Editorial

La liberté intérieure

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Do Ser –
« Sou universalmente negro
Na ponta desde lápis
No âmago desta alma
Sou universalmente livre
Em cada canto
Desta reça
Em cada labirinto desta prisão. »
Ele Semog, Atabaques, Rio de Janeiro 1984.
(De l’être –
Je suis universellement nègre
Dans la pointe de ce crayon
Dans la profondeur de cette âme
Je suis universellement libre
Dans chaque recoin
De cette race
Dans chaque labyrinthe de cette prison.)

On sait que la présence noire au Brésil est liée à la traite négrière. Mais on sait moins que nombre d’esclaves affranchis prirent le chemin du retour pour se réinstaller en Afrique. Prenons par exemple les Agouda de Ouidah au Bénin, ancien port de départ des esclaves : ils ont délaissé le créole mais ont conservé des traditions comme l‘aborian, une danse de carnaval. Ils ont même transmis à tous le kaleta, une mascarade de Noël sur des rythmes de fête évoquant eux aussi le carnaval. Ainsi donc, à la suite de l’expérience la plus déshumanisante qui soit, les anciens esclaves revenus du Brésil ont su offrir à leur société le rythme, le chant, la danse qui l’aideront à mettre en œuvre ses capacités de résistance, d’adaptation à l’environnement et de mobilisation communautaire. C’est-à-dire les conditions de sa liberté.
En consacrant régulièrement des dossiers d‘Africultures aux cultures noires des Amériques (Musiques Caraïbes : la trace noire, Cuba l’Africaine et bientôt Haïti et d’autres îles caribéennes), nous effectuons nous aussi un aller-retour. Ou plutôt un détour essentiel par-delà l’océan.
Car les traces noires dans les cultures américaines et le rôle qu’elles jouent par leurs expressions métissées dans leurs sociétés « d’accueil » sont révélatrices. Sans doute parce qu’aujourd’hui encore, en situation minoritaire et face aux préjugés racistes et à toutes les formes d’exploitation, cette culture doit trouver à sa source les valeurs qui lui permettent de résister et de survivre. Non pour jouer une quelconque identité figée mais pour affirmer une tonique altérité hors-normes où le rythme, le chant et la danse manifestent une certaine façon d’être au monde, des valeurs éthiques et esthétiques qui fondent un être différent.
Ce dossier met ainsi l’accent sur tous les éléments culturels (religieux, quotidiens, musicaux, artistiques et créatifs) qui fondent cette capacité et qui débouchent, conjugués aux luttes économiques pour l’égalité, sur une fascinante affirmation de liberté. La capoeira signifie « le maquis » en portugais et ce n’est pas un hasard si cette danse aux formes de lutte, cette lutte aux formes de danse, connaît l’engouement qu’on lui connaît aujourd’hui.
Car nous avons tous terriblement besoin de trouver, comme le dit Sônia Uchôa, mère de Saint de Candomblé, « notre ligne de croissance intérieure ».

///Article N° : 1670

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