Huit années après la sortie de Toubab bi avec Makena Diop dans le rôle d’un immigré, Moussa Touré lui renouvelle sa confiance. Il est Rambo dans TGV, parcours chaotique à l’image de l’Afrique contemporaine paupérisée par les guerres tribales, l’exode des ruraux, les pesanteurs des croyances religieuses. Au neuvième Festival du cinéma africain de Milan, le 25 mars, il reçoit le prix du public mais il est absent du palmarès du Fespaco.
Dans l’espace réduit d’un taxi-brousse lancé entre Dakar et Conakry, deux espaces qui circonscrivent l’immensité du continent, Moussa Touré réunit une dizaine de passagers de diverses couches de la société pour dépeindre les maux qui bloquent la marche de l’Afrique vers le progrès. Dès le départ, alors que l’apprenti s’active sur le toit pour ranger les bagages, un militaire rapporte à Rambo les bruits d’une rébellion à la frontière guinéenne. Certains ajournent aussitôt leur voyage. Dix seulement remettent leur destin entre les mains de Rambo décidé à encourir le risque…
Le car s’ébranle au moment où une masse de réfugiés se déverse dans la gare routière. TGv fait cohabiter un ministre déchu et son épouse soucieuse de sa mise de grande dame ; un intellectuel au chômage à l’allure mafieuse ; un chef rebelle muet comme une carpe ; un marabout affublé de son talibé ; un guérisseur au visage secoué de tics névrotiques ; une jeune fille à la coiffure garnie de perles ; une dame aguichante ; un polygame accompagné de ses moutons pour doter une énième épouse. Leurs nerfs finiront par craquer, mettant à nu leurs différends. Le marabout et le guérisseur rivalisent en démonstration magique. L’intellectuel en chômage se fait corriger par des dealers. Le chef rebelle et le polygame se toisent. La dame aguichante s’offre en spectacle. L’espace du car devient un théâtre où chaque passager incarne un personnage travaillé par l’angoisse, la peur, l’incertitude.
Le chef rebelle sort de son mutisme, laissant tomber son masque, lorsqu’arrive un couple d’ethnologues blancs perdus dans la forêt profonde. Munis d’une carte du seizième siècle, ces chercheurs pistent les traces d’un illustre prédécesseur, un certain prince mandingue, sans aucun doute Abou Bakari II, découvreur du Nouveau Monde. Pour faire chanter l’Occident, le chef rebelle les prend en otage, compromis que Rambo accepte pour poursuivre le voyage…
L’itinéraire chaotique permet de dérouler les maux de l’Afrique contemporaine : masses de réfugiés naviguant à vue aux abords des grandes voies, images insoutenables où se lisent les affres des guerres tribales allumées par des politiques arrivistes en complicité avec des dignitaires religieux. L’aventure du car sur le ventre crevassé de l’Afrique est ponctué par de belles plages musicales composées par le musicien sénégalais, Wasis Diop, sensible aux vibrations des êtres et des choses.
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