Sylvie Chalaye connaît bien l’univers théâtral des jeunes dramaturges africains qu’elle sonde savamment sous tous les aspects artistiques, formels et thématiques qu’ils soient.
Le volume se compose de quatre parties dont la première ouvre sur ceux qu’elle se plait à appeler les « enfants terribles ». Cela reste justifié par le fait que les dramaturges de nos jours doivent nécessairement se plier à une descente aux enfers qui leur permette de se libérer de toute contrainte héritée de l’histoire du continent africain. Ils voudraient projeter leur production dramatique vers une dimension future et non plus se tourner vers un passé achevé. L’urgence du présent les pousse à remettre tout en question et à renverser les mythes et les rites d’antan pour que s’accomplisse une recherche d’identité authentique et solide. Ce théâtre d’exilés et de sans patrie s’interroge et interroge, implique directement le spectateur qui peut choisir à sa guise de se laisser impliquer dans le jeu. La cible est celle d’attribuer une signification politique en prise directe sur l’actualité et de rester fermement ancré dans la contemporanéité.
Sylvie Chalaye connaît à fond la dramaturgie dont elle parle grâce à une infatigable recherche de dialogue et de contact personnel avec tous ces gens de théâtre. Caya Makhélé, Koulsy Lamko, Elie Liazéré, José Pliya, Mercédès Fouda, Ousmane Aledji, Kossi Efoui et Koffi Kwahulé sont interviewés dans la deuxième section et une note bio-bibliographique complète le cadre. Les questions portent principalement sur les raisons et les modalités de leur art, l’engagement de l’écrivain, la recherche de l’intellectuel, la curiosité de l’homme et l’on remarque surtout le résultat obtenu : un kaléïdoscope alchimique grandiose pour sa projection vers une quête perpétuelle profondément humaniste.
Le troisième volet ou Les réalités du théâtre africain nous offre un panorama complet de tous les festivals organisés dans les pays africains francophones ou en France même. Ces rendez-vous variés sont l’occasion pour monter et montrer bien des spectacles, pour échanger des expériences créatives, pour s’impliquer dans de nouveaux projets grâce à de précieuses alliances.
Quelques spectacles pour mémoire conclut ce volumineux tome en concentrant l’attention de tout lecteur sur certaines créations parmi les plus récentes, avec les interviews des metteurs en scène. L’analyse de Fama, pièce de l’Ivoirien Koffi Kwahulé d’après les romans d’Ahmadou Kourouma est un très bon exemple pour toucher à ce que ces dramaturges savent faire : elle donne voix non seulement à l’auteur et au scénographe, mais aussi au texte lui-même en passant par les multiples phases de production et de réalisation.
Sylvie Chalaye nous transmet ici tout le goût de sa recherche passionnante, polyédrique et multicolore, en nous laissant bien espérer dans un futur riche en surprises. S’il est vrai que ce nouveau théâtre n’est qu’à ses débuts, il faudra pourtant résoudre cette question d’un espace « de l’absence, du manque, de l’entre-deux » (p. 29), question qui hante désormais l’humanité tout entière.
L’Afrique Noire et son théâtre au tournant du XXe siècle, de Sylvie Chalaye, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2001, 230 p. 18 ///Article N° : 2406