Les navigateurs portugais sont nombreux au cours de la première décennie du seizième siècle à emprunter la route du Cap de Bonne-Espérance pour rejoindre les Indes. Si l’ouverture de cette route profite d’abord à la couronne portugaise, elle profite également aux compagnies génoises ou augsbourgeoises établies à Lisbonne parfois depuis plusieurs décennies, lesquelles investissent d’importants capitaux dans ces expéditions qui permettent à leurs marchands d’acheter à un bon prix du poivre, de la girofle, de la cannelle et d’autres épices encore, pour les revendre en Europe à des prix inférieurs à ceux pratiqués par les Vénitiens. Quelques voyages manuscrits portugais et italiens rendent compte de ces expéditions et font brièvement mention des relâches des navires dans les baies de Lagoa ou de Santa Helena. Si les habitants ne font pas l’objet de descriptions circonstanciées, les relations qu’ils entretiennent avec les visiteurs européens sont cordiales, ainsi que l’attestent les lettres ou voyages manuscrits relatifs aux expéditions menées par Pedro de Ataide, João da Nova, Antonio de Saldanha, Pedro Quaresma et Lopes de Sequeira. Avec le massacre du vice-roi Francisco de Almeida en 1510, dont rendront compte João de Barros, Manoel de Faria y Sousa, Gaspar Correia, Damião de Gois ou encore Fernão Lopes de Castanheda, les expéditions faisant route à destination des Indes sont moins nombreuses et rares sont les équipages qui se risquent à faire halte dans les environs du Cap de Bonne-Espérance (1). Les marins embarqués à bord du Sacre et de la Pensée, compagnons des feus frères Jean et Raoul Parmentier, parmi lesquels figure le jeune Guillaume Lefèvre sont sans doute parmi les premiers voyageurs français à apercevoir des indigènes dans la rade du Cap et dans la baie de Santa Helena. Mais les témoignages relatifs à cette tragique expédition, tardifs et ne comportant pas de description circonstanciée de ces indigènes, seront sans effet sur leur perception dans l’imaginaire collectif français. En dépit des multiples expéditions qui se rendent dans les Indes au cours de la première moitié du seizième siècle donc, les représentations auxquelles donnent lieu les habitants rencontrés ou entrevus le long des côtes méridionales africaines dans les lettres et voyages manuscrits sont assez diffuses tandis que les monstres et autres figures légendaires effectuent un retour en force dans l’imaginaire collectif européen via les descriptions et représentations iconographiques telle le « Typus cosmogra-phicus universalis » la carte insérée dans l’édition du Novus orbis de Simon Grynaeus impri-mée à Bâle en 1532 véhiculées dans les livres savants de la première Renaissance (2).
Les lettres, voyages et autres documents manuscrits rendant compte des expédi-tions menées par la couronne portugaise et les grands consortiums européens dans les Indes ont en grande partie disparu. Hormis une relation de voyage et une lettre récemment édités il ne subsiste aucun document de première main venant apporter un témoignage direct sur cette fructueuse décennie d’entreprises maritimes. L’existence des lettres et voyages manuscrits ayant aujourd’hui disparu est attestée par les historiens et chroniqueurs portugais du début de la seconde moitié du seizième siècle : João de Barros, Gaspar Correia, Damião de Gois et Fernão Lopes de Castanheda (3). Le seul voyage manuscrit retrouvé à ce jour se rapporte à l’expédition placée sous le commandement d’António de Saldanha en 1503 (4). Mais si la flotte a bien fait halte dans l’une des baies environnant le Cap de Bonne-Espérance et si ses équipages sont bien entrés en contact avec les maîtres des lieux, ce récit ne comporte aucune description en pied de ces indigènes. Les expéditions auxquelles se réfèrent les chroniqueurs, celle emmenée par João de Nova en 1501, celle conduite par João de Queiros en 1505, celles placées sous le commandement de Pedro Quaresma et de Cyde Barbudo en 1506 et enfin celle emmenée par Lopes de Sequeira en 1508, sont toutes entrées en contact avec l’une ou l’autre des populations établies sur le pourtour du Cap de Bonne-Espérance (5). Mais aucune description en pied ne figure dans les témoignages livrés par les chroniqueurs sur ces expéditions et écrits d’après les lettres, voyages et autres documents écrits qui leur ont été communiqués. Durant cette première décennie du seizième siècle, les habitants des côtes méridionales africaines apparaissent dans les écrits de première main retrouvés ou utilisés comme des êtres pacifiques avec lesquels on peut s’entendre pour se ravitailler en eau et s’approvisionner en bétail. C’est sans doute parce qu’ils voient en eux des noirs semblables à ceux qu’il leur a déjà été donné de rencontrer en d’autres lieux et que les échanges n’ont pas encore donné lieu à un incident majeur qu’on ne dispose pas de la moindre description en pied de ces êtres mais seulement de simples mentions de leur présence, dans des écrits tardifs dont les auteurs João de Barros, principalement, mais aussi Gaspar Correia et Fernão Lopes de Castanheda ont en mémoire le douloureux souvenir de la tragédie du massacre du vice-roi Francisco de Almeida et d’une soixantaine de ses hommes dans la baie de Saldanha.
