En hommage au poète haïtien Clément Magloire-Saint-Aude, les auteurs haïtiens James Noël et Dany Laferrière ainsi que l’éditeur Rodney Saint-Eloi nous proposent deux articles, publiés en appendice d’une anthologie secrète de Magloire-Saint-Aude, sortie chez Mémoire d’encrier.
Le poète Clément Magloire-Saint-Aude est né le 2 avril 1912 à Port-au-Prince, où il est mort le 27 mai 1971. Il est l’auteur de trois livres : Dialogue de mes lampes (1941), Tabou (1941) et Déchu (1956). Le monde de Magloire est souvent présenté comme un monde clos, réservé à quelques initiés, mais il suffit de lire un de ses livres pour mieux le vivre. (1)
Quelques lectures seulement, suffisent pour que l’ange déchu (le vrai Magloire) fasse son apparition, car au même titre qu’un Lautréamont avec son Chant, ou un Césaire avec son Cahier, on ne présente pas Monsieur Saint-Aude. Il faut le (re)lire pour bien l’entendre. Ces trois figures, y compris les titres qui les accompagnent, ont produit les effets d’une drogue dure dans la tête du pape du surréalisme, André Breton qui les percevait comme des précurseurs, avant la lettre, du grand mouvement littéraire du 20e siècle. Le problème qui fait poème avec notre homme, c’est qu’il n’est en aucune façon perméable au bain de foule, ni classable dans un mouvement, encore moins dans un parti. Sa force de frappe demeure le silence, d’où l’importance capitale de la nuit dans son imaginaire. Si Césaire est considéré dans la poésie comme une espèce d’arme miraculeuse, Saint-Aude, lui est une arme silencieuse. Attention, poète suspect et réfractaire. Il vise juste, en peu de mots, à une époque réputée pour son trop-plein de bavardages. Le silence est devenu à la mode en Haïti après, sous la dictature de Duvalier en 57. Son dernier recueil Déchu est paru un an avant, en 56
Derniers feux / Derniers Jeux / Sur les quais du silence. Magloire-Saint-Aude est un poète qui pose problème pour la critique. Sa démarche échappe à tous les codes, ses silences passés dans son harmonica de voyou forment une entité sonore supra sensorielle. On le suit : « Je marche sur le son comme l’impair ». Clin d’il à
De la musique avant toute chose de Verlaine, poète qu’il aimait bien. Si on le poursuit encore, on se rend compte qu’il prend plaisir à coucher sur le papier un certain nombre de prénoms de femmes. On les cite : Edith, Magdeleine, Maud, Odette, Angélique, Milady (my lady amiga mia), Dolorès, Elza. La critique a déjà tout écrit sur l’hermétisme de ce grand libertaire qui ne s’embarrassait pas des convenances, mais toujours est-il que très peu de choses ont été dites sur ces prénoms mystérieux
Et si la poésie de Magloire Saint-Aude était tout simplement une musique pour faire danser ces dames ?
1. Ce texte a été publié en appendice de l’Anthologie secrète de Magloire Saint-Aude aux éditions Mémoire d’encrier.///Article N° : 11666