« Un morceau de bois sous l’eau ne deviendra jamais caïman ».
proverbe cité dans Djeli, conte d’aujourd’hui,
film de Fakika Kramo-Lanciné (Côte d’Ivoire, 1981)
Cultural Studies, Gender Studies, Postconialism
Les Anglo-saxons auraient-ils une longueur d’avance ? Toujours est-il qu’alors que le débat fait rage Outre-Manche et Outre-Atlantique et que les publications y fleurissent en tous sens, la sphère francophone semble avoir d’autres chats à fouetter.
A l’heure d’internet et des colloques internationaux, l’obstacle de la langue ne peut décemment être la raison essentielle d’une telle absence. Pourtant, la question est de taille ! N’est-il pas temps de ne plus considérer la littérature africaine francophone comme un prolongement de la littérature française ? La question ne se pose-t-elle pas aussi dans les autres disciplines artistiques ? N’est-il pas encore actuel de destituer le centre universalisant pour restituer aux périphéries leur diversité ? de réécrire l’Histoire en repensant la relation coloniale ? d’étudier les créations modernes sans les enfermer dans des catégories obsolètes ?
Certes, la relation France-Afrique a ses particularités qui motivent une singularité de la pensée. Mais est-ce qu’au fond, ce débat ne nous gêne-t-il pas un peu ?
Si la pensée postcoloniale dérange, n’est-ce pas car elle remet en cause des idées et des pratiques solidement établies ? Quoi ? L’Afrique se refuserait à demeurer l’objet rituel si volontiers mythifié ? Elle refuserait de continuer à nous conforter dans la bonne image que nous avons de nous-mêmes, tant notre propre identité culturelle se nourrit des stéréotypes que nous plaquons sur l’Autre ? En déconstruisant les projections qu’elle subit dans un rapport encore dominé par l’imaginaire issu de la colonisation, l’Afrique affirme une autre logique sociale aussi bien qu’esthétique qui nous conteste à sa manière et que ne peuvent réellement cerner les penchants ethnocentriques de nos vieux schémas de pensée.
On ne sort pas indemnes d’un siècle d’africanisme, même traversé de fécondes remises en causes successives. La recherche postcoloniale anglo-saxonne a le mérite d’enrichir considérablement un débat jamais clôt, un débat qui nous est cher à Africultures, celui de la déconstruction des représentations encore présentes dans la tête de tout ancien colonisateur et de tout ancien colonisé.
Ce dossier, s’il est souvent engagé, n’est jamais polémique envers telle ou telle école de pensée. Il se veut ouvert et constructif, contribution à une discussion qui ne fait que débuter, et qui mérite de ne pas rester bois mouillé.
C’est l’écrivain djiboutien Abdourahman A. Waberi qui a le premier popularisé ce débat en 1998 avec son article devenu célèbre sur « les enfants de la postcolonie » dans Notre Librairie. Nous tenons à le remercier vivement, non seulement pour sa collaboration régulière à Africultures, mais ici surtout pour avoir activement préparé ce dossier avec Boniface Mongo-Mboussa.
///Article N° : 1357