Après sept années d’absence, le Marché des arts du spectacle africain (Masa) a repris ses quartiers à Abidjan pour une 8e édition aux résultats mitigés.
Le Marché des arts du spectacle africain, communément désigné sous son acronyme Masa, s’est ouvert pour la 1ère fois en 1993 sous l’égide de l’Agence de coopération culturelle et technique (ACCT), prédécesseur de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF). Porté à bras le corps par le président ivoirien de l’époque, Félix Houphouët-Boigny, ce rendez-vous dont le but premier est de permettre aux acteurs du monde du spectacle de se rencontrer, est vite devenu incontournable. À vocation itinérante à ses débuts, l’événement est finalement resté en Côte d’Ivoire à la suite d’un accord de siège obtenu par le Masa auprès de la Francophonie Suite à la crise qui a secoué le pays ces dernières années, cependant, plusieurs de ses éditions avaient du être annulées.
Aujourd’hui, cette exhumation du Masa découle véritablement d’une volonté politique. De prestigieux invités ont ainsi effectué le déplacement à l’occasion de l’ouverture de cette 8e édition, le samedi 1er mars dernier, au stade Félix Houphouët-Boigny. C’est le cas, par exemple, d’Abdou Diouf, l’ex-président de la République du Sénégal et l’actuel chef de l’OIF, et de Youssou Ndour, la star mondiale de la chanson. « La jeunesse a besoin de ce genre d’événement », a déclaré le Ministre ivoirien de la culture et de la francophonie, Maurice Kouakou Bandaman, devant les quelques 15 000 jeunes présents lors de cette cérémonie. Ces derniers se trouvaient là pour profiter de la programmation alléchante du concert organisé un peu plus tard, dont les têtes d’affiches n’étaient autres que les frères nigérians du groupe P-Square, le chanteur Salif Keïta ou encore les Magic System. Le directeur général de cette présente édition, le Pr. Yacouba Fofana Konaté, s’est quant à lui félicité de l’évolution de l’événement. Selon lui, « les choses ont évolué. Avant, c’était surtout les journalistes européens qui étaient présents pour la couverture. Aujourd’hui, 80% des journalistes sur place sont des Africains. De plus, la Côte d’Ivoire et ses partenaires financent à 80% le MASA. Les 20% restant sont financés, eux, par la Francophonie ». S’il est vrai que ladite organisation, par le passé, finançait à 60% l’événement, force est de constater que cette nouvelle budgétisation, plus localisée, souffre certaines faiblesses qui ne sont pas à la hauteur de l’image, rayonnante, que ce marché aux talents eut jadis en Afrique. Des coupures de courant, des gros retards et l’annulation de certains spectacles à la dernière minute (ou l’absence de promotion pour d’autres) ont contribué à mettre du plomb dans l’aile du Masa : « On est même pas au courant de la programmation dans les différents lieux. Ce que je sais des évènements à venir, je l’ai appris par le bouche-à-oreille », affirme un festivalier. Une centaine de diffuseurs étaient attendus pour cet évènement mais il reste difficile de savoir combien ont réellement fait le déplacement. Or c’est bel et bien l’enjeu du Masa : provoquer la rencontre entre les artistes africains et les diffuseurs potentiels et ainsi permettre la circulation des uvres et la vente de spectacle. Rien ne permet d’assurer pour le moment que ce pari a pu être relevé lors de cette renaissance du Masa.
À qui a donc profité l’évènement ? Les premiers jours, le public est venu très peu nombreux malgré la gratuité de la quasi totalité des spectacles : « Nous ne voulions pas remplir le stade, dont la capacité n’est que de 60 000 personnes, car la pelouse allait en pâtir. De plus, nombre sont les familles qui ne sont pas prêtes à laisser leur enfant s’y rendre, car n’oublions pas qu’un grand malheur s’était abattu sur ce terrain il y a un an. Ainsi seulement 20 000 billets avaient été émis pour la soirée d’ouverture », précise, à ce propos, le professeur Konaté. Si, pour lui, le public ne semble pas être le premier bénéficiaire, Youma Fall, à la tête de la direction de la diversité et du développement culturels à l’OIF, ne partage pas ce point de vue : « le Masa peut permettre à la Côte d’Ivoire d’avoir des retombées économiques car les festivaliers vont dépenser sur place. C’est aussi et surtout une formidable plateforme pour les artistes, qui vont se rencontrer ici alors qu’ils n’auraient pas pu le faire ailleurs de façon aussi rapide. Enfin c’est une vitrine exceptionnelle pour la Côte d’Ivoire, au même titre que la Biennale de Dakar et du Fespaco qui rappelons le est l’un des pays les plus pauvres au monde mais bien connu de tous grâce à son festival de cinéma », confie-t-elle.
Effectivement, des groupes ont agréablement surpris le public par leur prestation. C’est le cas de la troupe de danse Les Tambours du Burundi, qui a séduit à l’unanimité par ses chorégraphies gracieuses et originales. Le rappeur congolais Lexxus, dont les textes coups de poing ont réveillé la foule, ou encore la formation Addis Acousitic Project, à travers sa musique fine et entraînante, a su dompter le public. Enfin, la comédie musicale Paroles de femmes, de Souleymane Koly, a aussi fait partie des grands succès de cette programmation. L’ensemble Koteba, troupe dudit guinéen, fêtait d’ailleurs ses 40 ans ce mois ci et était ainsi venu célébrer cet anniversaire en Côte d’Ivoire. La représentation a connu un succès populaire, car s’adressant à toutes les ethnies avec des chants dans les différentes langues de la sous-région, en plus de jouir d’une mise en scène réaliste, simple et efficace.
Si elle n’a pas intéressé les Ivoiriens au départ, cette 8e édition du Masa, au fil des jours, a su être un événement populaire avec un public venant de plus en plus nombreux pour assister aux spectacles programmés. Reste à savoir si la prochaine édition saura répondre aux attentes de tous, festivaliers et… professionnels.
///Article N° : 12119