L’esclavage et la scène française : d’une Révolution à l’autre ou le Nègre démasqué

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L’esclavage n’arrive sur la scène française qu’à l’époque des Lumières. Curieusement, le théâtre aura tendance à « blanchir » les personnages noirs.

Pendant des siècles, les réalités de l’esclavage et de la traite avaient été maintenues à distance grâce à la loi du sol. En effet, depuis un arrêt de 1571, il était interdit de pratiquer l’esclavage en métropole. Tout esclave débarqué sur les côtes françaises était automatiquement affranchi et gardait sa liberté même s’il retournait aux Antilles. Les planteurs devaient renoncer à emmener leur domesticité nègre quand ils venaient en France.
C’est pourquoi à l’époque de Corneille, comme à celle de Molière, le théâtre n’évoque pas les colonies où sévissent les lois esclavagistes. L’État reconnaît la réalité de la traite et celle de l’esclavage – le Code noir, ordonné par Colbert, en est la preuve –, mais l’opinion publique n’est pas informée et on maintient dans le flou les réalités esclavagistes du bout du monde. Pas d’esclaves nègres au théâtre ! Quant aux Africains que l’on retrouve dans les tragédies ou les comédies baroques, ce sont de magnifiques rois ou de nobles ambassadeurs qui ont quitté leurs contrées brûlantes pour venir adorer les dames de la cour. Rois noirs tragiques, marqués par la fatalité de la couleur, ils sont bien loin de leurs frères de race que les planteurs réduisent à du bétail sous le soleil tout aussi brûlant des Caraïbes.
Les travestissements des Lumières
C’est le XVIIIe siècle qui mettra en lumière l’esclavage. Malgré l’assaut répété des planteurs pour obtenir l’abrogation du privilège de la terre de France, Louis XIV était toujours resté inflexible et se refusait à reconnaître une quelconque servitude en métropole. Cependant, après la mort du monarque, en 1715, le Régent cède et autorise les colons, dès 1716, à faire venir en France leurs esclaves sans perdre leurs droits sur eux. Les Noirs se firent alors plus nombreux à Paris, Bordeaux, Nantes, Marseille… et la condition qui était la leur aux Antilles commença à interpeller les philosophes. Montesquieu, Voltaire, l’abbé Grégoire, l’abbé Raynal sont parmi les premiers à dénoncer l’ignominie des pratiques esclavagistes qui font l’enrichissement des planteurs de Saint-Domingue et, sans plaider pour une abolition de l’esclavage, ils attirent l’attention sur les cruautés qui sont perpétrées sous ces climats où l’homme perd toute dignité.
Néanmoins, si on tolère les indignations philosophiques ou romanesques sous la plume des penseurs, elles n’ont pas leur place à la scène qui, au siècle des Lumières, devient une réelle tribune susceptible d’alerter l’opinion publique et de nuire aux intérêts des colons. Faire barrage n’est pas difficile, puisque la Comédie-Française détient à l’époque le monopole du répertoire tragique et comique avec la Comédie-Italienne.
Au théâtre, les esclaves ne sont ni nègres, ni négresses, mais princes et princesses tombés aux mains des Barbaresques sur fond de conte oriental : Les Mille et une nuits sont à la mode ! On évoque ainsi un tout autre esclavage sans relation avec les colonies des Amériques. Et, comme on se laisse séduire par l’exotisme du Nouveau Monde, on convoque ces horizons lointains, mais on ne manque pas de développer une tromperie sur l’identité des Nègres en en faisant pour la scène des sauvages ou des Indiens et en trichant sur les réalités de la traite. Une pièce comme Les Sauvages de Romagnési et Riccoboni, jouée par les Comédiens-Italiens en 1736, en dit long sur ce travestissement. Les sauvages sont noirs, s’appellent Négrillon et Négritte, mais ils parlent iroquois et accueillent avec enthousiasme la conquête française !
