Réalisé avec le soutien de l’Année 2003 de l’Algérie, ce film a un programme, énoncé à la fin : « Comment vivez-vous ici ? » La réponse est : « en vérité
». C’est à la fois tout son intérêt et sa limite. L’arrivée de la belle Yasmina dans cette maison de la Casbah algéroise où le voisinage en étages autour du patio intérieur ôte toute intimité aux différentes familles qui y vivent va bouleverser l’ordre établi. Elle déclenche désir, jalousies, querelles féminines et c’est bien autour ces femmes au bord de la crise de nerfs que s’argumente tout le film. Une fois encore, c’est la condition féminine qui analyse la société. Les querelles ne font qu’expurger l’immense frustration que vit chacune dans son foyer. Lorsqu’Allal demande à Wazila : « Tu m’aimes un peu ? », elle lui répond : « Je suis obligée de t’aimer : tu es mon mari ! » Lorsque la femme du fils de la propriétaire s’insurge contre sa situation d’esclave, son mari lui lance : « Je t’ai épousée pour servir ma mère ». Chacune aura son moment d’hystérie où se dit ce qui se vivait en silence : « Toute la violence de l’extérieur, tu la déverses sur moi ».
Car l’Algérie de l’extérieur, que nous ne verrons que dans de doux panoramiques sur les toits de la casbah, est là par la télévision, par ce qui se dit et se souffre, par la désespérance. Ce film est là pour rappeler que la violence en cours s’exerce au quotidien envers les femmes : « Dans ce pays, il faut crever avec son mal et prier Dieu de ne pas se plaindre », dira l’une d’entre elles. Et dans les belles lumières du patio, au rythme de la vie forcément collective, nous entrons dans chaque foyer pour un accablant constat.
Tout cela aurait pu être touchant et convaincant. Cela ne l’est que peu. Sans doute parce que tout est dit plutôt que suggéré, souvent dans des crises d’hystérie sans que nous n’ayons pu partager la montée de la tension, tant la volonté de dessiner un paysage en alignant les scènes finit par donner une impression de décousu. Sans doute aussi parce que le personnage central de Yamina qui aurait pu donner un fil conducteur à cette peinture sociale est insuffisamment exploité et son drame intérieur maladroitement amené. La déstabilisation qu’elle provoque ne conduira qu’à de pâles révoltes mais peut-être est-ce aussi là l’état de l’Algérie aujourd’hui. Ces femmes hautes en couleurs de ce petit patio de la casbah semblent nous dire que derrière toutes ces têtes apparemment normales quand on les croise dans la rue se cachent tant de misères affectives que toute cette violence rentrée ne peut que finir par exploser sous d’autres formes.
35 mm, coul. 100 min. Images: Allal Yahiaoui, avec : Linda Yasmine, Aïda Guechoud, Rania, Fatiha Soltane, Naida Kherbache, Amal Bourguera, Samia Benzaï. Contact : Agence artistique et audiovisuelle, Alger (213 21 74 16 60).///Article N° : 2681