En mars 1510 et tandis qu’il revient des Indes et fait route en direction du Portugal, le vice-roi Francesco de Almeida décide de faire halte dans la baie de Saldanha afin de se ravitailler en eau et de s’approvisionner en viande. Contre des pièces d’étoffe et des objets en métal, les visiteurs obtiennent de l’eau et des têtes de bétail. Un groupe de matelots reçoit alors l’autorisation de suivre les indigènes dans leurs villages. Pour s’être fait voler leurs armes ce sera la version officielle ils s’en retournent auprès du vice-roi qui, à la tête d’une centaine d’hommes en armes, entend châtier les autochtones. L’affrontement est fatal aux Portugais. Le vice-roi et une soixantaine de ses hommes sont massacrés tandis que les autres sont contraints de fuir pour échapper à la furie des noirs (6). Le revers est terrible pour l’orgueilleux royaume du Portugal. Au retour de la flotte la nouvelle du massacre fait grand bruit. Elle intègre rapidement la mémoire de l’ère des découvertes. Que les flottes faisant route pour les Indes ne relâchent quasiment plus au cours des décennies suivantes le long des côtes méridionales africaines atteste de la profondeur du traumatisme engendré par ce massacre chez les gens de mer. En effet, hormis les escales faites dans la baie de Saldanha en 1524 par Duarte de Meneses et en 1536 par Diogo Pereira Botelho, aucun navire portugais ne fera halte dans cette région jusqu’à Fernão Alvares Cabral en 1554 (7). L’absence de brochure imprimée consacrée à cette tragédie tend à confirmer que c’est d’abord oralement qu’a été transmis le récit des sanglants événements qui se sont déroulés à l’autre bout du monde et qu’ont été élaborées et véhiculées de nouvelles représentations des populations des confins africains. Dans l’imaginaire collectif des gens de mer, ces êtres passent pour d’immondes sauvages dont la cruauté morale n’a d’égale que la repoussante laideur physique. Les représentations de ces êtres s’infléchissent donc suite au traumatisme provoqué par le massacre du vice-roi d’Almeida et de ses hommes dans la baie de Saldanha, infléchisse-ment dont rend compte la transfiguration poétique que livre notamment de cet épisode Luis de Camões dans le cinquième chant de ses Lusiades. Mais c’est parce que les historiens et chroni-queurs portugais vont en rendre compte dans leurs ouvrages que cette représentation va lentement intégrer via les traductions imprimées en latin et en français la culture savante européenne au cours de la seconde moitié du seizième siècle.
