Le décès de Jean-Servais Bakyono

Un hommage au journaliste et critique

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Nous apprenons avec une grande tristesse le décès de Jean-Servais Bakyono le lundi 20 mars 2006 à Abidjan des suites d’une longue maladie.

Né le 16 avril 1954 à Reo en Haute-Volta (actuel Burkina Faso), il a effectué une partie de sa scolarité à Dakar au Lycée Maurice de Lafosse. Il maîtrisait bien le wolof, langue qu’il avait aprise au quartier des pêcheurs de Ngor, mais c’est dans un pays anglophone qu’il apprendra le journalisme : Jean-Servais Bakyono était diplômé du Ghana Institute of Journalism d’Accra (1973). Brillant critique de cinéma, il a régulièrement couvert les festivals internationaux (Cannes, Berlin, Journées Cinématographiques de Carthage, etc.) et à activement collaboré à la revue Ecrans d’Afrique de 1992 à 1997 de même qu’au bulletin quotidien du Fespaco de Ouagadougou, Fespaco News. Nommé à plusieurs reprises président du jury de l’OUA au Fespaco de Ouagadougou, il y a également assuré la fonction de président du jury de l’Unesco pour les Droits de l’Homme en 2003. Chef du service culturel de différents journaux ivoiriens comme Ivoire Dimanche, Notre Temps ou Le Jour, il a contribué à de nombreuses publications internationales et était depuis 1994 rédacteur associé à Africultures.
Ayant déjà participé à la publication de plusieurs ouvrages sur le cinéma en Afrique, il préparait un essai sur la thématique « cinéma et musique » ainsi qu’un recueil d’interviews de cinéastes africains.
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Dès son décès, les réactions ont afflué, qui prouvent la valeur de l’homme et à quel point il a marqué le journalisme et le cinéma en Afrique, dont on trouvera ci-dessous quelques extraits :
Baba Diop, critique sénégalais :
C’est une partie de moi même qui vient de disparaître avec le décès de Jean-Servais Bakyono. Nous courrions depuis le début des années 80, période où je l’ai connu les festivals. Quand les réalisateurs le voyaient ils savaient que je n’étais pas loin et quand ils me voyaient ils savaient que Jean-Servais n’était pas loin. C’est pour l’amour et la passion du cinéma que nous étions jumeaux. En plus de couvrir le Fespaco pour nos organes respectifs, nous écrivions bénévolement pour le Fespaco News, du premier au dernier jour du Fespaco et ceci des années durant, comme nous étions de l’aventure d’écran d’Afrique. Jean Servais avait une immense culture du cinéma, non seulement africain mais mondial. Il était aussi doublé d’un critique d’art. Il a travaillé avec la biennale de Dakar Dak’art. Bien que le sachant malade, le secrétaire général de la Biennale de Dakar l’avait invité à participer en 2005 à la rencontre de Dakar sur la critique. Il animait aussi le journal de la biennale.
Le décès de Jean Servais signe sa deuxième disparition. La première c’est quand avec les événements en Côte d’Ivoire, tout ce qu’il avait pu engranger comme documentation, témoignages, portraits de réalisateurs et d’artistes plasticiens a été pillé. C’était sa mémoire qui disparaissait.
C’est à Tunis lors des journées Cinématographiques de 2004 où il était membre du jury de courts métrages et de documentaires qu’il a réellement senti les alertes sérieuses de sa maladie mais il ne voulait rien dramatiser. Les nombreux films qu’il visionnait avec le jury lors de ces JCC l’ont empêché de participer à la réunion constitutive de la Fédération africaine de la critique cinématographique.
Jean-Servais fait partie des rares journalistes africains qui après avoir fait leurs études en journalisme dans un pays anglophone sont revenus dans le giron francophone. Bien que Burkinabè, il a effectué le plus clair de sa carrière journalistique en Côte d’Ivoire, à tel point qu’on le prenait pour un Ivoirien.
J’entends encore le rire joyeux de Jean-Servais et les histoires qu’il savait raconter. Repose en paix, Jean, et que les anges du cinéma veillent sur toi jusqu’à l’éternité.
Mes condoléances à toute la fédération.
