Vidéofilms : vers une renaissance du cinéma malgache ?

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Il est une tradition sur les Hauts Plateaux de Madagascar d’exhumer les défunts pour changer leur linceul. Cette coutume s’appelle le famadihana ou « retournement des morts ». Le cinéma malgache était presque mort lui aussi mais la vidéo lui a redonné un nouvel éclat.
« Il n’y a pas de productions cinématographiques dignes de ce nom à l’heure actuelle à Madagascar ». C’est la dure constatation que dresse Laza, jeune réalisateur malgache formé à la Femis à Paris et qui essaie de promouvoir et de développer le septième art dans son pays. Le propos est amer mais pourtant assez réaliste. Il est vrai que le dernier film de fiction tourné en 35mm remonte à 1996 et fut l’oeuvre de Raymond Rajaonarivelo. Depuis Quand les étoiles rencontrent la mer, dix ans se sont écoulés certes, mais on est loin de l’inertie supposée. La vidéo a pris le relais d’un cinéma moribond et, ce faisant, lui a donné une sorte de second souffle.
Avoko Rakotoarijaona fut le premier à s’engouffrer dans la brèche en filmant des scènes de kung-fu avec des moyens techniques assez rudimentaires. Mais face au succès populaire de ses réalisations, des maisons de productions ont vu le jour, les salles de cinéma de la capitale ont rouvert et des vocations sont nées. A l’image d’Henri Randrianierenana, Akomba Mazoto, Tahiry Rajeriarison et d’autres qui, en l’espace de quelques années, ont tourné quantité de films tous basés sur le même modèle hollywoodien, la recette du succès semble simple : des histoires d’amour où se mêlent argent et meurtres, le tout agrémenté de beaucoup de suspense et d’action.
Tous les genres sont abordés, du policier (Raharaha 244 d’Henri Randrianierenana et Germain Andriamanatena en 2001), à la comédie (Ralaitavindravao d’Akomba Mazoto en 2002), en passant par le mélodrame (Nenina de Rivohanta Dinaniaina en 2006), l’épouvante (Boky Mainty d’Avoko en 2002) et bien sûr l’action (Adala matankjaka 1 de Florentin Randrianasoanina en 2004). Le public, habitué aux superproductions américaines et aux soap-opéras diffusées en boucle sur les chaînes de télévisions nationales et privées, est friand de ces fictions malgachisées.
Cet engouement n’est pas spécifique à la capitale mais se retrouve aussi dans les provinces avec des vidéos réalisées et consommées localement. A Fianarantsoa par exemple, la société Ftphm est passée maître dans les films de combats. Cette nouvelle technologie a aussi séduit des cinéastes de la première génération, tel Ignace-Solo Randrasana, auteur, entre autres, de Very Remby en 1973 et Mad 47 Ilo tsy very en 1986. Lassé de ne pouvoir faire des films faute de moyens financiers suffisants, il a recours désormais au numérique, plus accessible, pour réaliser des oeuvres comme Alakaosy en 2004.
Si le cinéma classique fut longtemps l’apanage des hommes, la vidéo introduit le principe de la mixité. Volatiana Rasolonjatovo, ancienne mannequin, est en effet la première femme à s’être fait un nom en tant qu’actrice et réalisatrice. Sa réussite encourage les jeunes à se lancer dans l’aventure si l’on en juge par les interminables files d’attentes lors des castings. Chanteurs et musiciens veulent eux aussi avoir leur nom au générique. Spy D, Ricky et autres célébrités du monde musical malgache sont nombreux à être passés devant ou derrière la caméra. Leurs films, écrits ou sous-titrés en français, visent une audience plus large voire internationale.
Beaucoup d’ambitions donc malgré le faible budget de ces films, tournés en quelques semaines, et le manque de formation de la plupart de ces réalisateurs, qui renvoient plutôt l’image d’un travail d’amateurs. Difficile cependant de faire mieux sans aide financière de l’Etat et sans structures adéquates. Bien des ministres ont essayé de donner au cinéma un cadre juridique, mais en vain, car pour l’instant ce n’est toujours pas une activité reconnue légalement à Madagascar. Malgré des tentatives pour enrayer le piratage, des copies illégales de films circulent abondamment en VCD et fragilisent ce secteur en plein essor.
On peut dire beaucoup sur la qualité esthétique de ces vidéos mais elles ont le mérite de faire travailler de façon régulière des techniciens, ingénieurs, acteurs et différents corps de métiers liés au septième art qui, peut-être un jour, produiront des oeuvres plus proches du cinéma conventionnel.
Laza, lui, n’a pas l’intention d’attendre que les choses changent d’elles-mêmes. Après avoir ouvertement critiqué ces productions vidéos dans son premier long métrage intitulé Tana 2003, il entend rehausser l’image du septième art à Madagascar avec des films plus construits, tant sur la forme que dans le contenu. Il envisage également de créer un studio cinématographique sur place et est à l’origine du premier festival malgache de courts métrages qui se déroulera du 27 au 29 avril 2006. Histoire de démontrer que le cinéma sur l’Ile Rouge n’est pas mort, bien au contraire.

///Article N° : 4359

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