C’est sous le règne de François Ier que les négociants français commencent à s’intéresser de très près au marché des épices et songent à faire route en direction des Indes (8). Sumatra étant particulièrement riche en poivre, c’est sur cette île que des marchands honfleurais jettent leur dévolu. C’est ainsi qu’en 1527, l’un des navires faisant partie de la flotte placée sous le commandement de Verrazano, un navigateur florentin, parvient à Aceh. En mars 1529, l’expédition commandée par les frères Jean et Raoul Parmentier quitte Dieppe à destination des Indes. En octobre elle atteint Sumatra et en novembre Tiku au nord de Padang. Si les deux frères périssent des fièvres peu après avoir quitté Sumatra, les deux navires s’en retournent en direction de Dieppe les cales chargées de « trois mil livres d’or fin et de sept tonneaux de poivre rond. » Sur le chemin du retour ils relâchent dans la rade du Cap de Bonne-Espérance. Du pont, les membres de l’équipage, parmi lesquels figurent un certain Guillaume Lefèvre et un certain Pierre Crignon, aperçoivent sur le rivage des bêtes à cornes et des hommes noirs. Ainsi que l’atteste un témoignage tardif, une lettre écrite par Guillaume Lefèvre, l’expédition demeure un mois dans la rade du Cap de Bonne-Espérance (9). Elle longe ensuite la côte jusqu’à la baie de Santa Helena où elle demeure quelques jours avant de reprendre sa route pour Dieppe. La lettre de Guillaume Lefèvre demeurera longtemps à l’état de manuscrit. L’échec des premières expéditions envoyées dans les Indes, l’échec de l’expédition menée par les frères Parmentier, le peu d’intérêt qu’accordent encore les lettrés français aux nouveaux horizons sont sans doute les principales raisons pour lesquelles le Discours de la navigation de Jean et Raoul Parmentier n’a pas été publié au retour de Pierre Crignon en France. Entre les voyageurs français et les populations des côtes méridionales africaines, la rencontre a été manquée. Il faudra attendre un siècle pour qu’elle ait lieu lors de l’escale de la flotte d’Augustin de Beaulieu dans la baie de Saldanha rebaptisée baie de la Table (10).
Les merveilles s’affaiblissent mais demeurent : le retour des races monstrueuses dans le Sommaire des Singularitez de Pline de Pierre de Changy et le Novus orbis regio-num de Simon Grynaeus
Bien que les expéditions menées en diverses parties du monde se multiplient et que les voyageurs soient de plus en plus nombreux à consigner sur des feuillets le récit de leur périple, les livres savants de la première renaissance continuent de puiser l’essen-tiel de leurs sources dans les ouvrages des autorités antiques l’Historiae naturalis de Pline, la Cosmographia de Ptolémée, le De Situ orbis terrarum de Solin
, les sommes des autorités patristiques le De Civitate dei de Saint Augustin notamment et dans les écrits des vulgarisateurs, compilateurs et encyclopédistes médiévaux les Opera d’Albert le Grand, les Otia imperalia de Gervais de Tilbury, le Liber chronicarum d’Hartmann Schedel
. Parmi ces ouvrages figurent notamment l’édition séparée du septième livre de l’Historiae naturalis de Pline, qui est imprimée avec des commentaires de Volgang Guglinger à Cracovie en 1526, le Sommaire des Singularitez de Pline de Pierre de Changy, un résumé en soixante et onze feuillets des seize premiers livres de l’Historiae naturalis, publié à Paris en 1542 (11), l’édition de la Cosmographiae universalis de Sebastian Münster, imprimée à Bâle en 1540, dont la carte de l’Afrique donne à voir un Monoculus (12), ou encore les quatre éditions du Novus orbis regionum de Simon Grynaeus qui se succèdent de 1532 à 1555, dont les illustrations de Hans Holbein le jeune qui ornent les marges de la carte du Typus cosmographicus universalis don-nent encore à voir des monstres (13). Ces représentations iconographiques héritées des sources antiques et tout droit sorties des bestiaires médiévaux indiquent de manière irréfutable que les merveilles continuent d’exciter puissamment l’imaginaire des érudits même si elles tendent à disparaître des livres savants.