Baba Diop
Imunga Ivanga, cinéaste gabonais :
Nul n’ignore l’implication, l’engagement de Jean-Servais dans le travail que nous développons. Il nous précède en espérant sans doute que l’on redouble d’ardeur. On tachera de ne pas le décevoir. Qu’il repose en paix.
Imunga
Baba Hama, secrétaire général du Fespaco :
Jean Servais Bakyono n’est plus. C’est le monde du septième art qui pleure l’absence d’un acteur de premier plan. C’est un habitué du FESPACO qui a ainsi tiré sa révérence ! Jean servais Bakyono faisait partie de ces critiques qui élevaient les débats sur le cinéma africain. Un cinéma qu’il a aimé et auquel il s’était consacré toute sa vie. En Afrique et hors du continent, il s’est fait le défenseur de ce cinéma et surtout le porte-parole en tant que critique dont les écrits ont permis d’éclairer bien de lanternes. Il manquera ainsi aux festivals de films un festivalier des plus réguliers. Mais au-delà du professionnel c’est un ami et un frère que nous pleurons. Le personnel du FESPACO n’oubliera cette image forte de sa présence au FESPACO 2005 où malgré la maladie, il avait encore répondu au devoir. Il restera dans les mémoires comme un soldat tombé sur le champ de bataille.
Baba Hama
Izza Genini, cinéaste marocaine :
Avec quelle profonde tristesse je reçois en ce jour de printemps la nouvelle de la disparition de Jean Servais. Compagnon de routes, cinématographique, festivalières, amicale, depuis des décades, je garderai de lui le souvenir de ces moments bénis partagés à Ouaga, Carthage, Paris… Sa vive et généreuse curiosité allait autant vers les films que vers les personnes qui sont derrière… Il y a très longtemps, alors que, distributrice et productrice, je ne réalisais pas encore de films, il titra un de ses articles dans Ivoire Dimanche, « Géniale Génini », ce qui devint jusqu’à ce jour le cri de notre ralliement !
Mais Jean Servais ne s’intéressait pas qu’au cinéma, Profondément spiritualiste et humaniste, il avait gardé jalousement une bible que je lui avais offerte il y a très longtemps. L’an dernier il m’appelle (chose rare) pour me dire que dans le dénuement qui le frappait, ce qui lui manquait le plus cruellement, c’était cette bible. Je lui renvoyai la même à Ouaga où il résidait alors. J’espère qu’il a fini par la recevoir car il l’attendait impatiemment.
A ses parents et amis, je présente mes condoléances les plus attristées.
Izza Génini
Clément Tapsoba, critique burkinabè :
C’est avec beaucoup de tristesse que j’ai appris le décès de notre ami Jean-Servais. Profitant ce mardi soir de la première du dernier film de Boubacar Diallo, une parodie de western africain, j’en ai tenu informé les gens de cinéma présents au ciné Burkina. Ce fut la stupeur car Jean-Servais Bakyono était connu par tout le milieu du cinéma. Baba Diop le soulignait si bien, avec lui et Bakyono, nous avons cheminé ensemble dans l’aventure d’Ecrans d’Afrique. Personnellement j’ai toujours tenu à l’associer à toutes les initiatives prises dans le cadre des publications ou autres portant sur le cinéma africain. C’est dire combien je m’associe à toutes initiatives visant à lui rendre hommage mérité.
Repose en paix, mon frère.
