Enterrement dans la commune de Nsele, près de Kinshasa, le lundi 9 décembre 2013, d’un des derniers rois de la rumba congolaise. Le Seigneur Tabu Ley Rochereau, père de l’Afrisa International, s’est éteint le 30 novembre 2013 dans un hôpital bruxellois, des suites d’un accident vasculaire cérébral.
Un accident cérébro-vasculaire. Une pathologie qui ravage en puissance sur le Continent, et contre laquelle les fans de Rochereau ne peuvent plus grand’chose. L’artiste est tombé en 2008. Il ne s’en est jamais remis. Auteur de plus de 3000 chansons, il avait quelque peu raillé le destin, à sa manière, avec élégance, en composant, il y a quelques années, le fameux Mokolo na kokufa (le jour où je mourrais), devenu un tube. Enfant de chur dans les églises, l’ex-fonctionnaire venu des terres du Bandudu a choisi de faire sa vie en musique dans les années 1950. D’abord, aux côtés du Grand Kalle alias Joseph Kabasele, sacré « père » de la musique moderne congolaise, ensuite, aux côtés du vaillant Docteur Nico, guitariste aux mains d’argent. C’est l’époque où l’artiste finit de surprendre son monde, en introduisant, pour la première fois de son histoire, un son de batterie dans la rumba.
A l’époque, il se fait appeler Seigneur Rochereau, petit nom qui lui vient, en réalité, de l’époque adolescente. Pour avoir été le seul à répondre à une question de maître sur le destin de ce maréchal d’empire. Tabu Ley, autre nom qu’il se donne en 1973, aux temps de l’abacost et des discours sur l’authenticité mobutienne pour le dire autrement, sera le premier artiste africain à franchir les murs de l’Olympia, la mythique salle parisienne, en 1970. Il s’affiche alors aux côtés des fameuses « Rocherettes », des danseuses, qui, à l’image des « Clodettes » de Claude François (qui lui en pique une, en passant, dixit la légende), rehaussent le show, pendant que lui-même, nourri aux effluves du rock et du rythm’n’blues, apparaît en pattes d’Eph. et coiffure afro. Cuivres, solos de guitare et jeu de jambes font le reste pour ce mélodiste hors pair que Ray Lema n’a pas manqué de saluer.
Né en 1940, Pascal Emmanuel Sinamoyi, de son vrai nom, impose sa légende, en créant l’African Fiesta National, avec lequel il bluffe son public à l’Exposition universelle de Montréal de 1967. C’est lui, qui, en 1977, représentera les couleurs du Zaïre au Festac à Lagos. Quelques temps patron d’une boîte de nuit, le Type K, il enregistre pour Real World (Babeti Soukouss) durant sa période d’exil passée entre les Etats-Unis et la Belgique, avant de revenir au pays s’investir en politique en 1997, sept années après Le glas a sonné, morceau hautement censuré par les mobutistes et « les jaloux ». Militant au sein du Rassemblement Congolais pour la Démocratie, il sera tout à tour député, ministre provincial en charge de la culture et vice-gouverneur de Kinshasa. Raison pour laquelle les hommes politiques, y compris Etienne Tsishekedi, ont paradé au Palais du Peuple, qui, signant le cahier des condoléances, qui, s’inclinant devant la dépouille du regretté, dans l’espoir sans doute de récupérer des points d’image. Le père du rappeur français Youssoufa a été inhumé ce lundi 9 décembre à la nécropole « Entre ciel et terre ». Beaucoup voudront uniquement se souvenir du maestro. Aux obsèques, ils n’auront ainsi remarqué que la seule présence des Tshala Muana, Wemba, Olomide, Mpiana, Werrason et autres Roga Roga. Ce dernier a même fait le déplacement depuis Brazza avec tous ses musiciens. Une manière de retrouvailles pour ceux qui poursuivent l’histoire encore en mouvement de la rumba congolaise.
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