Les films vidéo se multiplient à Madagascar mais peinent encore à se faire connaître à l’étranger et seront absents du prochain FESPACO. Si bien que sur l’Ile Rouge, producteurs et réalisateurs s’organisent pour gommer l’image d’amateurisme qui colle à leurs uvres.
Depuis sa création en 1969, bien rare ont été les films de la Grande Ile a être accueillis par le Festival Panafricain de Cinéma de Ouagadougou. Le premier était en 1973 et Benoît Ramampy raflait le Prix du meilleur court métrage avec L’Accident. Distinction ensuite renouvelée à l’occasion du Festival de Dinard qui couronna également la même année Ignace Solo Randrasana et son premier long métrage Very Remby (le Retour). Mais c’est incontestablement Raymond Rajaonarivelo qui est le réalisateur malgache le plus titré dans les festivals étrangers. Son premier long métrage, Tabataba, a été sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs du Festival de Cannes en 1988, Prix du Jury au Festival de Taormina en Italie en 1989 et a aussi reçu le Prix de la Première Oeuvre au Festival de Carthage la même année. Son second long métrage a aussi connu le succès puisqu’il s’est vu attribuer le Grand Prix du Festival d’Istanbul en 1998. Enfin, son dernier film, Mahaleo, un documentaire co-réalisé avec César Paes en 2005, a fait le tour du monde et a reçu de nombreuses distinctions, notamment à l’occasion du cinquième Festival International du Film Insulaire de l’Ile de Groix dont l’édition 2006 était consacrée à Madagascar. En 2000, Laza, avait, quant à lui, été récompensé au Festival des Jeunes Talents de Genève pour son court métrage de fin d’études, Même instant de vie.
Plus récemment, lors du quatrième Festival du Film d’Afrique et des Iles qui s’est déroulé à l’Ile de la Réunion en octobre 2006, Alain Rakotoarisoa a reçu le Prix du Meilleur Film de Jeunesse pour son documentaire Saphira. Ce réalisateur avait auparavant été invité au Festival du court métrage de Saint Benoît et avait décroché le second Prix aux Premières Rencontres du Film Court d’Antananarivo en avril 2006. Le premier lauréat de ces Rencontres, Jiva Eric Razafindralambo, était d’ailleurs sur le marché du film vidéo avec Les Ames du clocher lors du dernier Festival du Court Métrage de Clermont Ferrand.
Quelques films issus de l’Ile Rouge arrivent donc à se faire un nom à l’étranger. Ces cas sont encore exceptionnels car la place qu’occupent les productions malgaches dans le marché cinématographique mondial est minime. Une simple comparaison suffit à s’en convaincre. La cinématographie malgache totalise, depuis ses débuts en 1937 jusqu’à aujourd’hui, environ deux cents films de fiction, chiffre qui correspond à un an de production en France tandis que trois fois plus de films sont réalisés chaque année aux Etats-Unis.
La vidéo, apparue au début des années quatre-vingt, a pourtant relancé le cinéma à Madagascar. En effet, tourner et monter un long métrage ne nécessite plus un long apprentissage ni des moyens financiers importants. Un peu d’imagination et de savoir-faire en informatique suffisent pour réaliser un film. Ainsi, Henri Randrianierenana confie qu’il s’est formé sur le tas, de même que Volatiana Rasolonjatovo. D’autres ont suivi une formation cinématographique par correspondance comme Florentin Randrianasoavina. Ils ne sont qu’une dizaine sur la petite centaine de réalisateurs malgaches à avoir suivi une formation professionnelle en cinéma mais ils sont nombreux à réclamer la création d’une école sur place.
La demande croissante en nouveaux films incite les réalisateurs à produire plus et plus vite, parfois au détriment de la qualité. Alors qu’il a fallu six ans à Raymond Rajaonarivelo pour réaliser Tabataba et sept ans pour son second long métrage, quelques mois suffisent actuellement pour sortir une vidéo de quatre-vingt-dix minutes.
Majoritairement réalisés dans la capitale, les films sont produits rapidement car ils nécessitent un budget restreint. Il faut en moyenne quatorze millions d’Ariary (environ 5 600 euros) pour réaliser un film vidéo malgache aujourd’hui. L’un des records a été atteint en 2006 par Zaza mainty (Petite fille noire) de Florentin Randrianasoavina, produit par Kambana Production, qui a nécessité quarante millions d’Ariary (16 000 euros). Cette augmentation des coûts de production s’explique en partie par le changement officiel de la monnaie qui a entraîné une forte inflation. Au départ subventionnées par des organismes étrangers, les réalisations sont aujourd’hui principalement financées par des sociétés locales ou des groupes religieux.