Clément
Tanella Boni, écrivaine ivoirienne :
Depuis hier, je suis un peu sonnée par l’événement, surtout que notre dernière rencontre, il y a un an, fut un peu ratée. L’échange libre, qui prenait l’allure de confidences depuis des années, ne put se faire. Tu étais mal en point moralement et physiquement. Et, de mon côté, d’autres problèmes me pesaient très lourd. Dans la famille, tout le monde, même celles et ceux qui n’habitent pas là, te connaissaient, Jean-Servais. Tu as vu mes enfants grandir. Je me rappelle encore ces pieds de tulipes blanches que tu avais offerts un de ces jours à ma sœur, celle-ci a traversé le pays, fait des centaines de kilomètres pour les planter chez elle. Pour toi, ma porte et mon téléphone étaient ouverts, à tout moment. Il n’y avait donc pas que des relations de travail entre nous. Je me rappelle encore le tour rituel que je faisais chez toi, les dimanches matins, après le marché, pour t’apporter des fruits, au moment où tu t’es coupé du monde et restais parfois enfermé, seul, pendant des jours… Nous faisions le tour de la planète en paroles, papotions pendant des heures et tu riais à gorge déployée. C’est à ce moment-là, autour des années 2000, que tu te souciais déjà de tes nombreuses archives, entassées pêle-mêle, dans le logement que tu occupais, dans une cour presque commune, où tu n’hésitais pas, cependant, à loger quelques amis de passage. J’ai pu lire quelques poèmes que tu écrivais, depuis longtemps. Tu avais aussi d’autres manuscrits. Depuis qu’un propriétaire en mal de patience avait mis tes affaires dehors, dans ce climat de ni paix ni guerre, je ne sais ce que sont devenus ces trésors épars : des bandes sonores aux images et photos, en passant par toutes sortes de textes et de coupures de presse.
Parfois, pour les gens qu’on a connus de si près, les mots manquent pour dire l’essentiel, quand ils ne sont plus là. A moins que l’on ne soit de la trempe des griots et que la parole s’enflamme autour du destin de celles et ceux qui furent des femmes et des hommes remarquables. Tu avais cette humilité et cette générosité de cœur qui constituent la marque des êtres pétris d’humanité. Et, dans le même temps, comment expliquer cette fragilité qui ne te quittait plus depuis de longues années déjà ? Cette précarité, devrais-je dire, qui te collait à la peau ? Le monde entier a pu reconnaître tes talents de critique d’art. Qui doute de ce que tu fus un des critiques les plus compétents en matière de cinéma ? Toi, homme de grande culture, qui a de nombreux amis (et des ennemis, j’imagine), qui as côtoyé quelques grands de ce monde aussi bien que de petites gens, qui avais un certain franc parler, tu passas, il me semble, de charybde en scylla il y a quelques années, quand tu as quitté le quotidien Le Jour. Tu faisais le tour du monde en effet, quand tu le pouvais, tu étais reconnu ailleurs, tu revenais en Côte d’Ivoire et continuais à tirer le diable par la queue, en silence et dans la dignité. C’est peut-être aussi cela qui s’appelle un destin : ce poids à porter qui ne nous quitte pas, jusqu’au dernier souffle…
Et pourtant, aux heures de gloire de l’hebdomadaire Ivoire dimanche, dans les années 80, tu fus un journaliste incontournable en Côte d’Ivoire. Nous ne devons pas perdre la mémoire de ces années maquis, marquées par des lieux et des personnes qui organisaient ou relayaient l’événement culturel sous le parti unique ; Jean-Servais, tu fus l’un des piliers qui laissaient des traces autour des activités culturelles, en tout temps, en tout lieu. Sous ton vrai nom ou sous un pseudonyme (Francis Bagnon, par exemple), ta plume était tout en nuances, poétique et souple.
Pour moi, tu n’étais pas qu’un journaliste de talent, Jean-Servais, ni même peut-être un ami, tu étais simplement là, un visage pas comme les autres, qui me parlait et à qui je parlais, proche ; j’entends encore ta voix, même dans la distance ces derniers temps… Alors, je m’arrête là, sans d’autres mots intempestifs, pour te donner le temps du repos dans la paix…
Tanella Boni, 22 mars 2006
Isabelle Bourgueil, éditrice française, L’Or des fous :
Nous nous sommes croisés à Abidjan, à Ouagadougou, à Dakar… A chaque rencontre, je t’appelais Jean. D’autres t’appelaient plus facilement Bakyono ou Jean-Servais. Tu as été mon guide lors de mon premier voyage à Abidjan ; je gardais précieusement ce petit papier avec ton nom et ton n° de téléphone donné par Olivier Barlet qui me confiait à toi pour ce premier voyage. Tu, toi et ta grande hospitalité, êtes venus à cet hôtel du plateau me rencontrer ; nous avons tourné, expression burkinabé qui dit visiter, le cœur de cette ville immense et diverse. Comment te dire merci pour toutes nos discussions passionnantes ? Comment encore te dire ma reconnaissance de m’avoir initiée à tes Afriques : ses écrivains, ses cinémas, ses arts ? Jean, tu es là, près de moi et tu ne quitteras jamais mon cœur.
