« Pour une politique citoyenne »

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Hadama Traoré, 32 ans, habite la cité de La Rose des Vents dit « les 3000 » à Aulnay-sous-Bois (93). L’agression couplée d’un viol subi le 2 février dernier par le jeune Théo dans son quartier, a mis la lumière sur lui et son mouvement « La Révolution est en marche », lancé en janvier 2017. Il ambitionne de prendre la Mairie en 2020. Se définissant comme un citoyen français d’origine malienne et de confession musulmane, cet ancien producteur de rap, responsable d’antenne jeunesse pour la ville d’Aulnay-sous-Bois, nous a accordé un entretien sans filtre.

Afriscope. Pourquoi avoir lancé le mouvement « La Révolution est en marche » ?
Hadama Traoré. Pour faire bouger les choses, nous sommes obligés de nous investir politiquement. Pourquoi, dans les médias, peuvent ils nous critiquer, nous habitants des quartiers à longueur de journée ? Parce qu’il n’y a aucun maire qui a vécu comme nous et qui remet les choses à leur place ! Lorsque j’ai vu éric Zemmour dire qu’être musulman n’est pas compatible avec la République française, j’ai pété les plombs. Nous ne pouvons pas rester bras croisés dans un pays qui nous stigmatise. Il est hors de question que mes filles grandissent dans un pays comme ça. La France est devenue un pays délétère où on ne vit plus ensemble. Avec mon ami d’enfance Oumarou N’Diaye, nous avons réfléchi pendant deux ans. Nous travaillons tous les deux à la mairie. Nous avons mis un peu d’argent de côté pour ne dépendre de personne. On s’est dit : début 2017 on part. Et on est parti.

Comment définiriez-vous ce mouvement ?
La Révolution est en marche est une façon de penser. Il y a deux entités distinctes. La première est une association, Force citoyenne, qui se décline en trois axes : la prévention, l’insertion et le civisme. La deuxième est un parti politique : La Démocratie représentative. L’association, qui regroupe une cinquantaine de membres actifs, a comme credo être citoyen dans mon quartier. Tu ne peux pas être un citoyen à part entière si tu ne sais même pas ce qui se passe autour de toi. Une poubelle ou une cage d’escalier brûle et tu passes à côté ? Un arrêt de bus est cassé et tu t’en fous tant que chez toi il y a de la lumière et que tu manges ? Non, un citoyen, c’est une personne qui porte attention à son voisin.

Quelles actions mettez-vous en place ?
Nous allons monter une amicale de locataires dans les ensembles immobiliers d’Aulnay. Certains bailleurs profitent de la méconnaissance des locataires. Aujourd’hui dans une cité comme les 3000, avec 20 000 habitants, il n’y a aucune amicale des locataires active. C’est hallucinant.

Pourquoi ne pas rester justement dans ces actions locales concrètes ?
Par la voie politique, nous essayons de toucher à tous les aspects de la vie quotidienne et d’avoir une perspective globale. Nous avons mis en place un programme sur les relations habitants/police, et une action appelée : « Le savoir est une arme ». Nous voulons mettre fin à la fracture sociale entre les quartiers Nord et Sud d’Aulnay. En gros, au sud ce sont les Blancs, et au nord les Noirs et les Arabes. Ce n’est pas normal.

Comment battre sans moyens des partis politiques structurés ?
Ce qu’ils font à l’échelle municipale, nous le faisions à l’échelle de l’Île-de-France pour la musique. Nous allions à Grigny, à Paris, dans tous les quartiers pour coller des affiches et vendre nos CD. Ils sousestiment la détermination qu’on a, nous le peuple. Dans trois ans, on va monter une liste et on va prendre la Mairie d’Aulnay-sous- Bois. C’est fini de faire de la démagogie, du buzz sur nos soi-disant zones de non-droit. Je fais de la politique « citoyenne » pas « politicienne ».

Vous communiquez beaucoup par les réseaux sociaux.
Chaque lundi, on fait une vidéo de ce qu’on a pu mettre en place dans la semaine. Mais la réalité est sur le terrain. Chaque jour on mobilise des villes nouvelles. Aujourd’hui on est à Nantes, à Roubaix, à Bondy, à Bobigny, à Villepinte. Notre message a dépassé les frontières aulnaysiennes. Quand on dit que dans quinze ans, on va candidater pour l’Élysée, je le pense. Ce ne sera pas au nom des quartiers populaires mais au nom de la communauté française dans toute sa diversité.


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