Le zèbre, c’est José, à qui Benoît Poelvoorde donne toute son ampleur : un dénicheur de jeunes talents africains pour les clubs de foot européens. On retrouve là le thème grave de Black Diamond, l’or des fous, l’excellent documentaire de Pascale Lamche qui en 2010 mettait l’accent sur les trafics des écoles spécialisées et de ces revendeurs passeurs. Mais ce n’est pas vraiment le sujet du film de Benoît Mariage : ce sont plutôt les rayures, celles que perd José quand ses poulains ne se révèlent pas les stars qu’il croit vendre, et celles qu’il perd aussi dans la mésaventure de sa vie, déconsidéré face à son fils et méprisé par la prostituée qu’il retrouve à chaque virée en Côte d’Ivoire.
Parce que José est la caricature plus vraie que nature de ces Blancs qui se sentent chez eux en Afrique noire, condescendants et jouant des gros muscles que leur autorisent les billets qu’ils font miroiter. Son personnage tragi-comique est à l’image des rapports daubés qu’entretiennent ces post-coloniaux de pacotille, mais Benoît Mariage n’en fait pas un monstre : à la fois humain et tendre derrière les apparences et les plans foireux, il est finalement assez attachant et se révélera plus sympathique qu’il n’en a l’air.
C’est ainsi que malgré le drame qui va se jouer, le film ne joue pas la corde de la dénonciation mais se rattache plutôt à la comédie à l’italienne qu’affectionne le réalisateur : il ne pousse pas la satire au-delà de l’indulgence. C’est là que le film trouve sa justesse et que sa description fait mouche, ouvrant à l’émotion sur la fin.
Si cela fonctionne, c’est que Benoît Mariage sait ce qu’il peut attendre d’un acteur avec qui il a déjà tourné plusieurs provocations (Les Convoyeurs attendent, Cowboy), mais aussi parce qu’il a une expérience africaine ancienne, ayant notamment coréalisé en 2000 Nomadis, des années sans nouvelles avec Pierre-Yves Vandeweerd où, dans le désert de Mauritanie, ils étaient à la recherche d’une famille de nomades qu’ils avaient filmés six ans auparavant et à qui ils voulaient présenter leurs images (cf. [article n°4568]).
Mais c’est aussi parce que le caractère réaliste du film est soutenu par une image qui cerne la géographie des rapports et trouve la juste distance, alternant des plans rapprochés de José avec une mise en perspective du jeune Yaya pour en révéler l’environnement puis le désarroi. Le chef opérateur Benoît Dervaux (encore un Benoît : ça devait être drolatique sur le tournage !), cadreur attitré des films des frères Dardenne, n’y est sans doute pas étranger.
« Le père, dorénavant c’est moi » dira José à l’aéroport face à un père seulement intéressé par le rendement financier d’un fils qu’il n’a jamais accompagné. Tout le film est construit sur l’ambiguïté de cette figure paternelle assumée au-delà du business mais qui, jusqu’au final ouvert, ne saura pas démêler les complexités induites par des codes culturels différents. C’est ainsi que la cruauté du colon reste aussi tragique pour lui que pour ses poulains.
///Article N° : 12079