Isabelle
Olivier Barlet, critique français, Africultures
Comment oublier celui qui m’a introduit aux cinémas d’Afrique, initiateur et père en ce métier ? Il adorait discuter des films, y décelait tant de choses qui me restaient cachées, analysait les musiques, affichait une incroyable érudition… Je me rapprochais volontiers de lui à la sortie des séances du Fespaco et son regard disait déjà ce qu’il mûrissait encore au niveau des mots. Ces mots, il savait les manier et ses collaborations à Africultures, malheureusement rendues difficiles par la crise ivoirienne et la maladie ces dernières années, restent de vibrants témoignages de sa passion pour le cinéma et de son engagement pour la pensée.
Mais à la source de l’écrivain, il y avait l’homme et sa culture. Il avait surtout cette qualité tant oubliée, la générosité. Non financière, il aurait eu du mal, mais intellectuelle et magnifiquement humaine.
Merci Jean-Servais.
Olivier
Michel Amarger, critique français, RFI
Je suis consterné par le décès de notre camarade Jean Servais Bakyono, survenu dans de pénibles circonstances physiques et une grande misère. Je m’associe à la douleur de ses proches et souhaite que nous puissions lui rendre un hommage digne, à la hauteur de ses qualités humaines. Je garde le souvenir d’un compagnon cinéphile, à l’oeil aiguisé, passionné et critique envers les productions africaines qu’il évaluait en connaisseur. Les moments que nous avons partagés dans de multiples circonstances et des endroits très divers m’ont permis d’apprécier un homme sensible et fin. Souhaitons que ses écrits connaissent une postérité méritée et que son esprit demeure pour nous éclairer dans nos réflexions présentes.
Michel A.
Ange-Séverin Malanda, philosophe congolais :
La nouvelle de la mort de Jean-Servais Bakyono me plonge dans une profonde tristesse. Je pensais encore à lui tout récemment, en découvrant que Jean-Michel Basquiat avait séjourné à Abidjan dans les années 1980 (en 1986, je crois). Entamant une recherche sur le passage africain du célèbre artiste new-yorkais, je comptais m’adresser à Jean-Servais Bakyono pour obtenir autant de renseignements que possible sur les personnes à interroger pour savoir ce qui s’est réellement passé lorsque Basquiat s’est rendu à Abidjan. J’étais certain que Jean-Servais allait me fournir tous les éléments dont j’allais avoir besoin.
Il y a quelques années encore, je rencontrais Jean-Servais chaque fois qu’il se rendait à Paris. Avec d’autres amis, nous échangions des nouvelles, confrontions des expériences ; nous parlions de nos espoirs. De nos désillusions aussi. Nous faisions parfois allusion à des secrets. Je pleure aujourd’hui un être dont j’étais sûr qu’en ces temps parfois brutaux, il serait toujours un proche parmi les plus proches. Un jour, mon texte sur Basquiat sera fin prêt. Il sera dédié à Jean-Servais Bakyono.
Ange-Séverin Malanda.
Salif Traoré, cinéaste malien :
C’est avec amertume que j’apprends ce jour la perte cruelle de notre frère Jean-Servais Bakyono. Un homme généreux s’en est allé. Encore un espoir s’est éteint. Il est de ceux qui devraient continuer la mémoire du cinéma Africain mais hélas la mort nous l’arrache prématurément. Nous garderons tous éternellement un souvenir de cet homme de culture. Paix à son âme.
Salif Traoré, réalisateur du Mali – en post – production de son film « Faro, la Reine des eaux »
Ludovic Kibura, critique de cinéma :
Tristes nouvelles. Sincères condoléances à la famille de celui dont la silhouette manquera Beaucoup au FESPACO. Bien que fatigué par la maladie il ne ratait pas d’occasion pour faire partager sa joie de vivre et ses connaissances cinématographiques à tous ceux qui l l’approchaient et n’hésitait pas a donner du « mon parent » dès le premier contact. Perte énorme pour la critique et le cinéma Africain. Que son âme repose en paix !