Ce travestissement de la réalité est justement ce que les Comédiens-Français imposent à Olympe de Gouges pour accepter sa pièce Zamore et Mirza au répertoire. Celle-ci transforme alors la pièce qui met en scène une plantation et ses esclaves sur une île de la Caraïbe, en drame indien, les esclaves étant des Noirs natifs de l’île. Cette pièce est la première admise à la Comédie-Française à mettre en scène la condition des Nègres. Olympe de Gouges avait bien sûr habillé son plaidoyer contre l’esclavage et la cruauté des colons d’une gentille intrigue romanesque, bien sentimentale, avec reconnaissance et bébé sauvé des eaux. Il faut croire que l’exotisme l’avait emporté et que l’aventure avait fait écran, puisque les Comédiens-Français avaient reçu le drame au répertoire, après une lecture en 1785. Mais, très vite, ils mesurèrent la portée de la pièce et firent faux bon à Olympe de Gouges accumulant tous les prétextes possibles pour créer des chamailleries avec l’auteur et éviter de porter le drame à la scène. C’est seulement après la Révolution que le drame sera joué sous le titre de L’Esclavage des nègres et après qu’Olympe de Gouges eut menacé les comédiens d’un procès. Elle reçut des intimidations, des menaces de mort de la part des colons. Mais la pièce fut jouée le 28 décembre 1789. (1)
Seulement, la représentation fut sans âme. Les comédiens ne défendirent pas le spectacle. Ils n’appréciaient guère de devoir se noircir le visage et avaient d’ailleurs utilisé cet argument pour suggérer à Olympe des aménagements. Fleury raconte que le thème philosophique de la pièce risquait de nuire aux recettes, et pour dissuader Olympe « on lui parla de la difficulté de barbouiller de cambouis toute la Comédie-Française ». Mais Olympe de Gouges, loin d’imaginer la manipulation, était revenue « en triomphe apporter une recette de cirage au jus de réglisse qui donnait à la figure la plus belle couleur cuivrée » pour convaincre les acteurs. Or le jour de la création, le 28 décembre 1789, ils mirent d’autant moins de cœur à se grimer le visage qu’ils venaient d’obtenir non seulement un statut civique, mais aussi l’autorisation de porter leur nom à l’affiche.
La pièce fut retirée de l’affiche après la troisième représentation et on apprit finalement que les colons avaient fait pression sur les comédiens, les menaçant de résilier leur abonnement annuel, ce qui représentait un nombre de loges important. Finalement le drame d’Olympe ne fut pas rejoué.
En revanche, dès 1794, une fois le décret d’abolition promulgué, la République se lança dans une vraie propagande, qui défendait son action humaniste puisque du haut de ses principes elle avait accordé la liberté aux Nègres. On s’empressa d’adapter à la scène Paul et Virginie de Bernardin de Saint-Pierre, puis on commanda des pièces sur la fraternité en noir et blanc et on vit fleurir une série de comédies et de vaudevilles de circonstance où Noir et Blanc tombaient dans les bras l’un de l’autre. La guerre menaçait les frontières et il fallait fédérer la nation ! Le théâtre célébra l’abolition et la fraternité retrouvée sans revenir sur les horreurs passées. C’est pourquoi le drame de Pigault-Lebrun, Le Blanc et le Noir représenté sur le Théâtre de la Cité en 1795 et qui mettait en scène la souffrance des esclaves sur une plantation, puis une révolte contre les maîtres n’eut aucun succès et fut retiré de l’affiche dès la première représentation (2).
Partie de cache-cache romantique
Avec l’arrivée de Napoléon et le rétablissement de l’esclavage en 1802, la tendance s’inversa radicalement. L’Empereur fit fermer les théâtres de boulevard qui, depuis la loi Le Chapelier (1791) et la fin du monopole de la Comédie-Française, avaient ouvert en nombre, mais surtout il bannit de la scène tout ce qui pouvait évoquer les îles et l’esclavage.
Avec la fin de l’Empire, la traite sombre. Napoléon avait en effet été contraint de négocier avec l’Angleterre et Louis XVIII ne reviendra pas sur cette décision d’interdire le trafic d’esclaves. Néanmoins, les négriers n’abandonnent pas les affaires, leur commerce mirifique devient clandestin et eux-mêmes se métamorphosent en flibustiers bravant avec malice les patrouilles britanniques.
Bientôt, le monde obscur des négriers attise l’imagination romanesque d’une jeunesse nostalgique des aventures passées. Le négrier apparaît comme un personnage de monstre fascinant. La traite abolie, le trafiquant devient un pirate, et non plus le froid homme d’affaires calculateur et rationnel d’antan. C’est pourquoi la littérature romantique des premières heures puise volontiers dans cet univers violent et excessif. C’est par exemple le thème du premier roman de Victor Hugo : Bug-Jargal (3).
