« J’ai fait de ces lignes une partie de moi »

Entretien d'André Désiré Loutsono avec Guy Stan Matingou, comédien

Brazzaville, 30 octobre 2001
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Guy Stan Matingou incarne à la fois la qualité et le renouveau du théâtre congolais. D’où l’intérêt de son itinéraire.

Quel a été votre itinéraire professionnel ?
Des plus simples. Comédien indépendant, c’est à 22 ans, vers la fin 1988, que j’ai fait mon entrée au Théâtre national congolais où je suis resté jusqu’au début 1994. Par l’intime grâce du Seigneur, j’ai bénéficié d’une bourse de stage du gouvernement français auprès de Guy Lenoir, directeur de l’association Migrations culturelles Aquitaine de Bordeaux. Et puis j’ai continué. Ensuite, ce fut la guerre. Après deux ans et demi d’absence, pour des raisons « spirituelles », j’ai repris en septembre 1999 le chemin des salles.
Avec quels acteurs aimeriez-vous jouer ?
Ce serait mal pris de faire un choix. J’ai l’immense bonheur d’avoir eu le privilège de jouer quelques années avec ceux que je considère comme les monstres du théâtre congolais, les pionniers de cet art chez nous, notamment ceux du Théâtre national : Pascal Nzonzi, que j’ai toujours pris pour modèle et avec qui j’ai partagé les planches en 1996 en France dans la cour d’honneur du Palais des Papes (Avignon) dans « La tragédie du Roi Christophe », mise en scène par Jacques Nichet ; Matondo Kubu Turé dans « Toussaint Louverture » de Jacqueline Leloup. Mais j’ai un dernier rêve au théâtre, ne serait-ce que pour combler un vide intérieur, celui de partager une heure ou deux la scène avec Marius Yelolo. Et peut-être après, je pourrais dire : « ça y est, j’ai eu ma couronne de vie ». J’en rêve follement.
Le théâtre vous permet-il de vivre ?
Je ne gagne peut-être pas bien ma vie mais le théâtre procure des bonheurs ineffables qu’on ne trouve nulle part ailleurs. De ce point de vue, je suis heureux de mon métier, le seul bonheur que j’ai au monde après celui d’exister.
Comment êtes-vous arrivé à La Cérémonie ?
Sans doute par la grâce de Dieu ! Deux ans après, je voulais suivre mon chemin « spirituel ». Car comme Paul, je venais de croiser Christ sur mon chemin de Damas. Mais c’était sans compter avec la volonté tenace de Matondo Kubu Turé et Nicolas Bissi qui venaient me voir pour me rappeler que j’étais fait pour le théâtre. Ils avaient peur que je tombe dans l’obscurantisme comme certains. Puis, un jour, Bissi est venu chez moi pour me dire : « Tiens, c’est toi seul que je trouve capable de porter ce texte. Acceptes-tu ? » J’ai dit oui. C’était peut-être le moment de Dieu pour couper court avec les rumeurs qui circulaient sur mon compte.
Parmi les pièces que vous avez jouées quelle est celle qui vous a le plus marqué ?
Pour être franc, le nombre de pièces m’importe peu. En tout cas jusqu’ici, je n’ai encore rien fait au théâtre et pour le théâtre. Je ne suis encore qu’aux balbutiements. En tournée en France en 1989 avec le Théâtre National lors de la commémoration du bicentenaire de la Révolution française avec sur la tête une décoration d’Officier d’Honneur de la ville de Pontarlier, je me disais que c’était le plus beau cadeau de ma jeunesse. J’avais 23 ans. Le spectacle était grandiose. D’ailleurs nous l’avons joué devant le président de la République, et lui serrer la main à la fin c’était une reconnaissance pour moi. Imaginez ma joie. Puis, est venue la mythique cour des grands du Palais des Papes d’Avignon. Ça laisse des traces ineffaçables au cœur, des images qui vous poursuivent à tue tête. Il y a eu aussi « Roméo et Juliette » de Sony avec le B.B.K.B. en 1990 ; autant de pièces qui me laissent pantois. Vous voyez, je ne réponds pas à la question. Elle est difficile. J’ai eu tellement de bonheur jusqu’ici. Pas en argent, en satisfaction ! C’est le genre de bonheur que seul un artiste peut ressentir, car pour les autres, c’est une folie. Mais il y a des textes de Henri Lopes, « Monsieur le député », et « La Cérémonie » de Dongala qui, je pense m’ont insufflé une joie inexplicable, parce que, tout simplement, j’ai fait de ces lignes une partie de moi.

Lire dans Africultures 38 la critique de « La Cérémonie » et un entretien avec Nicolas Bissi qui l’a mise en scène (p.21 et 31, ndlr). ///Article N° : 2120

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