Pari gagné pour la première édition des Journées Cinématographiques de la Femme Africaine de l’image, JCFA

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Du mercredi 3 mars au samedi 7 mars 2010, les projections se sont déroulées au Ciné Burkina, au cinéma Neerwaya et dans les salles du Centre Culturel Français Georges Méliès de Ouagadougou. Le 7 et le 8 mars, les festivaliers et les professionnels présents au Burkina Faso se sont rendus à Koudougou, pour la clôture et la cérémonie officielle du 8 mars, qui est fête nationale et jour férié au Burkina.
Les JCFA se veulent être un cadre de promotion des professionnels africains de l’image, et cherchent à devenir un tremplin pour une partie de la profession, trop souvent marginalisée et méconnue.
Colin Dupré, qui écrit actuellement une thèse sur le Fespaco, était présent à Ouagadougou et fait le récit de cette première édition.

La vision 21 et l’hommage aux femmes
À l’ouverture, les discours se sont succédé rapidement, devant une assemblée nombreuse composée de députés, diplomates, professionnels du cinéma et journalistes. Nous avons pu écouter en particulier Madame l’épouse du Président de l’Assemblée Nationale, Sita Kaboré, rendre hommage à la femme africaine de l’image, et magnifier la femme en général.
Puis, c’est Michel Ouédraogo, le Délégué Général du Fespaco qui est intervenu pour rappeler que ces journées cinématographiques font partie de la Vision 21, le programme qu’il a entamé il y a deux ans. En effet dans la version officielle du document de la Vision 21, il était prévu dès 2008 (1), de créer les 72h de la femme cinéaste. C’est aussi pour cette raison que, selon M. Ouédraogo, ce festival était très attendu par les professionnelles du cinéma en Afrique.
Dans l’éditorial du Délégué Général du Fespaco dans le catalogue du festival, M. Ouédraogo a rappelé les précédentes tentatives du Fespaco d’intégrer la femme cinéaste au festival (même si ces tentatives avaient été taxées de machisme camouflé) et insisté sur les objectifs que se donnent ces JCFA, devenir  » une rampe de lancement de la visibilité des efforts consentis par la femme cinéaste, mais aussi un hommage à toutes celles qui ont fait de leur vie, le sacrifice pour la reconnaissance professionnelle de la femme africaine de l’image « . C’est donc une volonté de devenir un tremplin pour des œuvres et réalisatrices qui sont peu connues, cachées peut-être par les grands noms du cinéma africains, presque tous masculins.
Tous les intervenants ont salué cette initiative qui est  » le bébé du Fespaco « , comme l’a rappelé Mme Sita Kaboré. Ces JCFA bénéficient donc des structures mises en place au Burkina et des facilités que le Fespaco, directement rattaché au Ministère de la Culture, peut lui offrir.
Entre rencontres professionnelles et projections publiques, l’âme du Fespaco bien présente
Ces journées se sont déroulées en plusieurs phases. Les panels le matin, et les projections le soir. Dans le même temps, tous les jours de la manifestation, s’est tenu au siège du Fespaco le Marché International Africain de Cinéma, le MICA, qui était, pour l’occasion, réservé aux productions féminines, en cohérence avec les objectifs de mise en lumière des réalisatrices au sein de la profession. On retrouvait là le principe des panels et débats chers au Fespaco.
Le premier Panel,  » Femme et cinéma en Afrique  » s’est divisé en deux débats,  » Image et identité féminine en Afrique  » et  » Quinze ans après Beijing. Quelle contribution de la femme de l’image ? « . Le premier débat a davantage interrogé la place de la femme et de la mère dans les sociétés africaines que leur rapport au cinéma. Les intervenantes ont ainsi plutôt développé l’aspect  » identité féminine en Afrique « , que l’aspect  » image « . L’intervention de Fanta Régina Nacro, plus courte, a recentré le débat sur des questions plus cinématographiques en rappelant  » qu’il n’y a pas vraiment de cinéma féminin ou de cinéma masculin, il y a différents regards « . Il y avait là une tentative d’éviter les travers de l’approche de précédentes éditions du Fespaco où l’on rendait hommage à la femme africaine parce qu’elle est une bonne épouse et une bonne mère.
Le second panel était quant à lui, beaucoup plus professionnel et abordait des aspects techniques :  » Monter et budgétiser un projet documentaire, du scénario à la recherche de financements « . Le Fespaco semble d’ailleurs avoir visé juste en proposant un tel panel, tant la place du documentaire était importante lors de ces JCFA.
Prévalence du documentaire et tendances thématiques générales
Côté programmation, furent projetées 38 œuvres tournées par des réalisatrices de 14 pays : 7 longs-métrages, 9 courts-métrages, 12 documentaires, 4 séries, 5 films indiens et un film japonais. Les documentaires occupaient ainsi une place prépondérante avec près du tiers des œuvres. La présence d’une sélection de films indiens laissait penser que les réalisatrices font cause commune avec les réalisatrices africaines.
Dans les fictions (courts et longs-métrages), la tendance générale est d’aborder les classiques thèmes de société. Cela va de la condition de la femme (Pauline : l’amour en action, de Maïmouna N’Diaye) et de l’enfant (Les Inséparables, de Christiane Chabi Kao) à des thèmes comme l’amour (Borderline, de Sonia Chamki), la politique (Affaire d’État, de Fatim Ouattara), la dualité tradition / modernité (Les bénéficiaires, de Mamounata Nikiéma) ou la rencontre des cultures (Amour sans frontières de Laurentine Bayala et La Mue, de Rachelle Somé).