Mais rien de tel au théâtre. Si on tolère la traite et l’esclavage comme sujet romanesque, la scène ne saurait s’en faire l’écho, et la censure veille au grain ! Les mesures coercitives prises par Napoléon pour limiter la liberté des théâtres n’ont pas été vraiment remises en cause par Louis XVIII. Or, de toute évidence, les colonies françaises des Antilles représentent un sujet encore bien trop brûlant. Si Saint-Domingue a proclamé son indépendance en mettant la France devant le fait accompli, le roi ne la reconnaîtra officiellement qu’en 1825. On préfère donc se voiler la face et, au théâtre, ignorer les colonies.
Les événements de Saint-Domingue sont devenus tabous, évoquer les révoltes d’esclaves apparaît même du domaine de la provocation. C’est pourquoi, Bugg, ou les Javanais, l’adaptation du roman de Victor Hugo que font jouer en 1828, sur la scène de l’Ambigu-Comique, Antier, de Coisy et de Flers, a subi de telles transformations que la pièce n’a plus rien à voir avec l’œuvre de Hugo. Un critique, dans le Miroir du 21 septembre 1828 ne manque pas d’y faire allusion :
« Cette pièce dont le lieu de la scène était d’abord à Saint-Domingue, a dû être refaite entièrement pour recevoir l’approbation de la police littéraire ; que de peine n’a-t-il pas fallu pour obtenir que quelques mots sur la liberté ne fussent pas supprimés. »
Le mélodrame est transplanté dans l’île de Java. Les Blancs sont des Hollandais, les naturels de l’île sont des Indiens et les Nègres n’y sont que des ombres lointaines.
Force est de constater que quasiment toutes les pièces à « sujet noir », à l’exception des adaptations d’Ourika, ont, sous la Restauration, subi la censure (4). Il faut dire que l’histoire sentimentale de la petite Négresse de Madame de Duras traitait du préjugé de couleur sans évoquer l’esclavage (5).
La vogue du « mélanodrame »
L’arrivée au pouvoir de Louis-Philippe met fin à l’influence politique du lobby colonial sur le gouvernement. Le nouveau roi avait appartenu à l’opposition libérale qui dénonçait la poursuite clandestine de la traite et sa légitimation par Louis XVIII.
Aussi, dès 1830, non seulement le nouveau gouvernement lève la censure des théâtres, mais il autorise les sujets coloniaux. Les théâtres de boulevard s’empressent alors de convoquer sur les planches ces contrées exotiques, lieux de toutes les exactions, mines d’aventures à grand spectacle : Guadeloupe, Martinique, Guyane, Ile Bourbon… Ces horizons lointains au climat tropical restent auréolés de mystère, les fortunes s’y font et s’y défont, les identités et les réputations s’y métamorphosent… Lieux de tous les excès et de tous les possibles, les colonies fournissent au mélodrame en vogue les sujets romanesques qui passionnent le public : grands sentiments et reconnaissances inattendues, flibustes et corsaires, amours impossibles et mariages forcés, victimes éplorées et monstres de cruauté, bagarres et révoltes, déluges et tremblements de terre… La critique salue alors, non sans ironie, la naissance du « mélanodrame » !
La plupart des pièces qui évoquent la vie coloniale mettent en scène des esclaves et se montrent en effet très didactiques. Elles dénoncent les exactions que ne cessent de perpétrer les colons sur leurs plantations, et tandis que les Antilles apparaissent comme un enfer, l’Europe, et surtout la France, représentent la terre de liberté où règnent l’égalité, la justice et la parfaite harmonie entre les races.
Le théâtre brandit aux yeux de l’opinion publique la réalité des pratiques esclavagistes. La Traite des Noirs de Desnoyer et Alboize du Pujol s’ouvre ainsi sur une vente de nègres à l’île Bourbon. Cette scène, dont on ne trouve pas de précédent dans les pièces antérieures, est traitée avec tout le cynisme nécessaire (voir encadré p. 68).
La scène expose avec précision le rituel du négoce et montre à quel point les esclaves sont traités comme de vulgaires bestiaux dont on vante l’origine et la bonne qualité. Aucun détail n’est oublié : les préjugés sur les ethnies ou le certificat de baptême que Louis XVIII avait rendu obligatoire. On retrouve ce type de scène jusqu’alors tabou dans plusieurs pièces autour de 1840, telle Le Planteur de Saint-Georges ou Le Code noir de Scribe.
Les tensions politiques et économiques qui pourrissent les relations entre les colonies et la métropole sont souvent au cœur de ces pièces. Ce théâtre didactique oppose les mœurs coloniales aux mœurs françaises plus libérales, et met en scène des colons attachés bec et ongles à leurs privilèges. En revanche les personnages tolérants et ouverts qui tentent de changer les choses viennent de France ou y ont fait leurs études.
