Piano solos / In Private

De Art Tatum

Coup de foudre
Print Friendly, PDF & Email

Pour ceux qui aiment le jazz et le piano, les solos d’Art Tatum, c’est à peu près l’équivalent de la Bible ou du Coran pour d’autres.
Chacun son goût, je préfère le jazz, le piano et Art Tatum en solo.
Arthur Tatum (1909-1956) est le plus méconnu des génies du piano du XX° siècle. Le fait d’être afro-américain et aveugle l’y a sûrement un peu aidé (à être méconnu). On s’en convaincra vite à l’écoute de ces onze plages inouïes, enregistrées à Los Angeles dans les années 1940.
Monumental, monstrueux, on cherche en vain les adjectifs, et tous les superlatifs semblent insuffisants à traduire l’ébahissement et l’éblouissement permanents que provoque l’audition de cette musique, d’une élégance effrontée et d’une virtuosité capricieuse.
Le premier titre (qui fut un chef-d’œuvre de Louis Armstrong) nous en dit pourtant bien l’intention –  » wrap your troubles in dreams « , slogan presque surréaliste –  » emballe tes problèmes dans tes rêves !  » – qui résume sans doute mieux que tout l’essence du jazz.
Art Tatum emballe dans ses rêves ses problèmes, et son piano en plus.
Harmonie, mélodie, rythme, swing, personne n’a jamais jonglé aussi bien avec tout cela en même temps. Il joue  » In a Sentimental Mood « , chef-d’œuvre d’Ellington, comme aurait pu le faire Debussy.
Il est vrai qu’il ne joue jamais n’importe quoi. Il a un goût très sûr pour choisir les standards et il les interprète de façon dramatique, shakespearienne, et pas du tout romantique.
Tatum était, avec son maître Fats Waller et Duke Ellington, le pianiste préféré d’Orson Welles, un vrai jazzfan, que Gershwin faisait rigoler.
Il faudrait des dizaines de pages pour chroniquer ces onze plages dont la plus fabuleuse est sans doute  » Just A-Sittin’ and A-Rockin’ « , un tube ellingtonien qui faisait alors fureur dans les dancings des G.I’s.
En 2mn45, il vous passe plus de musique dans la tête qu’en 2h45 de techno. C’était l’époque bénie du 78 tours, du court-métrage musical, et on était pressé d’emballer ses problèmes dans ses rêves.
PS : pour les vrais fous comme moi : à ma connaissance, c’est le premier disque où l’on entend vraiment bien Tatum grogner, et la façon dont il grogne me semble encore plus intéressante que celles d’Erroll Garner, de Bud Powell ou de Keith Jarrett !

Piano solos / In Private, de Art Tatum (Freshsound)///Article N° : 6653

  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

Laisser un commentaire