Côté documentaires, on retrouve des thèmes comme les conditions de vie des femmes, notamment en prison avec deux films sur la MACO (Maison d’arrêt centrale de Ouagadougou, Femme en peine, d’Aminata Diallo Glez et Femme à l’ombre, d’Odette Ibrango) et un film sur la MACA (à Abidjan). Le film d’Osvalde Lewat traite, lui, d’un problème politique et des droits de l’homme. Une affaire de nègres est sans doute celui qui pousse la réflexion du public le plus loin et suscite chez lui le plus d’émotion. Parfois choquant, parfois émouvant, toujours clair et précis, ce film rappelle comment plus d’un millier d’habitants de la ville camerounaise de Douala furent massacrés et torturés sous prétexte de lutter contre le grand banditisme, sur simple dénonciation, mais le plus souvent outils de la jalousie et des manœuvres politiques de la population.
La sélection était de qualité tant pour le documentaire que pour la fiction. Certains films ayant pu manquer de visibilité au dernier Fespaco, ces JCFA ont servi de rattrapage, mais surtout de mise en lumière et de tremplin pour ces productions, malgré un public dispersé.
Dimension plus restreinte et bonne gestion
L’organisation de ces JCFA fut sans commune mesure avec le précédent Fespaco. Bien entendu la dimension de ces journées est plus restreinte que son aîné. Mais il est à noter que la gestion des documents, des festivaliers, des journalistes, et surtout des professionnels, a été très bien maîtrisée. Les badges ont été délivrés plusieurs jours avant le début de la manifestation, et les programmes et catalogues ont pu être remis le matin de l’ouverture des journées. Pas de grincements de dents chez les professionnels, donc : pour une première édition de festival, il n’est jamais aisé de satisfaire tous le monde et de ne pas subir les imprévus de dernières minutes, mais il semble que l’expérience du Fespaco ait permis de tenir les promesses de bon déroulement.
Une première édition prometteuse saluée par l’ensemble des professionnels présents
Globalement, cette édition a rempli ses objectifs et ce n’est qu’au niveau de la participation du public qu’il faille chercher un bémol. Sans doute, la communication autour de la manifestation a-t-elle été un peu discrète. Le prix des séances (le même que pour le Fespaco) peut aussi avoir freiné l’engouement populaire, pour une manifestation qui n’est pas encore connue, et donc encore moins reconnue. Reste donc encore à séduire les Ouagalais, puisqu’il semble que les cinéastes présentes à Ouagadougou cette semaine ont été convaincues.

1. Date à laquelle Michel Ouédraogo a pris ses fonctions de Délégué Général du Fespaco.///Article N° : 9304

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Les images de l'article
Christiane Chabi Kao, réalisatrice du film Les Inséparables, lors de la cérémonie d'ouverture
Michel Ouédraogo, DG du Fespaco, lors de son discours officiel d'ouverture des JCFA © Colin Dupré
Eudoxie, chanteuse Burkinabè lors de la cérémonie d'ouverture © Colin Dupré





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