À l’heure où le nuage de cendres provenant d’un volcan islandais paralyse le système aérien international, une poignée de Burundais se prépare à démarrer la deuxième édition d’un festival de cinéma novateur au Burundi : le FESTICAB. Né de l’envie de faire découvrir le cinéma burundais et africain, ce festival de cinéma et d’audiovisuel qui se déroule du 23 au 30 avril 2010 proposera 35 films de longs-métrages, courts-métrages, documentaires et séries télévisées provenant de plus de quinze pays africains. En attendant de savoir si les jurés internationaux pourront ou non monter dans leur avion pour assister aux projections, le président du FESTICAB, Léonce Ngabo, accepte de répondre à nos questions.
Léonce Ngabo, vous êtes le premier Burundais à avoir réalisé un long-métrage de fiction » Gito l’ingrat » en 1992. Près de vingt ans plus tard, que pensez-vous de l’état du cinéma au Burundi ?
L’état du cinéma au Burundi reste précaire. Une année à peine après Gito, le Burundi est entré dans une crise sociopolitique sans précédent. Cette crise a duré plus de dix ans et aucune production n’était possible à cause de l’insécurité. Moi-même j’ai dû m’exiler au Canada en 1995, alors que je préparais la production de mon deuxième projet de long-métrage. Actuellement, la production cinématographique et audiovisuelle burundaise est très faible. Hormis quelques productions audiovisuelles de réalisateurs de la Radio Télévision Nationale du Burundi, on voit naître par-ci par-là des petites boîtes de production qui évoluent plus dans les publicités et les films de commande que dans la production de créativité. En fait, la plupart sont encore dans la production de survie. C’est avec la naissance du Festival que certains réalisateurs commencent à être sensibilisés à une création authentique.
Vous avez collaboré à plusieurs grands festivals internationaux tels que » Vues d’Afrique « , le » Festival International de cultures africaines » ainsi que les » Transarts africains au Canada « . Que souhaitez-vous impulser au Burundi avec le FESTICAB ?
Dès 2006, j’ai décidé de rentrer au pays. Dès lors, nous avons d’abord créé une compagnie privée de production cinématographique et audiovisuelle Productions Grands Lacs, puis une association burundaise des créateurs d’images et du son (ABCIS) pour l’encadrement et la promotion de nos réalisateurs. C’est avec cette association que nous avons lancé en 2009 le Festival International du Cinéma et de l’Audiovisuel du Burundi (FESTICAB) qui montrera à chaque édition les dernières réalisations de cinéastes burundais ainsi que des uvres africaines.
Le FESTICAB démarre sa deuxième édition. Parlez-nous de votre ligne éditoriale.
Le FESTICAB 2010 s’ouvre à l’international. Nous sommes heureux d’avoir pour marraine la célèbre comédienne Fatou Ndiaye et comme parrain le grand frère Gaston Kaboré. De plus, le jury sera composé de professionnels du cinéma et des partenaires de festivals internationaux tels que le FESPACO, le FIF d’Amiens, le FIFA de Mons, le KIFF du Kenya
La sélection a-t-elle été difficile ?
La sélection a été difficile car nous avions reçu plus de 100 films, de très bons films en provenance de plus de quinze pays d’Afrique, de production et de coproduction africaine. La sélection finale met en compétition 35 films dont 10 longs-métrages, 10 courts-métrages, 10 documentaires et 5 séries télévisées dont 4 films burundais.
Le festival est-il ouvert à tous les supports cinématographiques (pellicule et vidéo) ?
Oui, malheureusement, l’état actuel de nos salles et la vétusté technologique de leurs équipements ne nous permettent pas de projeter en 35 mm cette année.
C’est-à-dire ?
Actuellement, il n’y a qu’une seule salle privée commerciale, le Ciné Caméo, à Bujumbura. Là encore, à cause de la guerre qui a provoqué une insécurité dans tout le pays, à cause encore de l’apparition des vidéothèques, l’achalandage au Ciné Caméo laisse à désirer. Nous sommes en train d’analyser ensemble avec les propriétaires du Ciné Caméo comment nous pourrions faire renaître le cinéma avec une programmation ciblée.
Quel est l’état de la cinéphilie ?
La cinéphilie est potentielle. La preuve est l’achalandage dans des salles spéciales telles que le Centre Culturel Français et le Centre Jeunes Kamenge qui sont plus populaires et culturelles que commerciales.
Combien de personnes participent à l’organisation du festival ?
Pour la deuxième édition, nous avons une équipe de près de 20 personnes incluant 4 permanents, 2 stagiaires et 6 bénévoles, et trois unités de la coopération française en renforcement à notre équipe.
Quelles personnalités participeront aux festivités ?
Même si le volcan islandais ajoute du stress à notre tension, nous attendons cette année : Fatou Ndiaye (marraine du festival), Balufu Bakupa-Kanyinda (réalisateur congolais), Clément Tapsoba (critique de cinéma et représentant du FESPACO), Clarence Delgado (réalisateur sénégalais), André Ceuterick (président du Festival International du Film d’Amour de Mons), Jérôme Stoquart et Hugues Vanhoutttes (cadres du Festival International du Film d’Amour de Mons), Charles Asiba (Président du Festival international du film du Kenya), Pascal Judelewicz (réalisateur français) et Yves Jézékel (représentant du Festival international du film d’Amiens).
Quels sont vos principaux sponsors ?
Nous recevons le soutien du Gouvernement du Burundi, de la Coopération française, de l’Hôtel Club du Lac Tanganyika, de la Banque Commerciale du Burundi, de la Banque de Crédit de Bujumbura, du Groupe Ladak, de la Régie Nationale des Postes et de la Société d’assurance du Burundi (SOCABU).
Qui seront les membres du Jury International ?
Pour le jury long métrage et court-métrage, nous attendons : Balufu Bakupa-Kanyinda (Président),
Clarence Delgado, André Ceuterick, Chantal Gatore et Yves Jézékel. Pour le jury documentaire et les séries télévisées, nous avons convié : Clément Tapsoba (Président), Charles Asiba, Justine Bitagoye, Pascal Judelewicz et Roselyne Drapeau.
En 2010, quels sont les enjeux de festivals comme le FESTICAB sur le continent africain ?
Avant tout, la mobilisation des publics et des décideurs politiques locaux pour s’engager à soutenir et à promouvoir le 7ème art dans une région où le cinéma est encore embryonnaire. Il s’agit aussi du renforcement des capacités et de développer une industrie cinématographique burundaise dans le cadre de la nouvelle entité politique et économique régionale la communauté East-Africaine (East African Community).
Avez-vous développé des partenariats avec d’autres festivals de cinéma ?
Oui, avec le Festival Panafricain du Cinéma et de l’Audiovisuel de Ouagadougou (FESPACO), le Festival International du Film d’Amour (FIFA) de Mons, le Festival International du Film (FIF) d’Amiens et le Festival International du Film du Kenya (KIFF)
Qu’attendez-vous de cette deuxième édition ?
Nous espérons un accroissement remarquable des publics : 20.000 personnes contre 3.000 en 2009 ainsi qu’une participation massive de nos jeunes talents aux différents ateliers. Par ailleurs, nous souhaitons boucler le budget, qui a triplé à cause de l’ouverture à l’international, sans déficit et sensibiliser de façon accrue les différents partenaires et bailleurs potentiels pour un engagement à soutenir la 3ème édition de notre festival.
Avril 2010///Article N° : 9435