The Forest Maker (L’Homme qui ressuscite les arbres), de Völker Schlöndorff

La reforestation est possible

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En sortie sur les écrans français le 5 avril 2023, ce documentaire captivant du célèbre réalisateur allemand met les points sur les « i » sur les méthodes agronomiques de reforestation.

C’est l’expérience d’un homme qui peut ouvrir à discussion mais cela a le mérite de la clarté et les résultats sont là ! Ce film est dans la lignée de Mission régénération (Kiss the Ground) de Josh et Rebecca Tickell, qui montrait que la régénération des sols par l’évolution des techniques agricoles permet d’emprisonner le carbone nécessaire à la survie de la planète tout en la nourrissant mieux.

Son défaut en est le même : tout vient d’un homme providentiel ! C’est bien sûr plus complexe mais nous sommes au cinéma : laissons-nous bercer par l’idée qu’il y a des hommes qui découvrent qu’une chose simple peut produire de merveilleux résultats. Car au fond, n’est-ce pas ainsi parfois que le monde progresse (le feu, la roue, l’écriture, le papier, le moulin à eau ou à vent, l’électricité, le téléphone, etc., etc.) ?

Ici aussi donc, un homme qui a compris le problème et obtient des résultats : l’Australien Tony Rinaudo, qui a reçu le Nobel alternatif en 2018. La différence est que ces résultats sont là depuis des dizaines d’années, car c’est aujourd’hui un homme de 65 ans que Völker Schlöndorff (qui a lui-même 83 ans) accompagne dans son retour au Niger à la rencontre des villages qu’il a aidés à sortir de la famine des suites de la sécheresse.

Au début du film, le retour du héros vieillissant au pays qu’il a fait progresser et qui lui en est reconnaissant n’est pas vraiment passionnant : cela tient un peu trop du sauveur blanc. On comprend par contre ensuite que cela fut grâce à la mobilisation de toute la population, au début certes en leur forçant la main quand il conditionnait l’aide alimentaire à un travail qui pouvait paraître inutile ! Ce n’est pas un miracle, c’est le produit de la compréhension du terrain par cet homme, et ceux qu’il a pu convaincre. Sa méthode de régénération naturelle assistée développée à partir de 1981 au Niger s’avérera prodigieuse : la taille des buissons de brousse en sélectionnant le meilleur rejet dynamise les plantes, les branches et feuilles laissées à terre amènent les microorganismes et les oiseaux, les arbustes poussent qui protègent du soleil, coupent du vent et du sable, et rendent l’agriculture possible à nouveau, tout cela pour un coût très faible (mais de la main d’oeuvre !).

Ce que le film ne dit pas est que Rinaudo n’était pas le seul : sa méthode fut théorisée dans les années 1980 notamment par Haïdar El Ali, lequel a travaillé sur la Grande muraille verte. Marie-Yemta Moussanang l’a interviewé pour un épisode de son podcast Afrotopiques. Ce que le film dit par contre, c’est l’échec des projets de reforestation qui engloutissent des millions de dollars, soit parce que la maintenance n’est pas assurée (forêt de Niamey), soit qu’ils étaient trop ambitieux (muraille verte). Le désert continue d’avancer et les villages se vident de leurs hommes, forcés d’émigrer vers des lieux de travail. Un extrait du beau film d’Alassane Diago, Les Larmes de l’émigration, rend la chose sensible.

Un autre film africain est également convoqué : Les Charbonnières, d’Idriss Diabaté, malheureusement décédé en février 2023. Les pratiques de charbonnage illégal, de feux de brousse et de surpâturage sont une spirale infernale qui annihile tous les efforts de reforestation. Mais lorsque la régénération fonctionne, il est possible d’accéder à un financement international au titre du Crédit-carbone qui a permis l’achat de greniers et de moulins.

« Aucun arbre n’est mort, tout peut repousser ». L’enthousiasme de Schlöndorff est communicatif : on veut y croire !

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