Sur les écrans français depuis le 28 juillet, Papa lumière frappe par sa pertinence dans sa vision extrapolée de la relation France-Afrique.
Ada Loueilh a passé son enfance en Côte d’Ivoire, jusqu’à ce que ses parents décident de revenir en France. Elle est donc fille d’ « expats ». Jeune diplômée de la Fémis, elle consacre son premier long métrage à ce vécu en le transposant dans le contexte de la guerre civile en Côte d’Ivoire et au rapatriement en catastrophe de centaines de Français en avril 2011. Voici donc Safi (la fragile Julia Coma) arrivant à Roissy avec son père Jacques (l’imposant Niels Arestrup), qui tenait un restaurant à Grand Bassam et ne voyait sa fille qu’épisodiquement. Jacques, qui a perdu tout bien et tout repère, et les quelques Français relogés dans un centre d’accueil à Nice, incarnent le monde ambivalent et blasé des expatriés, habitués au luxe et aux domestiques, épris de cette dérisoire liberté. Ils ont l’Afrique « dans la peau », à l’image de la danse extatique de l’une d’entre eux dans une boîte de nuit, mais cette passion déborde d’ambiguïté. Entre Jacques et Safi va se nouer une relation agressive où les ponts se bâtissent peu à peu.
Si l’on veut extrapoler davantage que ne le propose le scénario, c’est l’actualité de la relation France-Afrique qui est ici en cause, une relation complexe, passionnée, ancrée dans le passé colonial d’exploitation et de mépris, victime des dérives mercantiles et racistes, et qui peine à trouver la sérénité. Un jeu d’intérêt dans les deux sens du terme. Incarnée dans une adolescente lucide, révoltée par ce que l’Histoire lui fait subir, l’Afrique oscille entre la faiblesse de sa situation et la force de sa résistance. Surtout, elle sait dépasser son amertume et son dédain pour renouveler le rapport en tenant compte de ce qu’est chacun.
Constat optimiste dans un monde sans merci, c’est cette lumière évoquée par le titre que cherche Ada Loueilh, cette lumière qui aveugle douloureusement Jacques au départ mais qu’il apprend à manipuler. Relecture d’une histoire familiale élargie à l’écartèlement du métissage, retravaillée dans une situation d’arrachement (comme ont pu la vivre les réfugiés d’Algérie) où le lien à la France reste à redéfinir, Papa lumière est une histoire d’héritage inconscient qu’il conviendra peu à peu d’assumer pour continuer à vivre après l’usure et les cendres, ce que fait Jacques à l’écran lorsqu’il revêt un boubou.
Ce processus est physique, comme l’est ce film qui met en exergue les chairs blanches de Niels Arestrup et les chairs noires de Julia Coma, chairs opposées que rien ne semble préparer à un modus vivendi. Il est dommage que les personnages secondaires détonnent dans cet affrontement, pièces rapportées peu crédibles qui affaiblissent le récit. Mais au final, Papa lumière laisse une trace faite de pertinentes et fructueuses interrogations, une trace sensible et sincère qui ne peut laisser indifférent.
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