plus commune opinion, elle s’étend seulement depuis le Couchant de Cabo-negro jusqu’au Cap de Bonne Esperance, & de-là jusqu’à la rivière de Magnice, ou du S. Esprit. Dans cette opinion la Cafrerie comprend mille lieues de côtes en longueur ; & depuis cinquante jusqu’à cent de largeur. » Ibid.
9. Antoine-Nicole Phérotée de la Croix, Relation universelle de l’Afrique, ancienne et moderne, où l’on voit ce qu’il y a de remarquable, tant dans la terre ferme, que dans les îles, avec ce que le roi a fait de mémorable contre les corsaires de Barbarie, etc, Lyon, Thomas Amaulry, 1688 ; Johann Albrecht de Mandelslo, Voyages célèbres et remarquables faits de Perse aux Indes orientales, mis en ordre et publiés par Adam Oléarius ; traduits de l’original par Abraham de Wicquefort, Amsterdam, Michel Charles Le Cène, 1727 et Guy Tachard, Voyage de Siam des Pères jésuites envoyez par le Roi aux Indes et à la Chine, avec leurs obser-vations […], Paris, Arnould Seneuze et Daniel Horthemels, 1686 et Amsterdam, Pierre Mortier, 1687. En dépit de la publication en allemand du Caput Bonae Spei Hodiernum de Peter Kolb chez Peter Conrad Monath à Nuremberg en 1719, ce sont encore la relation du Père Tachard et la somme de Phérotée de La Croix qui, en matière de savoirs sur le Cap de Bonne-Espérance et ses habitants, fait autorité au cours du premier tiers du dix-huitième siècle, Ce n’est pas la première fois que les jésuites de Trévoux s’intéressent aux populations des confins africains. Dans un article paru en 1713 dans le Journal de Trévoux figure en effet un bref mais éloquent portrait des Hottentots. Parce qu’ils s’enduisent le corps « de graisse et d’ordure » et parce que « leurs principaux ornements consistent en des boyaux de mouton et d’autres animaux, qu’ils se mettent tout crus et pleins d’ordure autour du cou et des jambes », l’auteur de l’article estime, après tant d’autres, que ces êtres sont « les plus vils et les plus infames peuples qui soient au monde. » Journal de Trévoux. Mémoires pour l’histoire des sciences & des beaux-arts. Recüeillies par l’ordre de Son Altesse Sérénissime Monseigneur Prince souverain de Dombes, Trévoux et Paris, Jean Boudot, 1713, art. CXXVI.
10. « A dire vrai, note Bruzen de la Martinière après avoir tenté de délimiter les frontières de la Cafrerie, ses véritables limites sont assez arbitraires. Non seulement les cartes de nos géographes varient sur le plus ou le moins de pays qu’ils y mettent, mais même la Caffrerie dans un carte particuliere du Congo & du pays des Caffres publiée en 1708 par M. de l’Isle, n’est plus la même dans la carte de l’Afrique du même auteur en 1722. » Antoine-Augustin Bruzen de la Martinière, « Caffrerie » [in]Grand Dictionnaire géographique, historique et cri-tique [
], Paris, Pierre-Gilles Le Mercier, 1739-1741.