Les nombreuses découvertes enregistrées par les voyageurs portugais, italiens et espagnols au tournant des quinzième et seizième siècles connaissent des fortunes diverses. Exception faite de la découverte du continent américain qui est relayée par différents écrits, ces découvertes sont longtemps restées ignorées en France (14). Au cours de la première décennie du seizième siècle, du fait des nombreux expéditions envoyées dans les Indes par la couronne portugaise et de grands consortiums européens, plusieurs équipages ont eu l’opportunité d’entrer en contact avec les populations évoluant dans la région du Cap de Bonne-Espérance, les navigateurs ayant pris l’habitude de faire halte dans ces parages pour se ravitailler en eau et s’approvisionner en viande. Si dans les écrits tardifs des chroniqueurs et historiens portugais élaborés d’après des mémoires et lettres aujourd’hui perdus, ces rencontres sont bien mentionnées, les indigènes ne font l’objet d’aucune description circonstanciée. Ils sont simplement présentés comme des noirs pacifiques desquels on peut obtenir de l’eau et du bétail contre de la verroterie, des pièces de tissu et du métal. Suite aux récits du massacre du vice-roi Francisco de Almeida et d’une soixantaine de ses hommes que les naufragés ont fait oralement à leur retour à Lisbonne, le regard porté par les gens de mer sur les populations des côtes méridionales africaines s’infléchit. Au cours des décennies qui suivent, les expéditions portugaises qui font voile en direction des Indes ne font escale dans les environs du Cap de Bonne-Espérance qu’en cas de nécessité absolue, préférant s’approvisionner en eau et en produits frais sur les côtes occidentales ou orientales africaines. Les membres de l’équipage de Jean et Raoul Parmentier aperçoivent bien des indigènes et du bétail sur le rivage tandis qu’ils relâchent dans la rade du Cap de Bonne-Espérance avant de poursuivre leur route vers Dieppe. Mais c’est seulement vers la fin de la première moitié du seizième siècle que les lettrés français commencent à manifester un véritable intérêt pour les livres savants et autres ouvrages relatifs aux voyages et découvertes ainsi que l’atteste l’essor du commerce du livre étranger dans la capitale dans les années 1540 (15) et il faut attendre la parution de la traduction du premier livre des Navigationi et viaggi de Giovanni Battista Ramusio à Lyon chez Jean Temporal en 1556 pour voir être imprimées en français les premières descriptions circonstanciées de ces populations avec la relation de La Navigation de Jean d’Empoli et le récit de La Navigation de Pierre Alvares (16).
1. Des extraits des récits relatifs aux voyages accomplis par ces navigateurs ou à défaut des résumés circonstanciés ont été réunis par Rowland Raven-Hart dans un recueil auquel, faute de mieux, on est contraint de se référer, Before Van Riebeeck. La quasi totalité des textes qui composent son recueil sont des traductions en anglais de manuscrits et récits de voyage initialement rédigés ou imprimés en hollandais, en portugais, en allemand, en français, en italien, en espagnol ou encore en danois, voire des traductions de traductions. Par ailleurs, ces extraits sont systématiquement amputés d’une part plus ou moins impor-tante des informations qu’ils véhiculent, lorsqu’elles ne concernent pas le Cap de Bonne-Espérance. C’est la raison pour laquelle plusieurs des textes réunis dans ce recueil sont des plus approximatifs. Rowland Raven-Hart, Before Van Riebeeck. Callers at South Africa from 1488 to 1652, Cape Town, Struik, 1967. Sur ces différents auteurs : Luis de Matos, « L’expansion portugaise dans la littérature latine de la Renaissance » [in]Jean-Claude Margolin et José de Pina Martins, dirs., L’Huma-nisme portugais et l’Europe, Paris, Fonda-tion Calouste Gulbenkian / Centre Culturel Portugais, 1984 ; Luís Filipe Thomaz, « L’idée manuéline impériale » et António Vasconcelos de Saldanha, « Conceitos de espaço e poder e seus reflexos na titulação regia portuguesa da epoca da expansão » [in]Jean Aubin, dir., La Découverte, le Portugal et l’Europe, op.cit., p.35-103 et p.105-129.
2. « Typus cosmographicus universalis » [in]Simon Grynaeus, Novus Orbis regionum ac insularum veteribus incognitarum, Basileae, apud Julium Hervagiummense, 1532. Sur cette carte : Alexandre de Humboldt, Examen critique de l’histoire et de la géographie du nouveau continent et des progrès de l’astronomie nautique aux XVe et XVIe siècles, Paris, Gide, 1814-1834 ; Albert Ronsin, Découverte et baptême de l’Amérique, Montréal, Georges Le Pape, 1979, p.194-198 ; Numa Broc, La Géographie de la Renaissance, op.cit., p.30.
