« Il filme pour Yelli » : avec sa caméra, François Christophe fait le lien entre Yelli, émigré en Italie et sans papiers, ne pouvant revenir, et sa famille au Sénégal. Tout ce qui est dans cet échange où le film se fait lettre, pris en mains par ceux qui cherchent ainsi à communiquer, est magnifique : les messages sont émouvants, les timidités très physiques se révèlent, une sorte de spontanéité s’installe comme lorsqu’on s’envoie des cassettes audio à défaut d’écrire sur du papier.
Et le film serait ainsi très beau s’il n’y avait pas le reste, ces effets d’images pour transmettre une relation à un pays, ces réflexions grandiloquentes sur la différence culturelle d’un toubab en Afrique. Plus le commentaire s’étire sur fond de pêcheurs tirant leurs filets, plus une pesanteur s’installe, qui concurrence la légèreté et la spontanéité des lettres filmées. Un seul passage échappe à ce déferlement de banalités, lorsque Christophe accepte nu la thérapie d’un marabout. Seul moment où il apparaît à l’écran, il expose enfin la fragilité dont il n’arrêtait pas de parler.
Dommage, donc. Le film aurait pu s’effacer derrière son sujet. Lorsque Christophe montre à Yelli la tombe de sa mère qu’il n’a pu voir mourir, celui-ci dit : « C’est bon ». Il a vu en face la réalité de la mort, le cinéma a rempli sa fonction de messager. C’est très beau en soi et cela aurait suffit.
///Article N° : 3042