Printemps des poètes. Que le Poète Raite

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Africultures célèbre la poésie. Initiée en 2013, la série le Printemps des poètes continue avec des artistes du monde entier.Simplement parce que la poésie est « peut-être la meilleure manière pour communiquer avec l’intime, l’invisible, et les autres » (1).

Que le poète raite
Que le goual peste
Contre les satrapes qui restent
Et nos chants détestent
Et nos champs infestent
De sycophantes…
De psycho pantes…
Qui, nos hymnes, délestent
De l’inclination des cœurs
Parce que la peur
Parce ceux qui l’apeurent

Ces pépons de Papon de Pol Pot
Ces Führer de Shogun de Shah
Amin Dada, Mobutu, Bokassa
Ces pépons de Papon de Pol Pot
Pour qui poète est popotte
Pour qui poète est marotte
Une voix dévote, un esprit zélote
Ces pépons de Papon de Pol Pot
Ces pépons, ces fruits véreux…

Que le poète pleure
Sa pensée violée par un peuple émondé
Que le goual se leurre
Qu’un jour sa vérité soit à jour percée
Tout poète est une drupe
Un fruit charnu au noyau lyrique
Recelant les secrets de l’en-ouïr
Ruisselant les mystères de l’en-jouir
Décelant les clés de l’enfouir
Tout poète est une drupe
Car nul vers-libriste n’est dupe
Versificateur contre falsificateurs
Vers libérateurs contre mystificateurs
Mystificateurs, mys-ti-fi-ca-teurs
Semeurs de morts
Boursicoteurs d’âmes…

Ces pépons de Papon de Pol Pot
Ces Führer de Shogun de Shah
Amine Dada, Benito, Kabila
Ces pépons de Papon de Pol Pot
Ces Führer de Shogun de Shah
Pour qui poète est hors-la-loi
Pour qui poète est embarras
Un fâcheux aléa, bourdonnant fatras
D’idées à ensevelir de propaganda
Des pépons de Papon de Pol Pot
Ces pépons, ces fruits piteux…

Tout homme est le fruit de l’hymen
Détaché de la cote d’une Eve amène
Ou délivrant une matière par un ave. Amen.
Quant à mûrir, iniquité des destins
Quant à mourir, chacun prend son chemin
D’une foi qui croît vers l’apothéose du mot
Du mot-cabosse, pas un mot à la noix
Mais de celui qui libère, qui élève, qui éclaire
Le monde, la voie de la manumission
Ô Versificateur ! Contre prévaricateurs ?
Fuis transfuges, délateurs, traditeurs !
Qui aux tyrans, aux diables macoutes,
Ton âme indépendante, vendent
Qui, impurs, intouchables, indigents, cloutent
Aux piloris, aux cordes strangulantes pendent.
Artistes, Arts-Triste ?
Non ! Artistes, Arts-Risques !

Que le poète raite
Que le goual peste
Contre les satrapes qui restent
Et nos chants détestent
Et nos champs infestent
De sycophantes…
De psycho pantes…
Qui, nos hymnes, délestent
De leurs voix sympathisantes…
Il pleure la justice céleste
Il se lamente du courroux terrestre

De ces pépons de Papon de Pol Pot
Ces Führer de Shogun de Shah
Amin Dada Franco Abacha
Ces pépons de Papon de Pol Pot
Ces führer Khadafi Bokassa
Pour qui poète est popotte
Pour qui poète est marotte
Une voix dévote, un esprit zélote…

Lorsque l’on couche sur le papier
Saisissant la vie à travers nos vers acérés
Criant ras-le-bol !
Ras-les-guiboles !
Nos vies ne sont que peu menacées
Dans la nuit fraiche de Paris vite étouffées
Sont nos voix… nos vers vite oubliés
Avec un peu de chance en chœur chantés
Repris, et nous sommes au cœur touchés
Mais ailleurs, les poètes sont tels des rats
Que l’on chasse, que l’on piège ! Voix muselées
Il en a dans le ventre ? Éviscéré !
Il en a dans la tête ? Décapité !
Il est de toutes les révoltes ? Lobotomisé !
Il est par trop éclairé ? Incarcéré !
La valse des mots ? Avec une corde danser…
Quand lire et lyrisme sont dangers
A force de vouloir penser
A force de vouloir panser
Les maux de l’opprimé…
Leurs esprits libres primées … ?
Artistes, Arts-Tristes ?
Non ! Artistes, Arts-Risques !

Contre ces pépons de Papon de Pol Pot
Contre ces Führers de Shogun de Shah
Amine Dada, Mobutu, Kabila, Bokassa
Qu’il raite, le poète ! Qu’il raite…

(1) Citation de Yanick Lahens. Extrait de la vidéo « A quoi sert la poésie ? A quoi sert la littérature? « ///Article N° : 12177


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