3. João de Barros, Asia [
]Lisboa, Galharde, 1551-1561 ; Gaspar Correia, Lendas da India [
], Lisboa, s.éd., s.d. ; Damião de Gois, Legatio Magni Indorum Imperatoris Presbyteri Ioannis [
], ad Triennium, Ioan. Grapheus, 1532 ; Fernão Lopes de Castan-heda, História do descobrimento e conquista da India pelos Portugueses [
], Coim-bra, Barreyra e Alvarez, 1552-1561.
4. Sur ce récit de voyage longtemps demeuré manuscrit : Avelino Teixeira da Mota, A Viagem de António de Saldanha em 1503 e a rota de Vasco de Gama no Atlântico Sul, Lisboa, Estu-dos de Carto-grafia antigua, 1971. Sur l’apport des écrits relatifs aux découvertes à l’historio-graphie portugaise : Geneviève Bouchon, « Dix ans d’histoire indo-portugaise (1978-1988) : bilan et perspectives pour l’étude du XVIe siècle » [in]Jean Aubin, dir., La Découverte, le Portugal et l’Europe, op.cit., p.23-34.
5. C’est dans son Asia que João de Barros fait mention des haltes faites le long des côtes méridionales et orientales africaines par les flottes de João de Nova, de João de Queiros, de Pedro Quaresma et Cyde Barbudo, et enfin de Lopes de Sequeira. Il relate brièvement comment, après s’être ravitaillé en eau, João de Nova réussit à obtenir des indigènes qu’ils lui cèdent quelques têtes de bétail contre de la verroterie. João de Barros, Asia [
], op.cit., I, 5,10. Il explique également pourquoi on a longtemps cru que João de Queiros et la quasi totalité des membres de son équipage avaient été tués dans l’anse des Vaqueiros alors qu’ils ont en réalité trouvé la mort au-delà du cap des Correntes. João de Barros, Asia [
], op.cit., I, 9,6. Il relate également les circonstances dans lesquelles Pedro Quaresma et Cyde Barbudo, partis à la recherche des épaves des navires de l’expédition menée par Francisco de Albuquerque, ont rencontré, sur la côte du Natal, des indigènes., et indique les raisons pour lesquelles les capitaines portugais ont pensé que ces indigènes avaient incendié les navires pour s’emparer de tous les objets en fer qu’ils contenaient. João de Barros, Asia [
], op.cit., I, 10,6. Il rend enfin compte de la halte faite par Lopes de Sequeira dans une baie avoisinant le Cap et de sa rencontre avec les habitants des lieux. João de Barros, Asia [
], op.cit., 2,4,3. L’historien Fernão Lopes de Castanheda fait également mention de cette expédition. Fernão Lopes de Castanheda, História do descobrimento e conquista da India pelos Portugueses [
], op.cit., I, 447.
6. Les témoignages confus et parfois contradictoires des survivants et les réserves émises par certains historiens et chroniqueurs tardifs inclinent à penser que c’est un malentendu qui est à l’origine du massacre ainsi que tend à l’indiquer le récit qu’en livre João de Barros dans son Asia. João de Barros, Asia [
], II, 3,9. Sur les causes et les conséquences de ce grand massacre : Eric Axelson, Portuguese in South-East Africa, 1488-1600, Johannesburg, Struik, 1973, « Ernest Oppenheimer institute of Portuguese studies », p.111-112 ; Maria Emilia Madeira Santos, Viagens de exploração terrestre dos Portugueses em Africa, Lisboa, Centro de Estudos de Cartografia Antiga / Instituto de Investigaçao Científica Tropical, 1978, p.87-91 ; François-Xavier Fauvelle-Aymar, « Relectures et transfigurations d’un massacre (1510-1572) » [in]L’Invention du Hottentot. Histoire du regard occidental sur les Khoïsan (XVe-XIXe siècles), Paris, Publications de la Sorbonne, 2002, p.37-48. »La mort d’Almeida eut un grand écho, écrit fort justement Paolo Carile, et on transforma en épopée malheureuse ce qui au départ n’avait été qu’un simple accrochage fortuit. » Paolo Carile, « Les avatars du mythe du Cafre-Hottentot dans la culture française de l’époque classique » [in]Huguenots sans frontières. Voyage et écriture à la Renaissance et à l’Âge classique, Paris, Champion, 2001, « Les Géographies du monde », p.169-189. Cit. p.177.
