Protectorat britannique avant son indépendance en 1964, le Malawi a subi une dictature pendant 30 ans, avant que ne se mette en place le multipartisme en 1993. En 1994, un gouvernement démocratique a pris ses fonctions et c’est dans ce contexte que la caricature et le dessin de presse ont pu se développer dans le pays.
L’apparition de la démocratie a entraîné certaines libertés, notamment celle de la presse. Au temps du parti unique, avec une presse sous contrôle gouvernemental, les dessins humoristiques et les caricatures étaient rares. Ceux publiés dans les journaux étaient soumis au préalable à une censure très stricte avant d’être publiés.
Cet article se penchera principalement sur deux quotidiens dont le lectorat est très étendu : le Daily Times et The Nation. Le Daily Times date de l’époque coloniale et a été maintenu par le gouvernement malawien à l’Indépendance. Deux suppléments se greffent au Daily Times : le Malawi News et le Sunday Times, qui sont hebdomadaires. Le premier paraît le samedi, tandis que l’autre, comme son nom l’indique, est disponible le dimanche.
Le journal The Nation – qui a aussi deux suppléments, Weekend Nation et le Nation on Sunday – a été lancé en 1993, alors que le pays découvrait le multipartisme.
Ces deux journaux lus à travers tout le pays publient régulièrement des dessins humoristiques et des caricatures.
Ces deux dernières années, le milieu de la caricature a perdu deux de ses caricaturistes les plus connus et les plus talentueux. L’un d’entre eux était dans le métier depuis près de 30 ans. Même si de jeunes caricaturistes ont repris le flambeau en proposant leurs propres dessins, la comparaison risque d’être difficile durant les premiers temps.
Sportsworld de Haswel Kunyenje : ces dessins s’appliquent aux derniers événements sportifs et paraissent généralement une fois par semaine dans l’édition du lundi du Daily Times. Les dialogues sont toujours en anglais.
Malheureusement, Sportsworld est le seul dessin humoristique que l’on peut trouver dans le Daily Times. Comme nous l’avons déjà mentionné, la mort de caricaturistes de talent a entraîné un certain vide délicat à combler immédiatement.
Ce journal, qui est un supplément du Daily Times, parait uniquement le samedi. Il a beaucoup de succès auprès des Malawiens, comparé au Daily Times, car il comporte également des histoires racontées en chichewa, considérée comme langue nationale.
Contrairement au Daily Times, qui n’a qu’un seul dessin humoristique, le Malawi News en propose toute une variété. Certains, biens connus des lecteurs, sont en chichewa, comme Zaya Kunkhongo et Fingo,qui portentles noms de leurs personnages principaux. À la fois humoristiques et pédagogiques, ils ont une fonction purement comique.
La traduction littérale de l’autre bande dessinée, Cheka Cheka, est « couper » ; mais dans le langage familier ou populaire parlé couramment par les jeunes, cela signifie « s’échapper d’une situation délicate. » Le personnage de cette série fait toujours tout de travers. Parfois, les lecteurs le retrouvent fuyant son logement dont le propriétaire veut récupérer son dû. Il arrive qu’il soit pris au dépourvu par une prostituée qui lui réclame son « salaire ». Haswell Kunyenje, son dessinateur, travaille aussi sur le monde sportif au Daily Times.
Ce journal comporte deux séries dessinées. La première s’intitule Achimwene, qui signifie « frère ». Ce n’est pas nécessairement un frère de sang, mais cela peut être un terme pour désigner un ami ou une personne proche. Ce dessin humoristique traite d’un couple de personnes âgées dans lequel, contrairement aux autres couples, c’est le mari qui est maltraité et abusé. Lorsqu’ils se disputent, la femme remporte toujours la partie. Cette série humoristique dépeint de vraies situations de la vie quotidienne concernant la violence à l’égard du sexe opposé. La violence à l’égard des hommes est une réalité au Malawi, mais peu d’entre eux en parlent ouvertement.
L’autre bande dessinée s’appelle Zochitika, ce qui signifie « affaires courantes » en chichewa. Comme son nom l’indique, cette caricature traite des événements ayant lieu sur les scènes politique, économique et sociale avec une préférence tout de même pour la politique.
Deux jeunes dessinateurs prometteurs y figurent et remplacent les séries qui se sont arrêtées en raison de la mort de leur créateur. Elles sont condamnées à ne pas être « vraiment authentiques » puisqu’elles ont repris le thème des bandes dessinées précédentes. Toutefois, les gens commencent à les apprécier.
La bande dessinée intitulée Rappel au règlement est purement politique et commente les derniers développements sur le sujet. Les politiciens sont les cibles de cette caricature qui a beaucoup de succès auprès des lecteurs du journal.
La seconde a pour nom Ayobe, du nom de son personnage, un homme à la pensée floue, à travers lequel sont commentés les aspects sociaux de la vie quotidienne. Elle se penche principalement sur l’infidélité des hommes, qui sortent avec des prostituées dans des bars ou dans des lieux de divertissement.
Ayobe est également présent dans ce supplément du samedi. Mais, l’autre caricature importante, qui est aussi la meilleure du Malawi (élue meilleure caricature de l’année dans les suppléments de divertissement) s’appelle Amtchona. Ce terme désigne une personne qui a résidé un long moment hors de son pays d’origine, et qui y revient longtemps plus tard. Cette série à succès se moque de tout le monde : politiciens, artistes et pasteurs, pris dans des controverses. En les critiquant de façon indirecte, elle aborde les aspects sociaux et politiques de la vie quotidienne. Son dessinateur est connu sous le nom de James Kazembe.
L’autre série dessinée de ce journal, placée dans la rubrique des sports, se nomme Dobadoba. Il est difficile d’en donner une traduction littérale, mais dans le langage courant, ce terme désigne une personne qui se démène pour gagner sa vie quotidiennement. Le personnage principal est un commentateur sportif, et plus particulièrement de football, sport populaire au Malawi. Le dessinateur est Tofera Dikani.
Trois dessins humoristiques figurent dans ce journal. Tous ont un aspect social et laissent la politique de côté.
Romento est dessiné par Henry Chilimampunga et traite d’amour et des relations humaines. A travers les personnages d’Alisha, une prostituée traitée en héroïne, le dessinateur Chimwemwe J. Chiwanda traite dans Alisha des problèmes auxquels sont confrontées les prostituées. Enfin, Mapundi, qui donne son nom au personnage principal, dresse la caricature d’un fou, sans jugeote, parfois malhonnête pour aborder des questions de société.
Les caricatures publiées dans les principaux journaux de la presse malawite illustrent des événements de nature politique ou sociale, traités sur un mode comique et finalement peu revendicatif. En ce sens, elles constituent une source de divertissement pour les lecteurs, ainsi qu’une source d’inspiration pédagogique et moralisatrice. Le défi pour la nouvelle génération à venir sera de dépasser ce stade et de jouer pleinement son rôle de poil à gratter de la vie publique nationale.