A l’origine de la relance de la cinématographie malgache au début des années 2000, les sociétés de vidéo films se sont multipliées à Madagascar car produire un long métrage devient rentable grâce à sa distribution en VCD, et ce, malgré le problème du piratage. Il s’en vend en moyenne entre 10 00 et 20 000 par film, au prix unitaire de 5 000 Ariary (2 euros). Cela reste bien peu au regard des dix-sept millions d’habitants que compte Madagascar. La plupart des maisons de productions ont cependant un objectif commercial avoué, en général au détriment de la qualité artistique des uvres.
Pourtant, certaines d’entre elles misent sur le professionnalisme. Dans cette catégorie, on trouve des films comme Lisaka d’Avoko, sorti en 2006. En effet, la maison de production que ce cinéaste dirige est devenue, en l’espace de quelques années, une véritable entreprise qui nourrit près d’une centaine de familles en leur donnant du travail. Les scénarios sont parfois achetés auprès d’écrivains, puis réalisés avec du matériel semi-professionnel. Avoko Productions possède ainsi un rail de travelling, cinq caméras, cinq tables de montage, un studio de postsynchronisation et du matériel de gravage pour la commercialisation des films en VCD. Cette société est par ailleurs aujourd’hui l’une des maisons de production les plus importantes de Madagascar en terme de chiffres d’affaires.
Dans un genre complètement différent, Ala Voaly 3 est le dernier volet d’une série de films de fiction à caractère évangélique produit en 2005 par « Média au Service de l’Evangile ». Fondé à Madagascar en 1992, cet organisme a pour mission de diffuser la parole biblique par le biais de différents relais que sont les films, les dessins animés, le théâtre ou la danse. Ses membres ont suivi une formation accélérée aux techniques cinématographiques. Avec un budget moyen d’environ 14 millions d’Ariary (5 600 euros), ses productions sont créées avec une grande rigueur même si elles ne sont jamais rentabilisées car elles sont diffusées uniquement et gratuitement dans les églises. Les films sont élaborés à partir d’un storyboard, où chaque plan est étudié puis dessiné et enfin répété, une façon de faire qui est encore très rare dans ce pays.
De même, d’une façon générale, les acteurs sont recrutés de plus en plus sur castings et de moins en moins parce qu’ils sont le frère ou la femme du réalisateur. Le salaire est fixé par contrat mais les acteurs ne perçoivent rien sur les recettes du film. Un rôle principal dans un long métrage gagne entre 60 000 et 300 000 Ariary (24 à 120 euros) selon les maisons de production.
Les genres qui ont le vent en poupe en ce moment à Madagascar sont des comédies et des films dramatico-sentimentaux. Ainsi, Volomborona (Plume d’oiseau), produit par Scoop Digital, relate les péripéties d’un jeune homme, poursuivi par des gangsters, qui trouve refuge dans un monastère. D’une durée de 90 minutes, cette fiction est sortie en salle dans la capitale en octobre 2006 et la version VCD a atteint un record de vente avec près de 23 000 exemplaires écoulés. Rimorimo réalisé par Berty Ramiandrisoa est pour sa part le dernier né de Raoelina Production, et évoque, pendant une heure quarante, le mal être d’un jeune homme. Plusieurs longs métrages vidéo prennent aussi pour thème l’amour contrarié, comme Lisaka d’Avoko ou Noely vao de Noel Rajo Ratsimandresy en 2006.
Enfin, le roman Vakivakim-piainana a également été adapté à l’écran dans un film de deux heures qui a conservé ce titre et dont le propos reste fidèle à l’ouvrage. Il s’agit de la vie d’un jeune de Tana qui a fait des études mais qui ne trouve pas de travail. Il devient l’homme à tout faire d’un commerçant malhonnête qui le fait arrêter à sa place. Ce film a été réalisé par Mandatiana Raveloarison dit Mandza et produit par Cinémédia en collaboration avec le ministère de l’Education nationale malgache pour un budget de neuf millions d’ariary (3 600 euros). Destiné aux étudiants, car l’ouvrage est au programme des classes de terminale, ce film a été projeté au cinéma Ritz d’Antananarivo le mercredi 27 décembre 2006, ce qui est exceptionnel car les séances de cinéma ont habituellement lieu les fins de semaine.
En tout, une quarantaine de fictions vidéo ont été produites à Madagascar en 2006, sans compter les courts métrages. Dernièrement, du 22 au 27 janvier, une semaine du cinéma documentaire s’est tenue dans la capitale malgache sous l’égide de l’association Iris qui entend par ailleurs encourager la création cinématographique dans l’Ile en renouvelant l’expérience des Rencontres du Film Court, en mai prochain.
Il reste encore beaucoup à faire, mais à la vue du nombre croissant de films réalisés, le cinéma malgache, qui fête cette année ses soixante-dix ans, semble ne jamais s’être aussi bien porté. Sans miser à l’avenir sur la qualité plutôt que sur la quantité, il lui sera cependant difficile de trouver sa place dans les festivals internationaux et donc de se faire connaître à l’étranger.
///Article N° : 5775