Espagne, bouillon d’Afrique

De Barcelone

Landry-Wilfrid Miampika
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Ces derniers mois ici, on rencontre beaucoup d’enthousiasme pour faire connaître la complexité des réalités de l’Afrique Noire. Stages de formation, ateliers, conférences, cours monographiques et expositions se multiplient… Pourtant, jusqu’à ce jour, aucune université espagnole n’offre de spécialisation en études africaines, alors que la France s’y est mise au début de années 60 suivie de la Belgique, l’Angleterre, l’Allemagne et bien sûr les Etats-Unis où il est désormais inconcevable qu’une université ne puisse disposer d’un département de  » Black Studies « .
Est-ce que l’Afrique existe ? C’était le titre d’un séminaire d’été organisé en août dernier par l’ONG « Solidarios para el desarrollo » et l’Université Complutense sous la direction de l’universitaire et journaliste José Carlos García Fajardo. Du 5 novembre 1997 au 24 juin 1998, « Solidarios… » continue avec un atelier pluridisciplinaire sur l’Afrique au Colegio Mayor Nuestra Señora de Africa.
A Barcelone se tient régulièrement une Semaine du cinéma africain organisée par l’association « l’Ull Anònim ». Les cinéastes Sembène Ousmane et Gaston Kaboré étaient les principaux invités en octobre dernier.
A l’université de Alcalá de Henares, une Association des Cultures Noires vient d’être créée pour promouvoir et diffuser les cultures africaines à Madrid. Dans l’esprit de la phrase de Levi-Strauss, « Le barbare c’est celui qui croit dans la barbarie« , elle a commencé par une séance de contes d’Afrique Noire présentée par le Congolais Ondongo Alain.
L’Université de Murcia bouge aussi puisqu’après une semaine sur les expressions artistiques de l’Afrique Noire, elle a monté en janvier la IV° Semaine de Littérature et du cinéma français et francophone que le sociologue sénégalais Babacar Sall a inauguré avec une conférence sur « Les aspects de la colonisation de l’Afrique : quarante ans après ». A cette la revue Arrecife a dédié un numéro spécial à la « poésie négro-africaine » préparée par le professeur Francisco Torres Monreal.
Mais en dehors du cercle universitaire, il suffit d’aller dans les centres culturels, collèges, lycées et bars de Madrid et dans plusieurs villes d’Espagne pour voir des veillées de contes d’Afrique noire présentées par le Groupe des conteurs du fleuve Congo. Au lycée « Hermogenes Rodriguez » de Herencia (Ciudad Real), il y eut en février une semaine « L’Afrique nous ouvre ses portes » pour sensibiliser les élèves sur les problèmes de l’Afrique contemporaine. En novembre dernier, le Lycée Antonio Machado de Alcalá de Henares avait lui aussi organisé plusieurs conférences sur « La tradition orale et la littérature africaine contemporaine« .
Les droits et devoirs des immigrés sont l’objet de conférences organisées par l’Association Coopération Afrique Francophone-Espagne (CAFE) ». Cette association fondée en 1997 se propose de favoriser une meilleure coopération entre l’Espagne et l’Afrique Noire.
L’Association espagnole des africanistes et le Colegio Mayor Nuestra Señora de Africa organisent chaque semaine un séminaire intitulé « Curso de aproximación al Africa Subsahariana del siglo XX ». Quant au Centre de documentation et information africaines (Cidaf), il organise des conférences et vidéos. Il dispose de plus de 10 000 livres sur l’Afrique.
La maison d’édition « Etnicos del bronce » vient de publier quelques titres d’auteurs africains : le congolais Emmanuel Dongala (Les feux des origines), et le nigérian Chinua Achebe (Le monde s’effondre), mais les titres des auteurs d’Afrique Noire publiés en Espagne à ce jour ne dépassent pas la trentaine ! La parution de quelques ouvrages de Ben Okri, Nurudin Farah, Gisèle Pineau, Edwige Danticat, Calixte Beyala et Véronique Tadjo est prévue pour 98.
Seules quelques institutions travaillent de manière permanente : la Chaire UNESCO des études afro-ibero-américaines de l’Université d’Alcalá et Mundo Negro (magazine, expositions, musée), mais de la plus grande institution à la plus petite association, le credo est unanime : d’une part, dépasser les images d’Epinal de misère, pauvreté et guerres véhiculées par les médias, et d’autre part, prévenir toutes velléités d’intolérance, de racisme et de xénophobie à l’égard de l’Autre et des étrangers originaires de l’Afrique Noire en particulier.

///Article N° : 331

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