Quand la musique, en la remplaçant, ressemble à s’y méprendre à la politique
Le refrain des politiques chez moi c’est clamer que la jeunesse est l’avenir de demain… On ne les contredira pas, mais on constate que la jeunesse kinoise s’est complètement versée dans la musique. Dans une société à ce point en crise de valeurs, les musiciens sont devenus la référence et font la loi ! Et malheureusement pour les jeunes kinois, ils ont choisi le mauvais côté de ce produit congolais le mieux vendu à l’étranger : les rivalités découlant de nombreuses scissions dans les groupes. La plus spectaculaire reste sans conteste celle qui oppose le Wenge BCBG de JB Mpiana à celui de Werason, le Wenge Musica Maison Mère.
Tout a commencé voilà maintenant une dizaine d’années lorsqu’un petit groupe de potes passionnés, motivés et engagés donnent de nombreux concerts dans leur cité, Bandal, ainsi que dans les communes avoisinantes. Ils cultivent leur notoriété pour finalement sortir leur premier album. Ils parviennent à se faire inviter sur les plateaux de la chaîne nationale, Télé Zaïre. Succès immédiat et inattendu. Ce premier album, ‘Mulolo’ (clameur, nouvelle) fait de leur groupe, le « Wenge Musica Bcbg Tout Terrain 4×4 Maison Mère », la ‘Révélation musicale de l’année’. Leur style, jeune vivace et frais, arrive comme une nouveauté dans une scène zaïroise tenue par les Franco, Abeti, Tabou Ley ou encore les Koffi et les Papa Wemba version eighties, à l’époque du Parti Etat.
Depuis, beaucoup d’eau a coulé sous le pont ! 1997, année de bascule politique au Zaïre, et excitation générale dans le domaine musical à cause des dissidences dans l’orchestre Wenge. C’est un problème de leadership. Comme en politique zaïroise, et même congolaise, les choses n’ayant d’ailleurs pas trop changées depuis… Le mois de décembre signe finalement l’éclatement du groupe jeune le plus connu et reconnu au pays. Des six leaders qui le composaient sont nés le « Wenge BCBG » avec JB Mpiana, Blaise Bula Capuccino et Alain Makaba, et le « Wenge Musica Maison Mère » avec Werason, Adolphe Dominguez Mobitch et Didier Massela. La réalité d’aujourd’hui, après une autre vague de départs, oppose en fin de compte JB à Wera. Et de plus en plus, ces groupes commencent à ressembler à des gangs rivaux ou tous les coups sont permis. Avec des principes moteurs de rue tels qu’on ne doit pas se ‘manquer’, c’est pas permis ! Mais ces coups comme ces principes, tout le monde le sait, sont plus verbaux qu’autre chose. Personne n’ignore que le Kinois est provocateur et grande gueule même quand il n’a rien, c’est être ou faire le ‘mobola tetu’, littéralement ‘pauvre (mais) têtu’ !
Le Kinois n’est ni bagarreur ni belliqueux. La preuve ? Longtemps après Mobutu, il continue d’applaudir tous ses successeurs… Il n’a pas hésité à accueillir avec compassion un Mobutu malade et affaibli d’une énième opération de la prostate. Il a été dans la rue rendre un dernier hommage à Kabila père lors de sa mort… Les politiques constatent l’avenir des jeunes envahi par le futile n’en pipent mot. A croire que ça les arrange et leur facilite même la tâche, celle de vaquer tranquillement à leurs occupations… Pourtant
Dans la ville proche de Brazza, ce ‘fanatisme’ est encore pire qu’à Kin, la musique kinoise y faisant également la loi avec cette prolifération spectaculaire. Et parce que le Brazzavillois a un sang plutôt chaud, cette guerre des gangs prend des proportions différentes : les fans n’hésitent pas au besoin à se casser la gueule… souvent après le passage du porte-parole de l’un ou l’autre groupe, après la diffusion du concert ou clip de « Bcbg » ou de « Maison Mère ».
Quel gâchis pourtant ! Même pour moi qui vis à Bandal, le quartier des Wenge, Sankara, le porte-parole de Maison Mère, et Blaise Elément, celui de Bcbg, sont de grands amis ! En dehors de la TV, ils font du ‘tu’ et du ‘toi’. La plupart des jeunes recrues des deux côtés ont évolué ensemble dans un groupe de mon quartier qu’on appelait ‘Fraté’ (Fraternité). Ce sont des liens qui restent quoi qu’il arrive. Ils ne sont pas des ennemis et ne le seront jamais, ils sont concurrents, adversaires ! c’est tout… mais les fans, eux n’ont rien compris. Ma grande crainte, c’est de les voir passer aux mains, et pour cela il n’y a qu’un pont…
Heureusement qu’à côté de cette masse versée dans la guerre musicale, il y a l’autre, minorité certes mais au moins elle existe ! La génération consciente, qui s’attèle autrement à être l’avenir de demain. Ces jeunes ont un autre discours. Et à leur manière, avec leur imagination, par leur observation de la société et avec les moyens du bord, ils ‘chassent’ le chômage. Ils ont des cybers, ils gèrent ou administrent des structures, ils s’occupent des shégués (les enfants des rues). Ils démontrent par là que tous les jeunes Kinois ne font pas que « ça » ! Que je cite des noms ? ce serait de la pub…
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