Ludo
Rémi Coulibaly écrit dans Fraternité Matin du 21 mars 2006 :
Les plus jeunes ne s’en souviennent certainement pas bien. Mais Jean Servais était une icône pour une certaine génération de journalistes et une source fiable de culture artistique et littéraire pour des milliers de lecteurs de la sous-région.
Edwige H., journaliste ivoirienne :
Avouons-le. L’annonce du décès de Jean Servais Bakyono n’a pas surpris grand monde. Surtout ceux qui, comme moi, l’avaient vu ces derniers temps et avaient pu jauger la déchéance physique et, hélas, morale qui l’avait gagné. Le rire joyeux dont parle Baba, l’avait quitté depuis plus d’un an déjà. Subrepticement, la vie se retirait de lui. Jean Servais Bakyono était devenu un cocktail détonnant de sensibilité et de susceptibilité. Tout l’agaçait, un rien l’énervait. Un sourire l’irritait, un regard indifférent l’écoeurait et il explosait lorsqu’on l’interrogeait sur sa santé. Et dans cette explosion, tout volait en éclat : le pillage de sa maison, l’ingratitude des uns, la méchanceté des autres, le cinéma africain et surtout le don de sa personne à ce cinéma. Ce don de soi l’avait déçu. Etait ce vraiment de la déception ? Le mot frustration conviendrait. Il se savait au soir de sa vie. Et il n’avait rien. Jamais eu une voiture, pas de maison et même plus ses livres. Le sentiment d’avoir travaillé pour rien l’habitait ; et s’était mué en ressentiment qui le rongeait. Le pauvre ! Il n’avait pas réalisé qu’il n’avait jamais travaillé. Il avait vécu sa passion. Ses passions. Celle pour l’art, le cinéma africain ; puis l’autre, sa douloureuse passion. Jean Servais était bien plus qu’un critique d’art. C’était un artiste de la critique. C’était un homme-passion. Donc passionnant.
Edwige H.
Lotfi Ben Khelifa, critique tunisien :
Ainsi va la vie. La mort nous guette à chaque instant et celle d’un ami est encore plus dure à supporter. Je suis très triste d’apprendre la mort, le départ à jamais de mon collègue et ami Jean Servais Bakyono. Sa silhouette hantera encore et toujours les espaces des festivals où je le rencontrai : de Carthage à Cannes,de Ouaga à Milan, d’Amiens à… et que sait-on encore. Ta douce folie du cinéma est mienne, Jean. Repose en paix !
Alassane Cissé, journaliste et critique sénégalais :
C’est avec tristesse et consternation que nous avons appris le décès de notre grand frère Jean Servais Bakyono. L’Afrique a perdu l’un de ses illustres critiques de cinéma et d’art visuel.
L’Association de la presse culturelle du Sénégal, les Journalistes culturels d’Afrique en Réseau (JOcar), Tata Annette Mbaye d’Erneville, initiatrice des Rencontres cinématographiques de Dakar (Recidak) et des amis de Jean vont organiser une messe de requiem à Dakar.
Alassane Cissé
Mylène Atin-Rossignol :
A toi Jean-Servais…
A toi Jean qui vient de rejoindre le paradis des artistes, ces quelques mots pour dire tout haut et tout fort qui tu étais ! Pour que tout le monde comprenne qu’on vient de perdre un être cher et précieux.
Tu aimais l’Autre, tu aimais l’Humain, à travers sa diversité, son pluralisme, sa pensée. Ton altruisme te distinguais des autres. Que dire de ta culture, de ta pensée, de ton ouverture d’esprit !
A toi Jean-Servais,
Au delà de tout clivage religieux, ethnique et politique tu es toujours resté fidèle à ta pensée majeure : la fraternité et la paix.
A toi Jean-Servais, pour toujours dans mes pensées.
