FESPACO 2003, le dialogue escamoté

Entretien de Souleyman Bilha avec Monique Mbeka-Phoba

Cotonou, le 4 mars 2003
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 » Le dialogue entre les réalisateurs et les comédiens a été escamoté.  » C’est ainsi que s’exprime la réalisatrice congolaise (RDC) résidant au Bénin, Monique MBEKA PHOBA, membre du jury du court métrage au Fespaco 2003. De retour à Cotonou, elle nous confie ses appréciations sur la grande messe du cinéma africain tenue du 22 février au 1er mars à Ouagadougou.

Que dites vous du Fespaco 2003 ?
Une édition manifestement réussie. L’équipe d’organisation a tenu à se reprendre par rapport aux deux précédentes éditions. On a connu une fabuleuse ambiance de convivialité. La programmation était faite de très beaux films, des films très abouties à l’instar de  » Heremakono « , plein d’humanité et de beaucoup de grâce. Aussi les réalisateurs ont-ils été très attentifs les uns aux autres. Il s’est produit en quelque sorte un recommencement, une sorte de renaissance du Fespaco. Toutefois, j’en garde deux bémols
Lesquels ?
Le festival à cette édition a pris l’heureuse initiative de rendre hommage aux comédiens, mais durant tout le festival ceux-ci n’ont pas été vraiment mis en exergue. Certes, il y a eu des photos affichées un peu partout sur les murs mais les réalisateurs n’ont pas été suffisamment mêlés aux débats. Le dialogue entre acteurs et réalisateurs a été une chose escamotée. Les confrontations entre eux n’ont pas eu lieu.
D’un côté, il y a par exemple la polémique sur les réalisateurs, accusés de trop souvent jeter leur dévolu sur les amateurs, au motif que ceux-ci sont moins exigeants, et qu’ils en profitent pour leur faire jouer des scènes de violence avec des situations de danger sans prendre les précautions requises. De l’autre côté, il y a la polémique sur les acteurs, accusés d’être trop exigeants au point de prendre les réalisateurs au piège. Des fois, les acteurs prennent la grosse tête. Un acteur en plein tournage peut s’ arrêter de travailler.
Et le second bémol ?
L’accent n’est jamais mis sur les questions plus économiques. On va au Fespaco sans connaître réellement qui sont les acheteurs. On connaît bien les vendeurs puisqu’il y a le catalogue du MICA (Marché International de la Télévision et du Cinéma Africain), mais le dialogue ne prend pas encore entre les réalisateurs et les milieux économiques. On a généralement de place accordée aux bailleurs de fonds comme l’Union Européenne, l’Agence de la Francophonie etc, mais ce n’est pas complet tant qu’on accorde pas une place aux investisseurs privés africains. Autrement on réduit le Fespaco à une manifestation festive.
Le secteur privé peut-il apporter une solution efficace à la distribution des films africains en salle ?
Oui. De toutes façons, c’est pratiquement la seule solution viable, même si je pense que certains lieux de culture subventionnés par l’Etat devraient inclure des salles de projection vidéo pour certains films, plus pointus. Mais, même dans la distribution privée, attirer le public vers des films africains est une question de marketing intelligent et original. Pour moi, c’est jouable.
Au sortir du Fespaco 2003, peut-on gager d’un cinéma africain véritablement compétitif ?
Il y a des films africains d’auteur, qui n’ont rien à envier aux autres. mais le cinéma populaire africain de qualité en est encore à ses débuts, malgré certains essais comme : « Les Couilles de l’éléphant » et « Madame Brouette », qu montrent la voie, mais ont encore quelques problèmes scénaristiques.

///Article N° : 2828


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