11. « La pointe méridionale de l’Afrique, lit-on, édit. Paris, p.94, n’est pas moins éloignée de l’Europe que les murs de ses Habitans sont diférentes des nôtres. Car ces Peuples ignorent la création du Monde, la rédemption des hommes & le Mystère de la très-Sainte Trinité. Ils adorent pourtant un Dieu, mais la connaissance qu’ils en ont est très-confuse. Ils égorgent en son honneur des vaches & des brebis, dont ils lui offrent la chair & le lait en sacrifice, pour marquer leur reconnaissance envers cette Divinité, qui leur accorde, à ce qu’ils croient, tantôt la pluye, tantôt le beau tems, selon leurs besoins. Ils n’atendent point d’autre vie après celle-ci. Avec tout cela ils ne laissent pas d’avoir quelques bonnes qualitez qui doivent nous empêcher de les mépriser [
]. » A quelques différences mineures près, ce texte est identique à celui la traduction latin de la relation d’Heinrich Claudius que Guy Tachard a inséré dans le second livre de son Voyage de Siam. Les différences les plus importantes se trouvent à la fin de l’article. Alors qu’on lit chez Tachard : « La troisième nation est celle des Ubiquas. Ils sont larrons de profession, et volent les Africains aussi bien que les étrangers. Quoiqu’ils ne puissent pas mettre cinq cents hommes sur pied, il n’est pas aisé de les détruire, parce qu’ils se retirent dans des montagnes inaccessibles. Les Gouriquas sont la quatrième nation qui n’est pas fort étendue. Les Hassiquas sont la cinquième, ils le sont davantage : ils sont riches et puissants, peu versés dans le métier de la guerre ; au contraire de la sixième nation, je veux dire des Gouriquas qui sont grands guerriers. La septième nation est celle des Sousiquas, et les Odiquas sont leurs alliés. » On lit chez Bruzen : « La troisième Nation est celle des Ubiquas, larons de profession, ils volent les Africains aussi bien que les étrangers. Quoiqu’ils ne puissent pas mettre cinq cens hommes sur pied, il n’est pas aisée de les détruire, parce qu’ils se retirent dans des montagnes inaccessibles. Les Gouriquas sont la quatrième Nation qui n’est pas fort étendue ; les Ilasiquas [sans doute une lecture erronée]sont la cinquième. Ils sont plus étendus, riches & puissans, & peu versez dans le métier de la guerre. La sixième Nation est des Gouriquas. Ce sont de grands guerriers. La septième est celle des Sousiquas & des Odiquas leurs alliez. » Guy Tachard, Voyage de Siam des Pères jésuites envoyez par le Roi aux Indes et à la Chine, avec leurs observations […],Paris, Arnould Seneuze et Daniel Horthemels, 1686, p.94-99.
12. Cette définition est en grande partie tirée de l’entrée « Cafrerie » du Grand Dictionnaire géographique, historique et critique de Bruzen. « cafar. De l’Arabe cafara, qui se dit d’un homme qui de Chrétien s’est fait Turc ; ou qui de Turc s’est fait Chrétien, selon les Arabes Mahométans. Cafara signifie renier la vraie Religion. Les Arabes ont pris ce mot de l’Ebreu caphar, qui signifie renier : d’où vient capher, qui signifie renieur, renégat. Les Turcs disent encore aujourd’hui kaphir, par injure, pour dire renégat. M. Richelet, dans son Dictionnaire a desapprouvé cette étymologie. Voici ses termes : Ménage dans ses Origines soutient que cafard se dit proprement d’un homme qui de Chrétien s’est fait Turc. Cela est peut-être vrai, mais l’usage y semble contraire. M. Richelet me fait dire ce que je n’ai point dit. J’ai parlé des Arabes, & non pas des François. M. l’Abbé Berault, a fait la remarque suivante sur ce mot : Le mot cafara, dit-il, ne signifie pas un homme qui de Chrétien s’est fait Turc ou de Turc s’est fait Chrétien. Il signifie seulement un Infidèle, un Payen, un homme qui ne croit point en Dieu, ou qui le nie. Ainsi on appelle Cafres, les peuples de l’Afrique qui habitent vers le Cap de Bonne-Espérance, à cause qu’ils ne connoissent point Dieu, & n’ont aucune connoissance de la Religion [
] » Gilles Ménage, « Cafar » [in]Dictionnaire étymologique de la langue françoise [
], Paris, Briasson, 1750.