7. Les divers témoignages relatifs à ces escales connus à ce jour sont peu nombreux, indirects, tardifs et de peu d’intérêt. L’escale de Duarte de Meneses est brièvement mentionnée par Gaspar Correia dans ses Lendas da India et celle de Diogo Pereira Botelho est signalée par João de Barros dans son Asia. Quant à celle de Fernão de Alva-res Cabral, elle est rapidement décrite par Manuel de Faria y Sousa dans son Africa Por-tuguesa. Gaspar Correia, Lendas da India [
], op.cit., II, 854 ; João de Barros, Asia [
], op.cit., IV, 6, 14 et Manuel de Faria y Sousa, Africa Portuguesa [
], op.cit., 2, 2, 10.
8. « Le moins que l’on puisse dire, écrit Dirk Van der Cruysse, évoquant les voyages de Binot Paulmier de Gonneville en 1503, de Pierre Caunay en 1526, de Jean Breuilly de Fumay en 1528, c’est que les voyages français en Asie ne commencent pas sous une bonne étoile. L’irrésistible élan déclenché au Portugal et en Espagne par les grandes découvertes autour de 1500 ne tourmente pas vraiment les Français. Le bouleversement de la géographie ptolémaïque et le prodigieux élargissement de l’espace humain qui en résulte ne font tourner que peu de têtes outre-Pyrénées. Sans doute la France s’intéresse-t-elle aux continents inexplorés et aux routes maritimes qui y conduisent (les lettres de Colomb sont imprimées à Paris dès 1493), mais les quelques initiatives que l’on peut relever au XVIe siècle sont privées et de nature strictement commerciale. Il s’agit essentiellement de marins normands ou bretons soutenus par des investisseurs privés et qui se croient suffisamment familiarisés avec la « mer océane » pour s’y aven-turer sans pilotes expérimentés et sans cartes fiables. » Dirk Van der Cruysse, » » O navigants, o povres mathelotz » : les échecs maritimes du XVIe siècle » [in]Le Noble désir de courir le monde. Voyager en Asie au XVIIe siècle, Paris, Fayard, 2002, p.15-20. Cit.p.15.
9. Sur cette expédition : Pierre Crignon, « Journal d’une navigation des Dieppois dans les mers orientales sous François Ier (1529-1530) » [in]Société Normande de Géographie, n°5, mars-avril 1883, p.168-184 ; juillet-août, p.233-248 ; septembre-octobre, p.321-339. Pierre Crignon, Discours de la navigation de Jean et Raoul Parmentier : voyage à Sumatra en 1529, description de l’Isle de Sainct-Domingo, Paris, Leroux, 1883, « Recueil de voyages et de documents pour servir à l’histoire de la géographie ». Edition établie et présentée par Charles Schefer. Rééd. en fac-simile : Genève, Slatkine, 1971. Guillaume Lefèvre ne s’étant pas rendu à terre, sa lettre ne fait que très brièvement mention des indigènes, et n’apporte sur eux aucune information. Sur la lettre de Guillaume Lefèvre : Marilet et Edgar Sienaert, « Trois siècles de témoi-gnage français sur l’Afrique australe (1575-1900) » [in]French Studies in Southern Africa, n°17, 1988, p.73-98. Voir p.74.
10. « L’échec de l’expédition des Parmentier, note Dirk Van der Cruysse, explique en partie les raisons pour lesquelles les Français ne figurent plus en Asie au XVIe siècle. Les trois voyages présentés se situent entre 1500 et 1530. Ils ne sont pas financés par la Couronne mais par des investisseurs privés qui ne croient désormais plus à la rentabilité d’incursions dans les Indes orientales contrôlées par les Portugais. Jusqu’à la fin du siècle, la France concentre ses efforts sur les Indes occidentales, c’est-à-dire les Amériques. » Dirk Van der Cruysse, » » O navigants, o povres mathelotz » : les échecs maritimes du XVIe siè-cle » [in]Le Noble désir de courir le monde. Voyager en Asie au XVIIe siècle, op.cit., p.18.