Si les Nègres et les mulâtres instruits en France et les Français eux-mêmes viennent dangereusement contaminer les Îles des colonies en y apportant des germes de révolte, à leur tour, les colons qui repartent avec leurs préjugés en métropole sont ridiculisés. Dans L’Esclave à Paris de Carmouche et Laya représenté en 1841 sur le Théâtre des Folies-Dramatiques, Zoé, l’épouse de Kervalin, a décidé de revendre la jeune esclave qui est à son service et ne veut rien entendre au sujet des lois françaises.
En fait, ces préjugés coloniaux ne se réduisent pas à des préjugés de naissance, de simples préjugés sociaux, ils se doublent de préjugés raciaux que le théâtre dénonce en levant le voile. C’est ainsi qu’à bout d’argument, quand la loi ne les protège plus, les colons se retranchent derrière la supériorité de la race blanche.
L’invention du « Nègre blanc »
Afin de mieux dénoncer l’aberration du préjugé racial, le théâtre aime à jouer sur les apparences et invente un nouveau type de personnage : le Nègre ou la Négresse dont on ne soupçonne même pas le sang noir…
Quand, au début de L’Esclave à Paris, Kervalin évoque Zélie, « la petite esclave blanche » qu’il souhaite protéger des foudres de son épouse créole, il n’est pas sans provoquer l’étonnement de son avocat qui ne voit pas en elle une Négresse. La belle Jenny Makensie, l’héroïne du Planteur de Saint-Georges, est elle aussi une esclave qui s’ignore. Si son père était un riche et puissant colon, sa mère n’était qu’une pauvre esclave, et de riche héritière, Jenny se retrouve vendue aux enchères en place publique…
Le Nègre blanc, voilà un tour de force pour le théâtre, car il réussissait ainsi à pallier un problème technique d’importance dans ce genre de pièce : celui du maquillage. Comédiens et comédiennes avaient toujours beaucoup de réticence à se noircir.
Zélie, Jenny, tout comme Donatien dans Le Code noir, ces mulâtres au teint blanc étaient joués par des actrices et des acteurs qui n’avaient plus besoin d’avoir recours au travestissement. Ces personnages évitaient de reléguer les pièces dans l’ordre de la mascarade et leur conféraient enfin une certaine authenticité, puisque les acteurs pouvaient jouer au naturel et tendre ainsi au public une image sans masque dans laquelle il devenait possible de se projeter, voire de se reconnaître. Ces pièces eurent d’ailleurs un grand succès et contribuèrent à sensibiliser l’opinion publique contre l’esclavage en rendant le problème plus proche de tout un chacun. Le cinéma hollywoodien saurait bien s’en souvenir un siècle plus tard en adaptant les mêmes histoires à l’écran…
La République proclamée en février 1848, la fin des lois esclavagistes devenait inévitable. Le 4 mars, le gouvernement provisoire décréta le suffrage universel et l’abolition de l’esclavage. On joua dans les années qui suivirent le drame de Lamartine, Toussaint-Louverture, avec Frédérick Lemaître dans le rôle du héros noir, mais le public français s’enthousiasma surtout pour une œuvre venue d’Amérique, le fameux roman de Harriet Elisabeth Beecher Stowe : La Case de l’Oncle Tom.
Tandis que les journaux font paraître les épisodes, les théâtres s’empressent d’en commander des adaptations. « La Gaîté et l’Ambigu, rivalisant de vitesse et d’habileté dans cette course à l’Oncle Tom, sont arrivés en même temps au but, c’est-à-dire à un très grand succès », notait Philippe Busoni dans l’Illustration du 29 janvier 1853 (6). Ces deux adaptations obéissaient à un schéma des plus rassurants, dénonçant d’un côté l’inhumanité de certains colons, exaltant de l’autre la bonté charitable des âmes sensibles qui entendaient la souffrance de ces victimes innocentes, ballottées par l’âpreté des planteurs américains.
Le développement économique et industriel de l’Amérique en fait alors un pays qui attire de plus en plus l’attention des Européens au XIXe siècle. Aussi, la France qui vient d’abolir l’esclavage sur ses territoires espère bien, pour des raisons plus commerciales que philanthropiques, universaliser la mesure et l’étendre aux États américains.
Le débat abolitionniste continue donc d’alimenter ardemment la polémique dans les années 1860. On s’intéresse aux conflits politiques qui agitent l’Amérique et opposent les États esclavagistes du Sud aux États du Nord où se développe l’industrialisation. Il est de bon ton de critiquer la politique sudiste, et de se prononcer pour l’émancipation des esclaves. Devenant des concurrents économiques de plus en plus dangereux, les Américains passent pour des brutes tandis que les humanistes français s’élancent pour défendre la veuve et le négrillon (7).