Mylène
Jean Fatou K. Sene, critique et journaliste sénégalais :
C’est des moments très durs pour nous jeunes, si l’on voit tout le parcours de Jean-Servais Bakyono, l’on se demande si nous pouvons relever le défi. Tu nous a tracé la route, et tu l’as si bien tracé que nous te disons merci. Merci pour tout et sache que ton devoir à été accompli, nous te serons reconnaissant jusqu’à la fin de nos jours et l’Afrique tout entière qui s’incline aujourd’hui devant ta mémoire, sait que tu as travaillé pour elle. Repose en paix.
Jean Fatou K. Sene, journaliste au quotidien Wal Fadjri
Guy Mérimé Padja, critique camerounais :
Le départ de JSB est une perte énorme pour le cinéma africain, pour l’art tout court, mais aussi et surtout pour nous autres jeunes qui nous intéressons à la critique.
J’ai rencontré JSB pour la première fois à Berlin en novembre 2000, à l’Institut Goethe. Dès le premier contact, j’ai été impression par son énorme culture. En plus, il m’a fait l’honneur de m’inviter à assister en sa compagnie à toutes les projections du Festival international du film de Berlin qui se tenait quelques mois plus tard (février 2001) et pour lequel nous avions, tous les deux une accréditation. Un vrai apprentissage. J’étais littéralement subjugué par l’étendue de ses connaissances et la pertinence de ses analyses.
JBS n’était pas très bavard, il n’était guère extravagant. C’était pourtant un homme de culture, mais surtout un homme de conviction, respectable et respecté pour cela. Son apparente timidité masquait mal la passion qui le consumait de l’intérieur. La passion du cinéma, la passion de l’art.
D’abord difficile d’accès pour quiconque n’était pas tout à fait ou pas carrément n’était pas du même bord que lui (c’est-à-dire ceux qui ont la vulgarité pour compagne), Jean-Servais savait se montrer affable, généreux et disponible jusqu’à la caricature. Il lui arrivait même d’être disserte, pour peu qu’on veuille discuter avec lui de cinéma, d’art. Sa seule passion. Celle à laquelle il a consacré sa vie. Une vie intense. (…)
Grands frères critiques, nous avons le regard tourné vers vous, maintenant que votre compagnon vous a laissé. Nous comptons sur vous. Maintenant que l’une des pierres n’est plus, votre tâche est plus grande. Votre responsabilité aussi. Je vous en prie, conservez bien tous ces trésors d’archives que vous avez accumulé au cours de toutes ces années au service du cinéma et de l’art et de l’Histoire de notre cher continent.
Mérimé Padja, Sudplateau, Yaoundé.
Soro Solo, journaliste ivoirien, Africultures :
Jean-Servais Bakyono aimait aller boire une bière dans le « Hyde Park tropical » des bords de la Lagune Ebrié et échanger avec la faune d’artistes qui passaient par là. Il adorait cet espace immatériel, populaire, pittoresque et riche de rencontres multiples. Créateurs de tous bords, chroniqueurs de la vie politique, de l’actualité, philosophes de trottoir, prédicateurs des années de crise, « docteurs en pharmacopée, il y a tout ce qu’aimait décrypter le journaliste décalé qu’il était.
Grand critique de cinéma, fin observateur de la culture en général et urbaine en particulier, Jean-Servais était une plume de référence, précise, incisive et colorée. Un bon vivant qui a couvert tous les festivals de cinéma en Afrique, en Europe et en Amérique du nord. De l’hebdomadaire Ivoire Soir au quotidien Le Jour, Bakyono a encadré des générations entières de journalistes dont certains sont aujourd’hui rédacteur en chef, directeur de publication ou occupent de hautes fonctions au ministère de la Communication de Côte-d’Ivoire. On ne saura jamais pourquoi Jean Servais n’a jamais été traité à la hauteur de son talent dans aucune des publications ivoirienne où il a collaboré.
Il avait une haute opinion du rôle et de la fonction du journaliste africain. Il méprisait les laudateurs de cours qui sont encore, malheureusement, légion dans son pays d’adoption. Il semble avoir payé de sa carrière et de sa vie pour n’avoir jamais accepté de s’inféoder à un quelconque pouvoir.
Paix à son âme.
Soro Solo

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