13. Tout le début de l’article est aussi tiré de l’article « Caffrerie » du Grand Dictionnaire géographique, historique et critique de Bruzen de la Martinière. La reprise n’est pas textuelle : il s’agit d’une réécriture. Quand Bruzen écrit : « C’est un nom injurieux que les Arabes donnent à ceux qui ne sont pas Mahométans comme eux, du mot Cafir, dont le pluriel est Cafiruna, c’est-à-dire, Infidéles ou Incrédules. [
] L’un ne vaut pas mieux que l’autre pour le salut, & les Ethiopiens Mahométans ne sont pas moins Caffres, c’est-à-dire, moins infidéles & moins incrédules au jugement des Chrétiens que ceux qui sont encore dans leur ancien Paganisme. » Ménage écrit : « Il vient du mot Arabe cafir qui signifie incrédule, infidèle, & qui est un participe du verbe cafara, être incrédule, être infidèle [
]. L’un ne vaut pas mieux que l’autre pour le salut, écrit-il, & les Ethiopiens Mahométans ne sont pas moins cafres, c’est-à-dire, moins incrédules & moins infidèles, au jugement des chrétiens , que ceux qui n’ont point de religion. » La fin de l’article de Ménage est en revanche pratiquement une reprise mot pour mot de l’article de Bruzen. Alors qu’on lit chez Bruzen : « Les Portugais ont réuni toutes ces idées sous le nom de Caffres, & appellé Caffrerie toute cette partie de l’Ethiopie dont les habitants vivent à peu près de cette maniere. La pauvreté de ses peuples n’est pas capable d’attirer les négocians dans l’intérieur de leur pays. Leur férocité en détourne les Missionnaires, de sorte qu’il n’y a guères que les côtes que l’on connoisse. » On lit chez Ménage : « Les Portugais ont réuni toutes ces idées sous le nom de Cafres, & ont appellé Cafrerie toute cette partie de l’Afrique Méridionale dont les habitans vivent à peu près de cette maniere. La pauvreté de ces gens n’est pas capable d’attirer les Négocians dans l’intérieur de leur pays : leur férocité en détourne les Missionnaires ; de sorte qu’il n’y a guere que les côtes que l’on connoisse. » Gilles Ménage, « Cafre » [in]Dictionnaire étymologique de la langue françoise [
], Paris, Briasson, 1750.
14. Abbé Prévost, « Cafre » [in]Manuel lexique, ou dictionnaire portatif des mots français dont la signification n’est pas familière à tout le monde. Ouvrage fort utile à ceux qui ne sont pas versés dans les langues anciennes & modernes, & dans toutes les connoissances qui s’acquerent par l’étude & le travail [
], Paris, Didot, 1755. Dans l’article qu’il consacrera aux Hottentots et qu’il fera paraître dans le huitième volume de l’Encyclopédie en 1765, le chevalier de Jaucourt ne contribuera pas à restaurer l’image des populations de la pointe de l’Afrique. « Peuple d’Afrique dans la Cafrerie, près du cap de Bonne-Espérance, écrira-t-il, [les Hottentots]sont fort connus parce qu’ils touchent l’habitation des Hollandois, & parce que tous les voyageurs en ont parlé, Junigo de Bervillas, Courlai, Dampier, Robert Lade, François Légar, La Loubere, Jean Owington, Spilberg, le P. Tachard, Tavernier, & finalement M. Kolbe dans sa description du cap. Les Hottentots ne sont pas des Négres, dit avec raison l’auteur de l’Histoire naturelle de l’homme ; ce sont des Cafres, qui ne seroient que basanés, s’ils ne se noircissoient pas la peau avec de la graisse & du suif, qu’ils mêlent pour se barbouiller. Ils sont couleur d’olive & jamais noirs, quelque peine qu’ils se donnent pour le devenir ; leurs cheveux collés ensemble par leur affreuse malpropreté, ressemblent à la toison d’un mouton noir remplie de crotte [
]. » Chevalier de Jaucourt, « Les Hottentots » [in]L’Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des arts, des scien-ces et des métiers [
], Paris, Libraires associés, 1765.///Article N° : 4033