En août 1861, l’année même où se déclenche la guerre de Sécession, Jules Barbier fait jouer sur le Théâtre de l’Ambigu-Comique une grande fresque dramatique qui avait l’ambition de peindre la société américaine avec toutes ses contradictions et ses excès : Cora ou l’esclavage, mais qui serait aussi la dernière pièce française à s’engager contre les lois esclavagistes. L’auteur reprenait le thème romantique de la Négresse qui s’ignore en mettant en scène Cora, belle jeune fille qui a grandi en France, dans la haute société. Mais de retour sur sa terre natale, la voilà marchandise à vendre !
Le drame s’ouvrait sur de longues considérations politiques, entre le jeune ingénieur français, convaincu que seul le machinisme viendra à bout de l’esclavage, et Curtis, un planteur américain au cynisme déconcertant, qui s’est enrichi grâce à l’économie d’esclavage, mais qui admet l’iniquité d’un tel système et son incompatibilité avec l’esprit démocratique que prône l’Amérique. D’ailleurs à la fin de la pièce, Curtis abandonne ses affaires agricoles, pour se lancer dans l’industrie.
Olympe de Gouges avait dû faire de Zamore et Mirza de pales Indiens, les auteurs de boulevard avaient inventé le « Nègre blanc » pour abaisser le masque de la négrité et sensibiliser le public de 1840 afin de disqualifier de fait les lois esclavagistes, et la dernière héroïne noire du drame de l’esclavage sur les planches du théâtre français serait finalement une Blanche. Pour arriver à ses fins, le théâtre n’en avait pas été à un travestissement près !

1. Voir Olympe de Gouges, L’Esclavage des nègres, présentation et étude de Sylvie Chalaye et Jacqueline Razgonnikoff, coll. « Autrement même », Paris, L’Harmattan, 2006.
2. Voir Pigault-Lebrun, Le Noir et le Blanc, présentation de Roger Little, coll. « Autrement même », Paris, L’Harmattan, 2001.
3. L’intérêt des romantiques pour les « sujets noirs » se prolongera bien sûr au delà de 1830 et nourrira abondamment la littérature. Au sujet de la production poétique et romanesque que suscite la traite sous la Restauration et la Monarchie de Juillet, voir Léon-François Hoffmann, Le Nègre romantique, Paris, Payot, 1973, pp 148-266.
4. Répertoire des pièces censurées sous la Restauration, Odile Krakovitch, Les Pièces de théâtre soumises à la censure 1800-1830, Archives Nationales, Paris, 1982.
5. Voir Sylvie Chalaye, Les Ourika du boulevard, coll. « Autrement même », Paris, L’Harmattan, 2003.
6. Illustration, « Journal universel », 29 janvier 1853.
7. Au sujet de l’influence de L’Oncle Tom sur la société française, voir E. Lucas, La Littérature antiesclavagiste au XIXe siècle : Etude sur Madame Beecher Stowe et son influence en France, Paris, 1930.
Au comité de rédaction depuis 1997, Sylvie Chalaye est un des piliers de la revue Africultures. Elle partage son temps entre l’écriture, la recherche et la critique dramatique. Elle est l’auteure de plusieurs ouvrages consacrés aux écritures africaines francophones, dont notamment Dramaturgies africaines en dix parcours, Lansman (2000), L’Afrique noire et son théâtre au tournant du 20ème siècle, PUR (2001) et plus récemment Le syndrome Frankenstein, Théâtrales (2004). Elle est professeur à l’université Rennes 2 où elle est responsable des études théâtrales et dirige un groupe de recherche sur les mutations de la scène contemporaine. Membre du laboratoire de recherches du CNRS sur les arts du spectacle, elle a également publié plusieurs études historiques sur l’image du Noir (Du Noir au nègre : l’image du Noir au théâtre de Marguerite de Navarre à Jean Genet (1550-1960), L’Harmattan, 1998 ; Le Chevalier de Saint Georges de Mélesville et Beauvoir, L’Harmattan, (2001) ; Nègres en images, L’Harmattan, (2002) ; Les Ourika du boulevard, L’Harmattan (2004.) Elle est responsable éditorial de la rubrique théâtre dans Africultures et collabore régulièrement à la revue Théâtre/Public. ///Article N° : 4468

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