11. C. Plinii Secundi Liber Septimus Naturalis Historiae. Cum annotationibus M. Volfgangi Guglinger quam emendatissime impressus [
], s.l. [Cracovie], apud Hiero-nymum Victorem, 1526 ; Pierre de Changy, Sommaire des Singularitez de Pline, ex-traict des seize premiers livres de sa naturelle histoire [
], Paris, Les Angeliers, 1542. Ces deux ouvrages attestent de la remarquable fortune dont continuent à jouir les uvres de Pline durant la première moitié du seizième siècle et plus particulièrement ses livres qui portent sur les singularités de la génération humaine et sur les races monstrueuses. Sur ce point : Jean Céard, La Nature et ses prodiges. L’Insolite au XVIe siècle, op.cit., p.12.
12. Sebastian Münster, Cosmographiae universalis [
], Basileae, apud Henricum Petri, 1540. Le Monoculus représenté sur la carte du continent africain fait figure de relique, ultime avatar d’un héritage avec lequel le cosmographe éprouve des difficultés à rompre.
13. « Typus cosmographicus universalis » [in]Simon Grynaeus, Novus orbis regionum ac insularum veteribus incognitarum [
], Basileae, apud Julium Hervagiummense, 1555. Sur le Novus orbis regionum comme collection : Alexandre de Humboldt, Examen critique de l’histoire et de la géographie du nouveau continent et des progrès de l’astronomie nautique aux XVe et XVIe siècles, op.cit. et Michel Korinman, « Simon Grynaeus et le Novus orbis : les pouvoirs d’une collection » [in]Jean Céard et Jean-Claude Margolin, dirs., Voyager à la Renaissance, Paris, Maisonneuve et Larose, 1987, p.419-431.
14. Sur ce point : Pierre Chaunu, Conquête et exploitation des nouveaux mondes, Paris, Presses Univer-sitaires de France, 1969, « Nouvelle Clio » ; Friedrich Wolfzettel, « Renaissance : la naissance d’un dis-cours du voyage » [in]Le Discours du voyageur. Le récit de voyage en France, du Moyen Age au XVIIIe siècle, Paris, Presses Universitaires de France, 1996, « Perspectives littéraires », p.35-120 et Gilbert Gadoffre, « Culture et pouvoir » [in]La Révolution culturelle dans la France des humanistes. Guillaume Budé et François Ier, Genève, Droz, 1997, « Titre courant », p.93-113.
15. Sur ce point : Annie Parent-Charon, « Le commerce du livre étranger à Paris au XVIe siècle » [in]Dominique Bougé-Grandon, dir., Le Livre voyageur. Constitution et dissé-mination des collections livresques dans l’Europe moderne (1450-1830), Paris, Klincksieck, 2000, « Cahiers d’histoire du livre », p.95-108. Cet intérêt tardif se traduit notamment sur le plan éditorial par la publication de traductions d’ouvrages obsolètes et rares sont les récits ou ouvrages publiés à cette époque en français qui rendent compte de voyages et découvertes récents dans des espaces autres que l’Orient. Sur ce point : Marie Christine Gomez-Géraud, Ecrire le voyage au XVIe siècle en France, Paris, Presses Universitaires de France, 2000, « Etudes littéraires / Recto-verso », p.10-11.
16. Les « Navigations des capitaines Vasque de Gamme et Pierre Alvares, de Thomas Lopes et Jean d’Empoli » figurent dans la première partie du second tome de l’Historiale description de l’Afrique. Dans la seconde partie du second tome figure une autre relation qui comporte une description circonstanciée des habitants des côtes méridionales africaines : il s’agit de la « Description de l’Ethiopie par Francisque Alvares ». C’est le texte de cette relation que publiera deux années plus tard à Anvers Iehan Bellere sous le titre d’Historiale description de l’Ethiopie. Historiale description de l’Afrique, tierce partie du monde […], Lyon, Jean Temporal, 1556.///Article N° : 4017