Tourbillon (Silmandé)

De Pierre Yameogo

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Sorti à Ouagadougou où il a réalisé le meilleur score du cinéma burkinabè, ainsi qu’à Cotonou (nov.) et à Dakar (déc.), Silmandé est boycotté par les propriétaires de salles libanais ivoiriens qui possèdent plus de la moitié des salles d’exclusivité du pays. La communauté libanaise se déclare diffamée par certaines scènes et a déposé deux plaintes pour en faire interdire l’exploitation. Pierre Yameogo avait déjà rencontré beaucoup de réticences de la part des institutions finançant habituellement les films africains. Pourtant, le film évite judicieusement les stéréotypes.

Corruptions à l’encan dans le petit monde ouagalais : politicards africains et affairistes libanais sont au mieux de leur forme pour défendre leurs intérêts sous l’œil attentif des charognards. Chronique contemporaine d’une métropole africaine, Silmandé (le tourbillon, en mossi, mais aussi le nom du plus grand hôtel de Ouagadougou) suit de près les tourbillons tant commerciaux qu’affectifs d’une famille libanaise exilée en Afrique et d’une série de personnages vivant au rythme de la cité.
On y retrouve la veine qui avait fait la valeur des précédents films de Pierre Yameogo et qui provient de sa définition du cinéma :  » traiter de réalités sociales ponctuelles pour faire bouger les choses « . Sans tomber dans un réalisme purement descriptif, il met en scène des personnages chargés d’histoire, de leur propre histoire, celle d’un quotidien vécu de l’intérieur, ce qui donne à ses films une certaine théâtralité dans le sens positif du terme : ils donnent corps à la réalité. Une réalité de déchirure : les incompréhensions entre communautés et les corruptions que permettent les pouvoirs économiques et politiques.
Les Libanais de Tourbillon ne sont ni des horribles ni des pantins mais des hommes et des femmes de chair et de sang, qui portent les traces de leur histoire d’exil et d’insertion dans une société étrangère. Et les Africains portent eux et elles aussi les frustrations et les colères de leurs quotidiens. Personne n’est  » beau et gentil  » dans ces affrontements très humains et là est la grande valeur de ce film profondément politique au sens où plutôt que de dénoncer avec distance, il fait vivre les conflits et les contradictions d’une société qui cherche à bouger. Le cinéaste ne fait dès lors qu’accompagner ce mouvement pour mieux le souligner, adaptant son rythme à la complexité et ses métaphores aux dures réalités.
Réjouissante alternative au discours finalement quasi-lepeniste du  » tous pourris  » de films comme Vidange (le dernier Jean-Pierre Mocky), Silmandé est un film actuel et nécessaire qui met non sans une bonne dose d’humour les points sur les i.

Burkina Faso, 1998, 1 h 25, image : Jean Clave, son : Emmanuel de Soria, montage : Jean Dubreuil, musique : Wasis Diop, avec Abdoulaye Komboudri (l’inénarrable  » J’m’en fous « ), Stiti, Anne Roussel, Doua Sidibe. ///Article N° : 587

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