Les médias au Congo : un « pluralisme quantitatif »

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74 chaînes de télévision, 200 titres de presse déclarés, 160 stations de radio réparties sur l’ensemble du territoire : pas facile de se repérer au sein du foisonnant paysage médiatique congolais. Marie-Soleil Frère poursuit ici le tour d’horizon des médias en République démocratique du Congo.

On dénombre, en République démocratique du Congo, plus de deux cents titres de presse déclarés au ministère de l’Information et Presse. Les journaux à parution régulière sont concentrés essentiellement dans la ville de Kinshasa. Leur tirage est réduit (de quelques centaines à 3.000 exemplaires) et leurs contenus sont fortement politisés. Ils se partagent globalement en trois catégories. D’une part, des titres ouvertement « pro-Kabila », appartenant en général à des députés proches de la famille politique du président de la République : L’Avenir (de Pius Muabilu Mbayu), Uhuru (de Colette Tshomba), Le Soft International (de Tryphon Kin Kiey Mulumba), Le Palmarès (de Michel Ladi Luya).
D’autre part, la « presse rouge », proche de l’opposition UDPS (l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social, le vieux parti d’opposition historique d’Etienne Tsghisekedi), très critique vis-à-vis du récent processus électoral et de la communauté internationale, comme Le Phare (de Polydor Muboyayi Mubanga) et La Tempête des Tropiques (d’Alexis Mutanda).
Enfin, une troisième catégorie de titres se montrent favorables au pouvoir en place, mais manifestent un réel effort d’ouverture aux autres tendances : L’Observateur (de Makenda Voka), Le Potentiel (de Modeste Mutinga), Le Forum des As (de José Nawej), La Prospérité (de Marcel Ngoyi). Le Journal du Citoyen, supplément hebdomadaire d’1informations électorales et citoyennes, créé en septembre 2005, encarté dans les principaux titres de la capitale et diffusé en province sous forme de photocopies, constitue l’unique support écrit d’ampleur nationale. Avec un tirage de plus de 15.000 exemplaires, ce journal de quatre pages édité par la Ham avec l’appui de bailleurs de fonds atteint plus de 35 localités sur l’ensemble du territoire. Initiative ponctuelle et éphémère, il constitue la preuve que, lorsque l’on surmonte les problèmes logistiques de la diffusion, il existe un réel public pour la presse écrite au Congo démocratique. Une quinzaine d’hebdomadaires, à très faibles tirages, complètent cet éventail, paraissant à Kinshasa (Le révélateur, Numérica, Demain le Congo…) ou en province.
Des médias marqués par la faiblesse de leurs ressources humaines et financières
Au plan radiophonique, il existe plus de 160 stations réparties sur l’ensemble du territoire. Deux stations seulement offrent une couverture d’envergure nationale : la RTNC (Radio télévision nationale congolaise) et Radio Okapi, radio internationale « humanitaire », sous l’autorité de la MONUC, gérée par la Fondation Hirondelle, avec la vocation affirmée de renforcer la paix. Etant donné les difficultés de retransmission de la RTNC dans de nombreuses provinces, Radio Okapi est, de fait, la seule station qui soit relayée pratiquement sur l’ensemble du territoire, soit par le biais d’une de ses propres antennes provinciales, soit en décrochage sur une station locale.
Quelques radios privées commerciales sont également présentes en province : Radio Liberté, de Jean-Pierre Bemba et Digital Congo FM, proche de la famille Kabila. À Kinshasa et dans les différentes villes où elles sont implantées, elles côtoient des radios privées locales émettant en FM, des radios communautaires, des radios confessionnelles et quelques radios internationales (RFI, Africa n°1 et BBC).
Les principales radios privées commerciales sont couplées avec des stations de télévision : Mirador FM, Radio Télévision du Groupe l’Avenir, Raga FM, Digital Congo FM, Radio Télévision Armée de l’Eternel, Radio Télévision Puissance, Congo Web FM, Radio Télévision Message de Vie, Radio Sept… Quelques stations seulement n’ont pas (encore) de jumelle télévisée : Top Congo, Radio Elikya, Radio Sango Malamu….
En province, les plus nombreuses sont les radios communautaires qui tentent de se mettre au service de la population locale en dépit de moyens matériels, techniques et humains souvent insuffisants : Radio Maendeleo et Radio Maria à Bukavu, Radio Mwangaza et Radio Amani à Kisangani, Radio Communautaire du Katanga à Lubumbashi, Radio Fraternité Buena Muntu à Mbuji Mayi…. Ces quelques radios communautaires plus expérimentées n’hésitent pas à accompagner et soutenir de plus petites stations situées parfois dans des localités reculées.
Ces médias, caractérisés, dans l’ensemble, par la faiblesse de leurs ressources humaines et financières, se déploient dans un contexte largement défavorable marqué par l’anéantissement ou « l’informalisation » des économies locales (peu propice à la constitution d’un marché publicitaire) ; la faiblesse du cadre légal et réglementaire ; un contexte politique très tendu où la paix est encore fragile ; et de multiples atteintes à la liberté de la presse perpétrées par diverses forces en présence dans un climat général d’impunité.
Les journalistes sont en outre insuffisamment formés dans un pays où, même s’il existe une diversité de structures de formation au journalisme, l’ensemble du secteur de l’éducation traverse une crise profonde. La pratique professionnelle est dès lors le lieu d’une série de pratiques peu respectueuses de la déontologie (dénommées « coupage », « transport »…), dans un contexte où pratiquer le journalisme constitue un défi quotidien de grande ampleur.

///Article N° : 7097


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